Note d’analyse

Quelle influence du lieu d’origine sur le niveau de vie ?

Dans quelle mesure le niveau de vie d’une personne dépend-il du lieu où elle a grandi ? Rarement étudiée, cette question a pourtant d’évidentes implications en matière de ciblage des politiques publiques. On tente ici d’y répondre sur un segment particulier de population, les enfants d’ouvrier ou d’employé, étudiés sur les cohortes nées entre 1970 et 1988.

Publié le : 12/06/2020

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On constate d’abord, sans surprise, que leurs perspectives de revenus à l’âge adulte augmentent avec le niveau de richesse du territoire d’origine : la région la plus riche et la région la moins riche – Île-de-France et Nord-Pas-de-Calais – sont aussi celles qui présentent le plus grand écart de revenus – 260 euros par mois, soit 16 % du niveau de vie médian des enfants d’ouvrier ou d’employé de ces générations. Mais certaines régions au niveau de richesse intermédiaire – Auvergne, Franche-Comté, Limousin – offrent à ces enfants d’origine modeste qui y ont grandi des perspectives de revenus plus favorables qu’aux résidents de ces territoires. Se combinent ici plusieurs facteurs comme l’accès à l’enseignement supérieur ou le taux de mobilité vers des régions à plus haut niveau de vie, facteurs dont l’importance fluctue selon les territoires. En revanche, les régions les plus pauvres – Languedoc-Roussillon, Corse et Nord-Pas-de-Calais – offrent des perspectives de niveau de vie faibles, en particulier pour les non-diplômés restés dans la région, avec un taux de départ également faible.

Au sein d’une même région, voire d’un même département, les perspectives de revenus varient très peu selon la taille des agglomérations. En revanche, à l’intérieur des agglomérations, on constate des écarts comparables à ceux observés entre régions extrêmes d’origine. Entre les quartiers les plus favorisés et les moins favorisés, les écarts sont – beaucoup plus fortement qu’à l’échelle régionale – liés à l’accès à l’enseignement supérieur et à l’origine migratoire.

Pour résorber ces inégalités des chances au sein des agglomérations, les leviers éducatifs, la promotion de la mixité sociale et la lutte contre les discriminations selon l’origine migratoire semblent constituer des pistes à privilégier. L’amélioration des perspectives des enfants d’origine modeste des régions pauvres nécessiterait en revanche d’agir sur les marchés du travail locaux, notamment pour les travailleurs les moins qualifiés.

Niveau de vie des enfants d'ouvrier ou d’employé par région d’origine  versus niveau de vie des résidents

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Le Lab' - Quelle influence du lieu d'origine sur le niveau de vie ?

Grandir à Paris, à la campagne ou dans un quartier populaire : quel impact sur le niveau de vie à l'âge adulte ?

Bonjour, je m'appelle Clément d'Herbécourt, je suis économiste à France Stratégie. Où est-il le plus avantageux de grandir quand on a des origines modestes ?

De manière générale, les perspectives de revenus à l'âge adulte augmentent avec le niveau de richesse du territoire d'origine. Concrètement, il est plus avantageux pour un enfant d'ouvrier ou d'employé de grandir dans la région la plus riche, l'Île-de-France, que dans la région la moins riche, le Nord-Pas-de-Calais. Mais la région est la bonne échelle pour comparer les niveaux de vie qui déterminent le champ géographique est en effet indispensable si on veut mettre en place des politiques publiques à même de résorber ces écarts de revenus. C'est pourquoi notre analyse a mobilisé plusieurs niveaux géographiques : les régions, les départements, les agglomérations et les quartiers. On a regardé ce que deviennent les gens qui ont grandi sur ces territoires et pourquoi certains territoires sont plus favorables que d'autres.

Quelles différences de niveau de vie selon l'échelle géographique au niveau des régions ? Trois territoires sont avantageux pour les enfants d'origine modeste : l'Île-de-France, l'Alsace et la Franche-Comté. A contrario, on a trois régions qui offrent des niveaux de vie vraiment plus faibles : le Nord-Pas-de-Calais, la Corse et le Languedoc-Roussillon. Donc, si on exclut les trois régions en tête et en queue de classement, toutes les autres forment un peloton groupé au sein des régions. On observe que les départements à faibles perspectives se situent pour la plupart au nord et au sud du pays.

Par ailleurs, il existe assez peu d'écart entre départements d'une même région. On assiste à un phénomène d'égalisation au sein des régions, c'est-à-dire qu'être originaire d'un département pauvre au sein d'une région riche a un effet positif sur les perspectives de niveau de vie, parce que, par exemple, la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France, est néanmoins très favorable aux enfants d'origine modeste. Alors, au sein d'un même département d'origine, les écarts entre zones rurales et urbaines sont d'une ampleur plus limitée, de l'ordre de 150 euros par mois au maximum. Par ailleurs, contrairement à ce qu'on pourrait penser, les enfants de milieux modestes originaires des zones rurales connaissent peu d'écarts de revenus avec ceux ayant grandi dans des petites ou des grandes villes. La taille de l'agglomération joue très peu également. Par contre, dans les grandes agglomérations, il y a une réelle différence de niveau de vie à l'âge adulte entre grandir dans un quartier défavorisé par rapport à un quartier favorisé.

En conclusion, les perspectives des enfants d'origine modeste varient d'abord entre régions et entre quartiers, mais très peu entre zones urbaines et rurales et très peu selon la taille de l'agglomération.

Quelles pistes pour réduire les écarts de perspective entre territoires ? Notre étude montre que les écarts de perspective entre quartiers sont très fortement liés à la réussite éducative. Donc, les pistes pour réduire ces écarts sont plutôt du côté de l'éducation et de la mixité sociale des quartiers à l'échelle régionale, ce qui va compter, c'est la situation locale du marché du travail. Parce que la plupart des gens qui grandissent dans une région vont y rester à l'âge adulte, et donc si on veut améliorer la situation au sud et au nord du pays qui sont des régions à fort taux de chômage aujourd'hui, il faut améliorer le sort de ceux qui ne font pas d'études et qui restent à l'âge adulte. Cela peut passer par des aides à la mobilité ou encore, mieux, par des incitations à créer des emplois de qualité sur ces territoires.

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APA
Dherbécourt, C. et Kenedi, G. (2020) . Quelle influence du lieu d’origine sur le niveau de vie ? La note d'analyse de France Stratégie, n° 91(3), 1-16. https://doi.org/10.3917/lna.091.0001.
MLA
Dherbécourt, Clément. et al. « Quelle influence du lieu d’origine sur le niveau de vie ? ». La note d'analyse de France Stratégie, 2020/3 n° 91, 2020. p.1-16. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-la-note-d-analyse-2020-3-page-1?lang=fr.
ISO 690
DHERBÉCOURT, Clément., KENEDI, Gustave. Quelle influence du lieu d’origine sur le niveau de vie ? La note d'analyse de France Stratégie, 2020/3 n° 91, p.1-16. DOI : 10.3917/lna.091.0001. URL : https://shs.cairn.info/revue-la-note-d-analyse-2020-3-page-1?lang=fr.

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