Note d’analyse

Naître en outre-mer : de moindres opportunités que dans les autres régions de France

Les natifs des Antilles et de La Réunion subissent une pénalité significative en matière d’opportunités éducatives et professionnelles par rapport aux métropolitains, même issus des régions à plus faibles opportunités. À origine sociale comparable, les natifs de ces territoires ont 20 % à 25 % de chances en moins d’obtenir un diplôme du supérieur, environ 12 % de chances en moins d’accéder à l’emploi, et 35 % à 45 % de chances en moins d’occuper un poste de cadre.

Publié le : 02/05/2024

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47 minutes

Cette pénalité significative par rapport aux régions métropolitaines s’observe aussi lorsqu’on restreint l’analyse aux individus d’origine sociale modeste ou très modeste, pour lesquels les écarts de réussite éducative et professionnelle entre régions métropolitaines sont pourtant plus marqués.

On observe un vaste écart en termes d’opportunités professionnelles entre ceux qui sont partis (un quart des natifs de La Réunion, presque 40 % pour les natifs des Antilles) et ceux qui sont restés en outre-mer. Si ce lien entre mobilité interrégionale et opportunités plus importantes se retrouve également en France métropolitaine, le différentiel entre mobiles et non mobiles est beaucoup plus marqué pour les outre-mer. Cela s’explique par une double pénalité des sédentaires : un moindre niveau de diplôme (effet de sélection), mais également, pour un même niveau de diplôme, un écart d’opportunités professionnelles, notamment aux Antilles.

Ceux qui ont migré bénéficient au contraire en moyenne d’une situation proche de celle des métropolitains. À origine sociale comparable, les natifs ayant migré vers l’Hexagone sont presque aussi souvent diplômés du supérieur que les métropolitains, et ont même un taux d’emploi légèrement supérieur. Toutefois, la situation est plus contrastée pour l’accès au statut de cadre : alors que l’on ne note presque plus d’écart entre métropolitains et natifs de La Réunion émigrés à origine sociale comparable, les natifs émigrés des Antilles ont des taux de cadres encore 30 % inférieurs. 

Taux de diplômés du supérieur, d’emploi et de cadres des natifs des Antilles et de La Réunion comparativement aux métropolitains, à origine sociale comparable

Champ : individus âgés de 30 à 49 ans résidant en logement ordinaire. 

Note 1 : écart à même sexe, âge, profession du père et de la mère, et date de l’année d’enquête. 

Note 2 : les coefficients concernant la proportion de diplômés du supérieur et de cadres des natifs de retour ne sont pas significatifs.  Les coefficients des natifs émigrés de La Réunion sont significatifs au seuil de 10 %, l’ensemble des autres résultats au seuil de 1 %. 

Lecture : à caractéristiques héritées identiques, le taux de diplômés du supérieur des natifs des Antilles est 20,5 % inférieur à  celui des métropolitains. 

Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi 2014-2020

Les opinions exprimées dans ce document engagent leurs auteurs
et n'ont pas vocation à refléter la position du gouvernement.

Introduction

Plusieurs travaux de France Stratégie ont porté sur les inégalités de destin, notamment liées à la profession des parents ou au territoire où l’on a grandi. Ils ont montré que grandir dans une région défavorisée est associé à des chances de réussite sociale plus faibles à l’âge adulte, mais que l’origine sociale compte plus que l’endroit d’où l’on vient[1]. Ces travaux ont porté sur la France métropolitaine, faute de données disponibles jusqu’ici sur l’ensemble du territoire national. Qu’en est-il pour la France d’outre-mer ? Les natifs de ces territoires grandissent dans des régions marquées par d’importantes difficultés économiques. En même temps, du fait même de ces difficultés, une proportion importante d’entre eux migre vers l’Hexagone. Dans un récent rapport sur les politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, France Stratégie a mis en évidence l’entrée plus difficile sur le marché du travail pour les jeunes natifs des DROM[2], comparativement aux jeunes métropolitains, et le rôle important des migrations dans les trajectoires de ces jeunes. Il est apparu utile de compléter cette analyse en s’intéressant à la situation des natifs des outre-mer plus âgés, afin de saisir la suite de leur trajectoire professionnelle (entre 28 et 40 ans, la proportion de cadres augmente de près de 20 %), et de la comparer à celle des natifs des régions les plus défavorisées de l’Hexagone, en tenant compte du facteur migratoire (migration vers la France métropolitaine et retour vers le territoire de naissance).

Nous proposons ici un nouvel éclairage sur les inégalités des chances liées au territoire où l’on est né en France en incluant les départements d’outre-mer, à partir de l’enquête Emploi de l’Insee étendue depuis 2014 à l’ensemble du territoire national (hors Mayotte). Ces données permettent de disposer d’une mesure objective de la « pénalité outre-mer » − dont l’existence n’est pas une surprise compte tenu du moindre développement économique de ces territoires, mais qui n’avait pas été quantifiée jusqu’ici[3]. Comme dans les autres travaux de France Stratégie, l’exercice consiste à observer la situation à l’âge adulte d’individus nés en outre-mer et en France métropolitaine, à origine sociale comparable.

