Après une chute historique du PIB en 2020 de 8 % en France, la reprise économique, stimulée par les nombreux dispositifs publics, a permis à l’activité de retrouver, fin 2021, son niveau d’avant crise. Le revenu des ménages, le pouvoir d’achat du salaire moyen et l’appareil productif ont été préservés grâce aux mesures de soutien. Dès le 2e trimestre 2021, le taux de chômage a retrouvé son niveau d’avant-crise à environ 8 %. La sortie de crise s’est accompagnée d’un retour vers l’activité et au troisième trimestre 2021 le taux d’emploi au sens de l’INSEE a atteint son plus haut niveau historique (67,5 %). Mais la reprise demeure fragile en raison à la fois des risques pandémiques persistants et de difficultés structurelles.
Après un fort repli en 2020, les tensions de recrutement sont reparties à la hausse et ont retrouvé puis dépassé en 2021 leurs niveaux d’avant crise. Ces tensions s’expliquent en partie par les fortes créations d’emplois et par des facteurs structurels. Les pénuries de main d’œuvre sont notamment dues à l’inadéquation des compétences dans certaines activités et à une attractivité insuffisante de nombreux postes de travail.
Les salariés rémunérés au voisinage du SMIC sont à la fois sous-représentés parmi les salariés ayant télétravaillé et surreprésentés dans les métiers qui ont poursuivi leur activité durant les confinements. Ils ont été plus souvent en activité partielle que l’ensemble des salariés et ont bénéficié, dans ce contexte, d’un ajustement spécifique du dispositif d’activité partielle qui a permis de protéger davantage le pouvoir d’achat de ces salariés. Une récente analyse de l’Insee souligne que les indemnités d’activité partielle ont contribué à éviter en 2020 une augmentation du taux de pauvreté.
Le niveau du salaire minimum horaire en France est l’un des plus élevés parmi les pays de l’OCDE. Parallèlement, la France se situe dans la moyenne OCDE lorsqu’on compare le coût du travail au niveau du salaire minimum à celui au niveau du salaire médian, tout en étant le pays de l’OCDE où le revenu net au niveau du salaire minimum est le plus proche du revenu net au niveau du salaire médian. Cette combinaison s’explique à la fois par les réductions de cotisations sociales employeurs ciblées sur les bas salaires et par les dispositifs de soutien aux bas revenus. Les cotisations sociales patronales au niveau du SMIC se limitant désormais à la cotisation accidents du travail et maladies professionnelles, les politiques de soutien à l’emploi non qualifié devront, dans le futur, trouver d’autres voies pour contenir le coût du travail à ces niveaux de salaire. Les politiques de soutien aux bas revenus ont atteint également leurs limites dès 2019 dans la mesure où la mobilité dans le bas de la distribution des salaires, et la formation des salariés concernés qui la permet, ont perdu de leur rendement en termes de revenu.
Sur l’année 2021, la revalorisation du SMIC aura été de 3,2 % au total : 1 % en gain de pouvoir d’achat au 1er janvier et 2,2 % au 1er octobre en préservation de ce pouvoir d’achat face à la hausse de l’inflation.
Le Groupe d’experts recommande de s’abstenir de tout coup de pouce sur le SMIC au 1 er janvier 2022. Le SMIC serait alors revalorisé du fait des seuls mécanismes de revalorisation automatique, ce qui consoliderait la préservation du pouvoir d’achat du SMIC face à la probable hausse de l’indice des prix à la consommation entre son niveau d’août (pris en compte dans la revalorisation du 1er octobre 2021) et celui de novembre (pris en compte dans la revalorisation du 1er janvier 2022).
Cette recommandation s’explique par les mêmes considérations que l’an passé. Le contexte d’une sortie très progressive de la crise de la COVID suggère de prioriser la consolidation des fortes créations d’emploi récentes par rapport aux gains de pouvoir d’achat salarial. De 4 plus, avant la crise de la COVID la situation structurelle de l’économie française s’améliorait mais demeurait fragile, avec un chômage encore très élevé et une compétitivité relativement faible dont témoigne un solde commercial continûment négatif depuis 2006. A ces considérations s’ajoute le constat de l’inadaptation du SMIC pour réduire la pauvreté laborieuse dont le premier facteur est le nombre d’heures travaillées, bien avant le niveau du salaire horaire.
Le Groupe d’experts renouvelle la suggestion de modifier la formule de revalorisation du SMIC, en supprimant tout ou une partie des termes de revalorisation automatique (inflation et moitié du pouvoir d’achat du SHBOE). Cet abandon conférerait une responsabilité accrue aux pouvoirs publics qui pourraient ainsi mieux articuler les évolutions du SMIC avec celles du marché du travail et des dispositifs de lutte contre la pauvreté laborieuse. Ce changement renforcerait également le rôle de la négociation collective dans la définition des normes salariales et des minima de branche. En revanche, le Groupe d’experts ne recommande pas de régionalisation du salaire minimum ou de modulation selon l’âge. Dans le même temps, le Groupe d’experts considère justifiée la problématique d’un revenu minimum pour certains travailleurs non-salariés économiquement dépendants, comme les travailleurs des plateformes (VTC et livraisons). A cet égard, la voie actuellement choisie d’encourager le rôle de la négociation collective en ce domaine lui parait appropriée.
Les deux hausses récentes du SMIC ont eu pour effet d’augmenter considérablement le nombre de branches d’activité dans lesquelles des minima salariaux, définis par les conventions collectives, sont inférieurs au SMIC. Une telle situation augmente le nombre de salariés et in fine la masse salariale donnant droit aux exonérations de cotisations sociales employeur. Le Groupe d’experts recommande que des dispositions adaptées fassent rapidement disparaître cette incitation à la non-conformité et à l’affaiblissement du rôle de la négociation. Le SMIC est un socle salarial indispensable, en particulier pour renforcer le pouvoir de négociation des travailleurs là où le rôle des partenaires sociaux est faible, mais c’est à la négociation collective qu’il revient de dynamiser les salaires. Il est crucial que les partenaires sociaux se saisissent pleinement à l’avenir, via la négociation collective, de la dynamique des bas salaires.