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Note d'analyse
Publié le
Mardi 21 Février 2017
L’essor du salariat au XXe siècle a dépeuplé les campagnes. La métropolisation du XXIe pourrait vider les « petites » villes. Sauf à ce que la création de richesses des métropoles vienne irriguer les territoires périphériques.
Dynamique de l'emploi et des métiers : quelle fracture territoriale ?

La métropolisation, qui se définit comme la concentration des activités économiques dans les plus grandes villes, est un processus inédit au regard de l’histoire. Porté par l’expansion du salariat, l’exode rural avait profité à toutes les villes, petites et grandes. À partir des années 2000, en revanche, les dynamiques de croissance se différencient selon les territoires urbains. Les métropoles – aires urbaines de plus de 500 000 habitants – captent les créations d’emplois tandis que les territoires périphériques « décrochent ».

Les métropoles raflent la mise

Les métropoles concentrent déjà 46 % des emplois – 22 % pour la seule aire urbaine de Paris et 24 % dans les douze plus grandes aires urbaines de province – et le mouvement devrait se poursuivre, si l’on en croit les projections à 2022 de France Stratégie et de la Dares. Pourquoi ? Parce que les métropoles sont spécialisées dans des activités structurellement dynamiques, portées par l’économie de la connaissance et la tertiarisation. De ce fait, les métiers les plus porteurs sont dans les grandes villes. En 2011, 85 % des ingénieurs de l’informatique, 75 % des professionnels de l’information et de la communication et 69 % du personnel d’études et de recherche se trouvent dans les métropoles. À l’inverse, la désindustrialisation pénalise les petites villes et les communes isolées où les métiers agricoles et d’ouvriers sont surreprésentés. Il existe en d’autres termes une spécialisation spatiale du travail héritée de l’histoire économique qui profite aujourd'hui aux métropoles.

Mais ce n’est pas seulement sa spécialisation qui fait la force de la métropole, c’est aussi le fait que ses activités et ses métiers soient rassemblés dans une proximité géographique qui favorise les « effets d’agglomération », c'est-à-dire les gains de productivité offerts par la proximité physique des entreprises les unes avec les autres. Synergies (typiquement recherchées par les pôles de compétitivité), rendements d’échelle (partage d’un vaste marché de clients et de fournisseurs) et externalités positives (diffusion de l’innovation et de la connaissance). Enfin, la métropole profite d’effets de complémentarité : « le pôle urbain » – son centre – trouve dans « l’espace péri-urbain » – sa couronne – des terrains disponibles, des prix fonciers moins élevés, un espace résidentiel qui évite la congestion au centre...

« Irriguer » les territoires périphériques

Parce que le principe même du processus réside dans la concentration, voire la captation, de l’activité, la métropolisation condamne-t-elle à la déshérence les territoires périphériques – c'est-à-dire situés hors métropoles? Pas nécessairement. « Le mouvement [de métropolisation] n’est pas néfaste en lui-même », affirme Frédéric Lainé, l’auteur de la note d’analyse. D’abord parce qu’il est créateur de richesses et ensuite parce qu’existent des canaux « d’irrigation », c'est-à-dire des moyens de susciter de la richesse produite additionnelle dans la périphérie (économie résidentielle) et de redistribuer une partie de la richesse produite dans les métropoles (fiscalité au service du développement des territoires).

Quant à la question de savoir si les métropoles jouent ou non un effet d’entraînement sur la périphérie, « elle mérite des travaux d’investigation supplémentaires », note l’auteur. Le constat est pour l’heure mitigé. Les territoires non métropolitains suivent en effet des trajectoires diverses. Certains – en Bretagne et en Provence-Alpes-Côte d’Azur – tirent parti de l’économie résidentielle et/ou d’un tissu productif plus résistant. D’autres – dans le Grand-Est, le Centre-Val de Loire, les Hauts-de-France – continuent de payer le prix de la désindustrialisation. Les pourtours des métropoles de Nantes, Rennes et Montpellier créent des emplois quand ceux de Rouen par exemple en perdent…

Les couronnes périphériques, qui se situent en-deçà d’un rayon de 90 km autour des métropoles, accueillent un quart de l’emploi en France et les territoires très périphériques, au-delà de ce rayon, en accueillent un autre quart. Parvenir à « irriguer » au-delà des métropoles, à l’intérieur des territoires, est donc un enjeu majeur. D’autant plus que les projections réalisées à l’horizon 2022 montrent clairement que les métiers sur lesquels la périphérie est positionnée sont fragiles – ouvriers de la mécanique, du textile et du cuir, caissiers, ouvriers agricoles... Dans cette perspective, il faut sans doute « imaginer une forme de découplage géographique » de certains métiers ou activités de service, conclut Frédéric Lainé. Les nouvelles technologies et la pratique du télétravail peuvent y aider, de même que le développement d’une croissance de meilleure qualité, plus durable. Un mouvement de déconcentration permettrait un rééquilibrage géographique de la production de richesses. À défaut, la fracture territoriale serait consommée.

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note_danalyse_ndeg53_-_graphique_0.jpg, par fcausse

 

 

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Les opinions exprimées engagent leurs auteurs
et n’ont pas vocation à refléter la position du gouvernement.

 

Auteurs

Frédéric Lainé
Frédéric
Lainé
Anciens auteurs de France Stratégie
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