Nous commençons par rappeler brièvement le contexte socio-économique des outre-mer, en mettant l’accent sur leurs relations migratoires avec l’Hexagone en milieu de carrière professionnelle. Ensuite, nous analysons les écarts d’opportunités entre les natifs des outre-mer et de l’Hexagone[4], à origine sociale donnée, notamment par rapport aux régions de France métropolitaine où les opportunités sont les plus faibles. Enfin, nous analysons ces écarts à un niveau plus fin, en distinguant la situation des natifs des territoires d’outre-mer en trois différentes populations selon leur lieu de naissance, leur parcours migratoire et leur lieu de résidence à l’âge adulte.

Les outre-mer : un contexte économique défavorable, un taux de migration élevé vers l’hexagone

En 1946, la promulgation de la loi de départementalisation permet aux quatre anciennes colonies devenues des départements français[5] d’obtenir l’égalité institutionnelle. Plus de soixante-quinze ans plus tard, en dépit d’un rattrapage économique réel, les conditions socio-économiques entre la France métropolitaine et la France d’outre-mer sont encore très inégales. À La Réunion, le niveau de vie médian s’élève à 17 070 euros annuels et est inférieur de 26 % au niveau de vie en France métropolitaine en 2021. En Martinique[6], il reste inférieur d’environ 14 % à celui observé dans l’Hexagone. La pauvreté y est donc importante, avec plus d’un tiers de la population vivant sous le seuil de pauvreté monétaire à La Réunion, 27 % en Martinique[7], contre 15 % en France métropolitaine en 2021. De plus, les taux de chômage des DROM[8] sont parmi les plus élevés de l’UE avec ceux des régions grecques, du sud de l’Espagne et de quelques régions du sud de l’Italie[9].

Dans l’après-guerre, une politique d’émigration a été mise en place pour favoriser l’installation en France métropolitaine, dans un contexte de forte natalité et de difficulté économique des outre-mer[12]. Cette politique a été remplacée progressivement par des incitations à la mobilité pour les étudiants et les travailleurs (financement de mobilité des alternants, aide à la mobilité territoriale par exemple). De fait, le taux d’émigration vers l’Hexagone est élevé : au sein de notre échantillon, près de quatre natifs des Antilles sur dix et un natif de La Réunion ou de Guyane sur quatre âgés de 30 à 49 ans résident en France métropolitaine (Tableau 1). En moyenne, un natif des outre-mer sur trois a quitté son île pour la France métropolitaine, soit un niveau comparable à celui constaté pour la Corse (28 %), pourtant beaucoup plus proche. Si l’on tient compte des séjours de plus de six mois dans l’Hexagone, c’est environ un natif des outre-mer sur deux qui y a vécu ou y vit. On constate que la migration des natifs des Antilles est particulièrement dirigée vers l’Île-de-France, ce qui est moins le cas de La Réunion. Rappelons enfin qu’aujourd’hui encore, l’émigration des natifs des DROM est quasi exclusivement orientée vers la France métropolitaine.

Tableau 1 − Migration des natifs des outre-mer et de la France métropolitaine

Champ : individus âgés de 30 à 49 ans résidant en logement ordinaire (moyenne annuelle). 

Lecture : 23,8 % des individus nés dans les Antilles et résidant à la date de l’enquête dans l’Hexagone sont domiciliés en Île-de-France. Au total, 37,8 % des  individus nés dans les Antilles résident en France métropolitaine. 

Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi 2014-2020

Une « pénalité outre-mer » : des perspectives bien moindres que celles des natifs de l’hexagone

Les personnes nées dans les Antilles ou à La Réunion[13] ont en moyenne des perspectives beaucoup plus faibles de réussite éducative et professionnelle que celles nées en métropole − appelées « métropolitains » dans le reste de la note (Tableau 2 ). Elles sont environ 35 % à 50 % moins nombreuses à obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur, ont un taux d’emploi de 15 % à 20 % inférieur, et ont 60 % de chances en moins de devenir cadre que les métropolitains (colonnes « taux brut »[14]).

Tableau 2 − Inégalité des chances entre natifs des Antilles, de La Réunion et de France métropolitaine

Champ : individus âgés de 30 à 49 ans résidant en logement ordinaire. 

Lecture : 41,3 % des individus nés dans l’Hexagone sont diplômés du supérieur. Cette proportion est de 32,8 % chez les natifs des Antilles, soit 20,5 % inférieure, à origine sociale comparable. 

Note 1 : les écarts bruts sont mesurés à sexe, âge et année d’observation comparables.  

Note 2 : *= significatif à 1 %. Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi 2014-2020

Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi 2014-2020

On sait qu’une partie des écarts entre territoires de naissance est liée en réalité à des différences d’origine sociale des individus, qui se traduisent par des disparités dans les niveaux de diplômes obtenus[15]. Afin de mesurer l’inégalité des chances entre les territoires de naissance, il est préférable de raisonner à origine sociale comparable. On compare alors des individus dont les parents exercent la même profession ou ont le même revenu en moyenne. En France métropolitaine, environ la moitié de l’inégalité des chances entre régions d’origine s’explique par des différences dans l’origine sociale des individus[16].

