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Publications
Actes de colloque
Publié le
Vendredi 03 Juin 2016
Le Commissariat général à l’investissement, France Stratégie et le Conseil général de l’Environnement et du Développement durable ont initié un cycle de colloques sur l’évaluation socioéconomique des investissements publics, sous la présidence de Roger GUESNERIE, professeur au collège de France et président honoraire de Paris School of Economics. L’évaluation socioéconomique a pour objet d’éclairer le décideur public, sans s’y substituer, avant qu’il ne rende publics ses choix. Le colloque s’attachera à faire le point de la doctrine et de la recherche sur ce sujet. Le quatrième colloque s'est tenu le 17 mars 2016 et était consacré à l'évaluation socioéconomique des risques naturels et sanitaires.
L'évaluation socioéconomique des risques naturels et sanitaires

C’est notre quatrième colloque sur l’évaluation socioéconomique organisé conjointement par le CGI, le CGEDD et France Stratégie ; ces colloques sont toujours animés, introduits et structurés par Roger Guesnerie que je voudrais remercier très vivement. Ils explorent successivement les différentes frontières du calcul socioéconomique : c’est dans cet esprit que nous les avions conçus afin de mettre en valeur les progrès réalisés dans la méthodologie du calcul et dans l’évaluation des décisions publiques et d’examiner les domaines dans lesquels des progrès méthodologiques restent à effectuer. Je pense que c’est un travail qui est extrêmement utile et que nous devons, maintenant qu’on est au quatrième colloque, chercher la manière dont nous pouvons tirer des conclusions générales de ces quatre premières séances en répondant à deux questions : « quelles conclusions tirons-nous de tout cela et quel message adressons-nous sur la manière dont on doit en tirer des conclusions pour l’organisation des décisions publiques ? ».

Le sujet d’aujourd’hui est probablement l’un des plus difficiles, sinon le plus difficile et le plus mal traité. C’est très frappant − quand on examine comment le risque est pris en compte dans la décision publique − de voir à quel point des erreurs de très grande amplitude peuvent être faites. Rappelons-nous ce week-end dans lequel il a été décidé que Lehman Brothers n’était pas une banque de dimension systémique et qu’on pouvait donc la mettre en faillite sans dommage. C’est un bel exemple de gestion en temps réel du risque avec les conséquences catastrophiques que nous connaissons.

Rappelons-nous nos polémiques incessantes sur les OGM ou sur Fessenheim : ce qui figure en arrière-plan, c’est évidemment l’appréciation du risque qui n’est pas la même pour tous. Il y a une grande difficulté dans la décision publique à définir la manière dont on prend en compte le risque. Rappelons-nous notamment la discussion sur le climat qui pose des problèmes d’une autre nature puisque les évolutions climatiques peuvent conduire à des risques d’irréversibilité qui sont évidemment d’une toute autre ampleur et la grande difficulté qu’a eue la communauté internationale à parvenir à un accord qui reste très positif mais en même temps en-deçà de ce qu’il faudrait faire et décider pour répondre éventuellement au problème posé. Pourquoi de telles difficultés alors que la responsabilité du décideur public est absolument centrale dans un domaine qui peut avoir pour lui ou pour elle un coût politique immense ? Je pense − et c’est un peu l’objet aussi de la discussion d’aujourd’hui − qu’il y a plusieurs raisons.

La première, c’est la prégnance du caractère déterministe du mode de décision. Pensez par exemple à la manière dont on prend des décisions budgétaires : elles sont essentiellement prises dans un cadre déterministe. On a beaucoup reproché aux banques leur gestion négligente du risque. Celles-ci avaient toutefois au moins quelques modèles de value at risk. Je ne pense pas que, dans les sphères de la décision publique, beaucoup de modèles de policies at risk soient mis en place. Très souvent, nous restons dans un cadre essentiellement déterministe, qui comporte éventuellement deux scénarios. Il s’agit d’une manière extrêmement frustre de prendre en compte le risque.

La deuxième raison tient peut-être à l’irrationalité de l’opinion. Vous connaissez sans doute l’exemple que donne Christian Gollier sur les décisions prises par le ministère de la Santé en 2000 de retenir un test de présence du virus VIH et de l’hépatite C dans le sang transfusé pour un coût de la vie humaine évité de 9 millions d’euros et, simultanément, d’écarter un test de dépistage du cancer du sein pour un coût de la vie humaine de 1 500 euros. Ces deux décisions simultanées s’expliquent évidemment non par l’irrationalité du ministère de la Santé mais par le fait que la pression de l’opinion, − et Louis Schweitzer en sait quelque chose −, était telle qu’elle a conduit à une décision qui du point de vue de l’usage des fonds publics était parfaitement irrationnelle.

Enfin, la troisième raison provient de la difficulté technique à laquelle on se trouve confronté dans un certain nombre de ces domaines : c’est l’objet du colloque d’aujourd’hui et c’est pour cela qu’il est important. De quels instruments on dispose ? De quelle manière ces instruments passent le test de la confrontation avec un certain nombre de cas concrets avec des natures de risque qui ne sont pas les mêmes ? Est-ce qu’on peut tirer des leçons d’un certain nombre de cas ? Quelles sont les voies de progrès ? Quels sont les instruments qui pourraient être pris ?  
Je vais m’arrêter là, je voudrais remercier ceux qui nous accompagnent dans cette démarche, Anne-Marie Levraut et Louis Schweitzer, ainsi que ceux qui sont les architectes de ces colloques, notamment Sylviane Gastaldo, Dominique Auverlot, et Roger Guesnerie bien sûr qui, à chaque fois nous fait part en amont de ses réflexions pour structurer le débat. Je voudrais aussi remercier la DGFIP, Jean-François Stoll qui n’est pas là ce matin mais qui sera là en fin de journée et qui nous accueille dans ses locaux qui sont vraiment parfaits.

Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie