Le travail présenté ici est le fruit d’une démarche collective qui s’inscrit dans une expérimentation menée, à l’initiative du Conseil national de l’industrie, par France Stratégie avec l’appui du Céreq. Le premier volet était consacré à la filière numérique, ce deuxième volet porte sur la filière « Transformation et valorisation des déchets ».
Une démarche méthodologique originale
L’originalité de la démarche repose sur une volonté d’expérimenter une vision renouvelée de l’approche prospective qui vise à concilier la construction collective d’une représentation du futur avec ses enjeux d’opérationnalisation. Cette orientation s’est traduite par la construction d’une démarche prospective intégrant trois variables clés :
- la variable du temps, saisie dans la volonté de « balayer » à la fois les transformations de long terme et les dynamiques de court terme telles que se les représentent les acteurs ;
- la variable de l’action, mobilisée pour distinguer ce qui relève de grandes tendances structurelles, sur lesquelles les acteurs ont peu de marges de manoeuvre (typiquement des évolutions technologiques ou démographiques) et ce qui relève au contraire de leviers directement « actionnables » comme les actions de formation ou les dispositifs de gestion des recrutements ou des mobilités dans les entreprises ;
- la variable de la professionnalisation, qui vise à recentrer l’exercice prospectif sur l’enjeu de l’évolution des métiers et des compétences. Il s’agit bien ici de se concentrer sur la manière dont les acteurs contribuent à la transformation des métiers dans la filière étudiée : quelle part peuvent-ils prendre face aux processus de disparition, de transformation ou de création des métiers qui caractérisent leur environnement professionnel ?
Cette démarche repose sur une autre singularité. La réflexion collective inhérente à la construction de cette « Vision prospective partagée des emplois et des compétences » (VPPEC) a reposé sur la création d’un groupe de travail qui a rassemblé 22 membres et qui s’est réuni à huit reprises entre septembre 2017 et octobre 2018. Les membres ont été largement impliqués dans l’élaboration du présent rapport, sur lequel ils ont pu à différentes reprises apporter leurs avis et contributions.
Une filière en mutation
La filière Transformation et valorisation des déchets possède des caractéristiques singulières, qui la distinguent nettement d’une filière comme celle du numérique : les emplois et les métiers y sont majoritairement peu qualifiés, à l’opposé des emplois et des métiers du numérique. Les caractéristiques industrielles sont également très différentes : là où la filière numérique compte une majorité d’entreprises de service (ESN), la transformation et valorisation des déchets repose sur des infrastructures lourdes et particulièrement règlementées : centres de tri, usines d’incinération ou de valorisation énergétique, entrepôts logistiques ou centres de regroupement. Elle comprend des process pour partie automatisés mais laissant encore une large part à des activités manuelles, comme la conduite d’engins, le tri manuel ou le démantèlement des déchets.
Comment estimer la transformation des emplois et des métiers pour une filière présentant de telles caractéristiques ? Le défi est d’autant plus complexe que cette filière reste accueillante pour des publics peu qualifiés, tout en étant confrontée à la nécessité d’accélérer sa mécanisation pour répondre aux enjeux de la transition écologique.
En outre, cette filière et ses acteurs sont au coeur des préoccupations croissantes des pouvoirs publics comme des citoyens pour un développement plus durable, qui s’appuie sur une économie circulaire et plus linéaire. Or les emplois qu’elle propose sont à la fois peu connus et souffrent d’une image dévalorisée. L’élaboration d’une VPPEC peut-elle contribuer à réconcilier ces deux postures contradictoires et mettre en visibilité les emplois et métiers de cette filière ?
Soulignons enfin que ces travaux se sont déroulés dans un contexte de relative incertitude liée aux débats sur le projet puis la mise en oeuvre de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », promulguée le 5 septembre 2018, ce qui explique que certaines parties du rapport y fassent référence.
Malgré les incertitudes, cette vision prospective partagée sur les emplois et les compétences de la filière entend contribuer à une meilleure connaissance de ces enjeux et des perspectives de court et moyen terme pour les entreprises qui la composent, mais aussi pour les jeunes en orientation, les actifs, ainsi que pour les acteurs de la formation et de l’emploi.