Les natifs des DROM sont beaucoup plus souvent d’origine modeste ou très modeste (plus de sept sur dix pour les natifs de La Réunion ou des Antilles) que les natifs de France métropolitaine (un peu plus de un sur deux) (Schéma 1)[17]. Environ un natif des Antilles et de La Réunion sur dix est d’origine favorisée, contre un sur quatre pour les métropolitains[18].

Schéma 1 − Mesurer l’origine sociale des individus à partir de la catégorie socioprofessionnelle des parents

Lecture : un individu dont les deux parents sont cadres sera considéré comme un individu d’origine sociale favorisée. Dans notre échantillon, 12 % des natifs des Antilles sont d’origine sociale favorisée, contre 24 % pour l’ensemble de l’Hexagone. 

Note : voir Ined (2023) pour une présentation de la nomenclature.

Dans le cadre de cette étude, nous exploitons les informations fournies par l'enquête Emploi (EE) conduite par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Chaque trimestre, cette enquête interroge environ 120 000 individus, parmi lesquels environ 17 % sont renouvelés. Depuis 2014, l’enquête Emploi a étendu son champ aux départements d’outre-mer (DOM) historiques, à savoir la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, et La Réunion. Cette intégration offre une perspective inédite pour étudier les inégalités d’opportunités entre les natifs des outre-mer et les métropolitains en se fondant sur des indicateurs communs. Les enquêtes de 2014 à 2020 ont été empilées pour maximiser la taille de l'échantillon et la puissance statistique de l’analyse. Celle-ci porte sur les individus âgés de 30 à 49 ans dans les enquêtes mobilisées. L’échantillon comprend 134 700 individus (5 083 nés dans les Antilles, et 4 124 à La Réunion), pour une moyenne d’âge de 40 ans.

Dans l’étude de l’inégalité des opportunités, nous nous concentrons sur trois principales variables d’intérêts : l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur, l’accès à l’emploi, l’accès au statut de cadre ou aux professions intellectuelles supérieures (CPIS). Les professions du père et de la mère sont définies en quarante modalités chacune, le niveau de diplôme en six postes.

Nous utilisons un modèle probit pour obtenir des résultats comparables en termes de sexe, d’âge et d’année d'observation entre différentes catégories de population (par exemple, les natifs des Antilles, de La Réunion, et les métropolitains). Les écarts sont parfois également ajustés en fonction de l'origine sociale et du niveau de diplôme. À partir des coefficients du modèle, nous calculons des effets marginaux, ce qui facilite l'interprétation des écarts entre les populations (nous obtenons des écarts en points de pourcentage, parfois transformés en pourcentage).

La structure des origines sociales diffère significativement entre les DROM, avec une part de personnes d’origine très modeste beaucoup plus élevée à La Réunion que dans les Antilles. Ce constat justifie d’autant plus une analyse séparée de ces deux territoires.

À origine sociale comparable, les natifs des Antilles et de La Réunion ont 20 % à 25 % de chances en moins d’obtenir un diplôme du supérieur par rapport aux métropolitains, 10 % à 15 % de chances en moins d’être en emploi. Un natif de La Réunion a près de 35 % de chances en moins d’occuper un poste de cadre qu’un métropolitain de même origine sociale, un natif des Antilles 45 %. Même en raisonnant à origine sociale comparable, on constate donc une pénalité élevée pour les natifs des outre-mer, en termes de réussite éducative ou professionnelle.

Les écarts de chances dans l’accès à un diplôme du supérieur mesurés ici sur le champ des 30-49 ans sont un peu supérieurs à ceux déjà identifiés dans les travaux précédents de France Stratégie, qui portaient sur les jeunes issus des DROM sortis de formation initiale depuis cinq à dix ans. Du fait d’une analyse menée à diplôme comparable dans le rapport Les politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes[19], les résultats concernant le taux d’emploi et la proportion de cadres ne sont cependant pas comparables.

France Stratégie a mis en évidence des inégalités d’opportunités importantes au sein des régions métropolitaines. Dans la note d’analyse « La géographie de l’ascension sociale », plusieurs régions métropolitaines avaient été définies comme à faibles opportunités, caractérisées par des chances d’ascension sociale[20] des individus d’origine populaire inférieures à 30 % pour certaines régions d’origine (Nord-Pas-de-Calais, Poitou-Charentes, Picardie)[21]. À l’inverse, les natifs d’Île-de-France ou encore de Bretagne ont des opportunités plus élevées. Pour une comparaison la plus fine possible, il a ainsi été décidé de comparer les natifs des Antilles et de La Réunion aux régions de l’Hexagone où les opportunités sont les plus faibles. Sur notre période d’étude (2014-2020), quatre anciennes régions offraient des chances d’ascension sociale − mesurée par la probabilité d’être cadre − particulièrement faibles par rapport aux autres régions de France métropolitaine : la Corse, le Nord-Pas-de-Calais, le Poitou-Charentes, et la Champagne-Ardenne[22].

Dans un rapport réalisé à la demande de Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, France Stratégie a examiné la mobilité sociale des jeunes et les politiques favorisant sa promotion. Dans ce rapport, le chapitre 3 est spécifiquement centré sur la mobilité sociale des jeunes des DROM (Antilles et La Réunion). En utilisant plusieurs données d’enquêtes (l’enquête Migrations, Famille, Vieillissement ; l’enquête Emploi ; l’enquête Formation et qualification professionnelle), France Stratégie et l’Institut national d’études démographiques (Ined) mettent en évidence des probabilités d’ascension sociale inférieures chez les jeunes natifs des Antilles et de La Réunion, comparativement aux jeunes métropolitains.

Ils constatent que l’origine sociale exerce une influence plus marquée sur l’accès des jeunes natifs des DROM (relativement à ceux de France métropolitaine) à un diplôme du supérieur, et sur l’accès à l’emploi, mais moindre sur l’accès au statut de cadre. Le rapport souligne également que la migration vers la métropole change significativement les trajectoires de ces jeunes. Cette migration réduit, sans toutefois l’éliminer, l’écart de potentiel de position sociale élevée entre les jeunes nés dans les DROM et ceux de l’Hexagone. Elle améliore aussi la position sociale des natifs des DROM retournés dans leur région d'origine après un séjour en France métropolitaine. Cependant, la migration accentue la reproduction sociale, en termes de diplôme et de position sociale, car les jeunes de familles modestes migrent moins que ceux de familles plus aisées. En outre, le rapport indique que la mobilité sociale ascendante semble légèrement plus favorable pour les jeunes femmes que pour les jeunes hommes dans les DROM, comparativement à l’Hexagone[23].

Le graphique 1 présente les écarts de réussite éducative et professionnelle entre natifs d’outre-mer et natifs des régions de métropole rassemblées en trois catégories : les natifs des régions de métropole à faibles opportunités, de l’Île-de-France (région à forte opportunité[24]) et les « autres régions de l'Hexagone ». À origine sociale similaire, les natifs d’outre-mer ont toujours bien moins accès à un diplôme du supérieur, à un statut de cadre et à l’emploi que les natifs de France métropolitaine, même ceux des régions à faibles opportunités et aux structures socio-économiques plus comparables. Les écarts entre régions métropolitaines de naissance sont plus négligeables, à l’exception de l’accès à un poste de cadre (-10 % pour les natifs des régions à faibles opportunités, +30 % pour les natifs d’Île-de-France comparativement aux autres régions de l'Hexagone). Les écarts de chances dans l’obtention d’un diplôme du supérieur sont aussi un peu plus faibles dans les régions de France métropolitaine à moindres opportunités.

Graphique 1 − Inégalité des chances entre natifs d’outre-mer et régions à faibles opportunités de l'Hexagone, à origine sociale comparable

Champ : individus âgés de 30 à 49 ans résidant en logement ordinaire. 

Note 1 : écart à même sexe, âge, profession du père et de  la mère, et date de l’année d’enquête. 

Note 2 : le coefficient concernant l’emploi des régions à  faibles opportunités n’est pas significatif. L’ensemble des  autres résultats sont significatifs au seuil de 1 %. 

Note 3 : la ligne horizontale noire située à « 0 » représente  la référence par rapport à laquelle sont comparés, en  pourcentage, les écarts de chances pour nos quatre  catégories de population. Les « autres régions de l'Hexagone » désignent ces individus.  

Note 4 : les régions à faibles opportunités sont la Corse, le  Nord-Pas-de-Calais, le Poitou-Charentes, la Champagne-Ardenne. 

Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi  2014-2020

Cette pénalité significative par rapport aux régions métropolitaines s’observe aussi lorsque l’on restreint l’analyse aux individus d’origine sociale modeste ou très modeste, pour lesquels les écarts régionaux de réussite éducative et professionnelle sont en France métropolitaine plus marqués. S’agissant des natifs de La Réunion, cette pénalité est d’ailleurs particulièrement forte chez les plus modestes (par rapport aux régions à faibles opportunités, la probabilité d’être diplômé du supérieur est par exemple 39 % plus faible contre 22 % plus faible chez les natifs des Antilles), alors que l’écart est faible — voire s’inverse — pour ceux dont les origines sont intermédiaires ou favorisées[25].

Enfin, il nous semble nécessaire de comparer les natifs des outre-mer avec deux régions métropolitaines à faibles opportunités : le Nord-Pas-de-Calais et la Corse. La Corse, du fait de son caractère insulaire, connaît un fort taux d’émigration vers l’Hexagone (28 % des 30-49 ans dans notre échantillon), ce qui en fait une région de comparaison évidente avec les Antilles et La Réunion, tandis que le Nord-Pas-de-Calais est la région avec les plus faibles opportunités de l’Hexagone. Les opportunités des natifs du Nord-Pas-de-Calais sont bien plus favorables que celles des natifs des outre-mer, que ce soit en termes de taux de diplômés du supérieur, d’emploi ou de cadres. Pour les natifs de Corse, les opportunités d’emploi et d’accès à un diplôme du supérieur sont beaucoup plus favorables que chez les natifs des outre-mer, à origine sociale comparable. Pour l’accès aux postes de cadre, la situation de la Corse est néanmoins bien plus nuancée, avec un écart relativement faible et non significatif avec les natifs des Antilles et de La Réunion (Graphique 2).

Graphique 2 − Écart de taux de diplômés du supérieur, d’emploi et de cadres

Champ : individus âgés de 30 à 49 ans résidant en logement ordinaire. 

Note 1 : écart à même sexe, âge, profession du père et de la mère, et date de l’année d’enquête. 

Note 2 : les résultats des natifs de la Corse ne sont pas significatifs concernant le taux de diplômés du supérieur et le taux d'emploi. Le reste des résultats est significatif au seuil de 1 %. 

Note 3 : les barres verticales indiquent l'intervalle de confiance à 95 %. 

Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi 2014-2020.

Ceux qui restent, ceux qui partent

La quantification de ce différentiel d’opportunités entre les natifs d’outre-mer et ceux de l’Hexagone amène un certain nombre d’interrogations. S'agit-il d'une question de manque d’opportunités pour ceux qui restent dans leur territoire d’origine à l’âge adulte, pour ceux qui migrent en France métropolitaine ? Ou les deux ? Par ailleurs, comment expliquer que les natifs des Antilles, qui migrent beaucoup plus souvent en France métropolitaine que les natifs de La Réunion, ne bénéficient pas d’opportunités plus importantes ?

En France métropolitaine, les individus « mobiles », c’est-à-dire qui ne résident plus à l’âge adulte dans leur région d’origine, ont un niveau de vie ou une position professionnelle en général plus favorable que les « immobiles ». Ce résultat s’explique par le fait que ceux qui migrent sont en général plus diplômés que ceux qui restent dans leur région d’origine. Par ailleurs, ceux qui partent ont une situation plus favorable à diplôme équivalent[26].

Tout laisse à penser que l’écart d’opportunités entre émigrés et non-émigrés est particulièrement important outre-mer. La moindre offre locale en enseignement supérieur pourrait impacter de manière plus significative les natifs des Antilles et de La Réunion n’ayant pas migré − même temporairement − en France métropolitaine. Dans l'étude Les projets de mobilité des jeunes réunionnais.es, Marine Haddad montre notamment que les parents des familles de classe moyenne et surtout supérieure à La Réunion mobilisent des discours associant réussite sociale et émigration[27]. Migration et origine sociale étant corrélées (Graphique 3), il est important, comme dans la partie précédente, de raisonner à origine sociale donnée.

Graphique 3 − Migration vers l'Hexagone selon la catégorie sociale

Champ : individus âgés de 30 à 49 ans résidant en logement ordinaire. 

Lecture : 51 % des individus d’origine favorisée natifs des Antilles résident en France métropolitaine. Ils sont 25 % à vivre aujourd’hui dans les outre-mer, mais à avoir vécu au moins six mois dans l’Hexagone. 

Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi 2014-2020.

Afin de prolonger notre analyse des inégalités d’opportunités chez les natifs des Antilles et de La Réunion, nous distinguons les individus en trois catégories selon leur parcours migratoire : les natifs sédentaires, les natifs de retour, les natifs émigrés (voir le Schéma 2 ci-dessous pour une définition des différentes catégories de population)[28].

Schéma 2 − Catégories de population

Source : France Stratégie, schéma des auteurs

Sans surprise, le différentiel de taux de diplômés du supérieur entre les natifs ayant vécu au moins six mois dans l’Hexagone (natifs de retour, natifs émigrés) et ceux n’ayant pas eu cette opportunité (natifs sédentaires) est significatif, et ce pour l’ensemble des milieux sociaux[29] (Tableau 3). Les natifs de retour et émigrés d’origine favorisée et intermédiaire sont autant voire plus diplômés du supérieur que les métropolitains, notamment les natifs de La Réunion. Ce différentiel s’explique notamment par un effet de sélection : ceux issus de milieux favorisés qui migrent en métropole le font très majoritairement pour obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur[30]. Les natifs sédentaires, notamment en bas de la distribution sociale, sont très largement moins diplômés.

Tableau 3 − Taux de diplômés de l’enseignement supérieur selon l’origine sociale et le parcours migratoire

Note : écart à sexe, âge, date d’année de l’enquête. 

Champ : individus âgés de 30 à 49 ans résidant en logement ordinaire. 

Lecture : 91,1 % des natifs émigrés de La Réunion sont diplômés du supérieur, contre 74,1 % chez les métropolitains. 

Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi 2014-2020

À origine sociale comparable, les natifs sédentaires de La Réunion et des Antilles font face à des écarts de chances globalement similaires : les natifs sédentaires des Antilles sont un peu plus diplômés et un peu moins souvent cadres (Tableau 4). Les natifs de retour, malgré un taux de diplômés du supérieur bien plus important, ont un taux d’emploi presque identique à celui de ceux qui ne sont jamais partis (autour de 65 %). En d’autres termes, vivre dans les Antilles ou à La Réunion, c’est faire face à un marché du travail très défavorable. Cette situation prévaut quel que soit le milieu d'origine, que la personne ait séjourné ou non dans l’Hexagone. Dans l’ensemble, la pénalité des natifs restés en outre-mer concernant l’accès à l’emploi s’explique alors avant tout par des opportunités locales moindres. Les natifs de retour accèdent cependant bien plus au sommet de la hiérarchie que les natifs sédentaires (environ 6 points d'écart).

Tableau 4 − Taux de diplômés du supérieur, d’emploi et de cadres selon l’origine sociale et le parcours migratoire

Note 1 : écarts à âge, sexe, date d'année de l’enquête, catégorie socioprofessionnelle du père et de la mère donnée. 

Note 2 : *** = significatif au seuil de 1 % ; ** = significatif au seuil de 5 % ; * = significatif au seuil de 10 %. Pas d’étoile = non significatif. 

Champ : individus âgés de 30 à 49 ans résidant en logement ordinaire. Lecture : 41,3 % des métropolitains sont diplômés du supérieur. Cette proportion est de 23,9 % chez les natifs sédentaires de La Réunion, à origine sociale comparable. 

Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi 2014-2020.

Les natifs émigrés s’en sortent beaucoup mieux : ils sont en moyenne presque aussi diplômés que les métropolitains et ont des taux d’emploi légèrement supérieurs. Pour ce qui est de l’accès au statut de cadre, les natifs émigrés de La Réunion s’en sortent nettement mieux que ceux des Antilles, avec des taux presque égaux à ceux des métropolitains. En effet, bien que les natifs des Antilles migrent davantage vers la métropole, les natifs de La Réunion issus de milieux favorisés sont en moyenne plus diplômés, et ont des trajectoires professionnelles globalement meilleures.

À origine sociale mais également à diplôme similaires, nous observons une nouvelle fois des écarts significatifs sur le marché du travail pour ceux résidant en outre-mer. Les natifs sédentaires des Antilles sont 15 % à 45 % moins nombreux à être en emploi et à accéder au statut de cadre que les métropolitains. Pour les natifs sédentaires de La Réunion, cet écart est de 15 % à 30 % (Graphique 4). Les natifs de retour des Antilles sont 30 % moins nombreux à être cadres et environ 20 % moins nombreux à être en emploi que les métropolitains. Les écarts de taux de cadres sont un peu moins importants chez les natifs de retour de La Réunion, avec une différence de moins de 20 %. Finalement, sans surprise, les natifs émigrés s’en sortent beaucoup mieux sur le marché du travail métropolitain. Néanmoins, ils présentent encore des taux d’accès au statut de cadre de 8 % à 20 % inférieurs à ceux des métropolitains ayant la même origine sociale et le même niveau de diplôme.

Graphique 4 − Écart de taux d’emploi et de cadres selon le parcours migratoire des natifs des Antilles et de La Réunion, à origine sociale et diplôme équivalents

Champ : individus âgés de 30 à 49 ans résidant en logement ordinaire. 

Note 1 : écart à même sexe, âge, niveau de diplôme,  professions du père et de la mère, et date de l’année  d’enquête. 

Note 2 : le taux d’emploi des natifs émigrés des Antilles  n’est pas significatif, le taux de cadres des émigrés de 

La  Réunion également. Les autres résultats sont significatifs à  1 %, sauf l’emploi des natifs émigrés de La Réunion à 5 %. 

Note 3 : la ligne horizontale noire située à « 0 » représente  la référence (« les métropolitains ») par rapport à laquelle  sont comparés, en pourcentage, les écarts pour nos trois  catégories de population natives des Antilles (droite) ou  de La Réunion (gauche). 

Lecture : à origine sociale et niveau de diplôme équivalents, les natifs sédentaires des Antilles ont un taux d’emploi de 15,3 % inférieur à celui des métropolitains. 

Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi  2014-2020

Enfin, il nous semble opportun de finir par, une nouvelle fois, comparer les natifs des Antilles et de La Réunion à ceux des régions de France métropolitaine à faibles opportunités, et plus spécifiquement du Nord-Pas-de-Calais[31]. En effet, France Stratégie a déjà mis en évidence des parcours et des niveaux de vie différenciés entre les mobiles et les non-mobiles des régions de l’Hexagone, et particulièrement dans certaines régions pauvres comme le Nord-Pas-de-Calais .

Ainsi, à origine sociale et niveau de diplôme équivalents, les taux de cadres et d’emploi des natifs sédentaires des Antilles et de La Réunion sont significativement inférieurs à ceux des natifs sédentaires du Nord-Pas-de-Calais. Il existe donc un écart d’opportunités professionnelles chez ceux restés en outre-mer à l'âge adulte, même avec la région de métropole avec les plus faibles opportunités, et alors qu’on observe des écarts de chances non négligeables entre ces derniers et les autres régions de l’Hexagone. Les natifs émigrés, bien qu’ayant des taux d’emploi supérieurs à ceux des natifs émigrés du Nord-Pas-de-Calais, semblent néanmoins toujours avoir moins accès aux postes de cadres que ces derniers, notamment chez les natifs émigrés des Antilles (Graphique 5).

Graphique 5 − Écart de taux d’emploi et de cadres selon le parcours migratoire des natifs de La Réunion, des Antilles et du Nord-Pas-de-Calais, à origine sociale et diplôme équivalents

Champ : individus âgés de 30 à 49 ans résidant en logement ordinaire. 

Note 1 : écart à même sexe, âge, niveau de diplôme, profession du père et de la mère, et date de l’année d’enquête. 

Note 2 : les barres verticales indiquent l’intervalle de confiance à 95 % 

Note 3 : la ligne horizontale noire située à « 0 » représente la référence (« les autres régions de l’Hexagone ») par rapport à laquelle sont comparés, en points de  pourcentage, les écarts pour nos catégories de population natives des Antilles, de La Réunion, et du Nord-Pas-de-Calais. 

Lecture : à origine sociale et niveau de diplôme équivalents, les natifs sédentaires des Antilles ont un taux de cadres 6,4 points inférieur à celui des autres régions  de métropole. Chez les natifs sédentaires du Nord-Pas-de-Calais, ce taux est 2,3 points inférieur.  

Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi 2014-2020

Ce moindre accès aux postes de cadres pour les natifs émigrés pourrait s’expliquer en partie par les discriminations à l’encontre de ces Français natifs des territoires d'outre-mer : les travaux exploitant l’enquête TEO ont en effet montré qu’ils se sentent fortement exposés aux discriminations ou à des traitements inégalitaires, notamment en raison de leur couleur de peau[33]. Ces discriminations pourraient également expliquer la part plus importante des natifs des Antilles et de La Réunion travaillant dans le secteur public : à origine sociale équivalente, la proportion d'individus travaillant dans la fonction publique est de 30 % à presque 60 % supérieure à celle des autres métropolitains chez les natifs émigrés des Antilles et de La Réunion (Graphique 6). L’accès à la fonction publique, largement régulé par des concours, pourrait ainsi apparaître comme un facteur de réduction des risques de discrimination à l'embauche, mais avoir pour partie un accès plus difficile aux positions de cadres.

Graphique 6 − Écart de taux d’emploi public selon le parcours migratoire des natifs de La Réunion et des Antilles, à origine sociale comparable

Champ : individus âgés de 30 à 49 ans résidant en logement ordinaire. 

Note 1 : écart à même sexe, âge, niveau de diplôme, profession du père et de la mère, et date de l’année d’enquête. 

Note 2 : tous les résultats sont significatifs au seuil de 1 %.

Note 3 : la ligne horizontale noire située à « 0 » représente  la référence (« les métropolitains ») par rapport à laquelle  sont comparés, en pourcentage, les écarts pour nos trois  catégories de population natives de La Réunion. 

Lecture : à origine sociale équivalente, les natifs émigrés  de La Réunion ont un taux d’emploi public 30 % supérieur à celui des métropolitains. 

Source : France Stratégie, à partir des enquêtes Emploi  2014-2020

Dans notre échantillon, les catégories professionnelles les plus représentées sont les professions intermédiaires de la santé et du travail social (12,3 %) ainsi que les policiers et les militaires (6,7 %) parmi les natifs émigrés des Antilles d'origine favorisée ou intermédiaire. Chez les natifs émigrés de La Réunion d'origine favorisée et intermédiaire − qui présentent des taux de diplômés du supérieur plus élevés que chez les métropolitains, ainsi qu'un différentiel de taux de cadres inférieurs −, nous retrouvons une forte proportion d'ingénieurs et de cadres techniques d’entreprise (15,8 %), mais aussi de policiers et de militaires (7,8 %)[34]. Chez les natifs émigrés d’origine modeste et très modeste, nous observons une très forte proportion d'employés civils et d’agents de service de la fonction publique (19 %) chez les natifs des Antilles, et une présence notable de policiers et de militaires chez les natifs de La Réunion (9,2 %).

Conclusion

À partir de données couvrant l’ensemble du territoire national, cette étude propose un nouvel éclairage sur l’inégalité des chances liée au territoire de naissance en France. Nous quantifions pour la première fois les importants écarts d’opportunités éducatives et professionnelles entre les natifs des Antilles, de La Réunion, et les métropolitains d’origine sociale comparable. L’analyse des parcours migratoires met également en évidence des trajectoires très différenciées entre ceux qui partent en France métropolitaine, et ceux qui restent en outre-mer.

La note pointe deux dimensions essentielles pour une plus grande égalité des chances entre l’outre-mer et l’Hexagone. D’une part, la réussite éducative des natifs des outre-mer demeure significativement moindre, au moins sur les cohortes étudiées, y compris par rapport aux régions métropolitaines les moins favorables comme la Corse et le Nord-Pas-de-Calais. D’autre part, la faiblesse du taux d’emploi pèse lourdement sur les opportunités de ceux qui résident aux Antilles et à La Réunion, y compris ceux qui sont passés par l’Hexagone.

Ce premier travail illustre l’intérêt de disposer de bases de données couvrant l’intégralité du territoire national, comme l’enquête Emploi de l’Insee. L’amélioration continue des systèmes d’information, notamment de l’administration fiscale, doit permettre à terme l’analyse de la mobilité sociale et de l’inégalité des chances en termes de revenus, comme c’est aujourd’hui possible pour la France métropolitaine. Également, l’étude des trajectoires individuelles des natifs des Antilles et de La Réunion devra être complétée à l’avenir par des recherches portant sur leur parcours scolaire et leur mobilité professionnelle. Enfin, ces données permettraient d’évaluer les effets des politiques mises en place pour améliorer les perspectives éducatives et professionnelles des natifs des outre-mer (service militaire adapté, dispositif cadre-avenir, mesures visant le développement de l’offre de formation de l’enseignement supérieur, de l’apprentissage, etc.).

[1] Voir Dherbécourt C. (2015), « La géographie de l’ascension sociale », La Note d’analyse, n° 36, novembre ; Dherbécourt C. et Kenedi G. (2020), « Quelle influence du lieu d’origine sur le niveau de vie ? », La Note d’analyse, n° 91, juin ; Dherbécourt C. et Flamand J. (2023), « Inégalité des chances : ce qui compte le plus », La Note d’analyse, n° 120, avril. 

[2] Dans le chapitre de ce rapport, les jeunes sont définis comme des individus sortis de formations initiales depuis cinq à dix ans. Voir Galtier G. et Harfi M. (2023), Les politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, rapport pour l’Assemblée nationale, France Stratégie, septembre. 

[3] Dans Galtier G. et Harfi M. (2023), Les politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, ibid., France Stratégie a présenté des analyses sur la pénalité outre-mer, à partir des mêmes sources et d’une méthodologie proche de celle de la présente note, mais sur des individus observés en début de vie active (entre cinq et dix années après la sortie du système éducatif). 

[4] Dans cette étude, « Hexagone » sera utilisé comme un synonyme de « métropole », et prendra donc en considération la Corse. 

[5] Défini autrefois sous l’appellation « DOM » (département d’outre-mer) : Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion. 

[6] Dans cette note d’analyse, la Martinique et la Guadeloupe sont regroupées. Ces deux territoires ont une proximité géographique ainsi que dans plusieurs indicateurs économiques. Ce regroupement nous permet d’avoir des effectifs plus conséquents. Néanmoins, le dispositif Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2021 ne couvre pas la Guadeloupe : à partir de l’enquête Budget des familles 2017, qui couvre les trois DOM étudiés, le niveau de vie est inférieur d’environ un tiers à La Réunion, 20 % en Martinique, 23 % en Guadeloupe. Voir Insee (2024), « Principaux résultats sur les revenus et la pauvreté des ménages en 2021 », Insee Résultats, janvier ; Audoux L., Mallemanche C. et Prévot P. (2020), « Une pauvreté marquée dans les DOM, notamment en Guyane et à Mayotte », Insee Première, n° 1804, juillet. 

[7] Selon les résultats de Filosofi 2021. À partir de l’enquête Budget des familles 2017, les écarts sont encore plus importants : plus de quatre personnes sur dix à La Réunion vivent sous le seuil de pauvreté monétaire, environ un tiers de la population dans les Antilles (Audoux et al. 2020). 

[8] Supérieurs à 17 % dans ces régions, contre 7,6 % en moyenne dans l’UE. Par ailleurs, à Mayotte, le taux de chômage est le plus élevé d’Europe avec près de 30 % en 2017. En Martinique, il est de 17,8 %, en Guadeloupe et à La Réunion de 22,8 % contre 9 % en France métropolitaine. 

[9] Audoux L. et Mallemanche C. (2019), « Emploi et chômage dans les DOM : l’écart avec la métropole reste marqué », Insee Focus, n° 160, juin.

[10] Personnes qui n’ont pas résidé au moins six mois en France métropolitaine depuis leur première installation dans les Antilles ou à La Réunion. 

[11] Individus nés dans l’Hexagone, dont au moins l’un des deux parents est né dans les Antilles ou à La Réunion. 

[12] Dans la période d’après-guerre, les DOM font face à d’importantes difficultés socio-économiques couplées à un fort taux de natalité, ce qui crée un climat de fortes tensions sociales. La lutte contre l’explosion démographique devient alors un objectif central des pouvoirs publics, caractérisé par la création du « Bumidom » (bureau pour la migration des DOM) en 1963. L’État cherche alors à déplacer ce qui était considéré comme un excédent de population, tout en comblant un besoin de main-d’œuvre dans l’Hexagone. Une évaluation empirique de Haddad (2018) montre que le Bumidom a stimulé la croissance des flux migratoires et creusé les écarts socio-économiques entre les DOM et la France métropolitaine. Voir Haddad M. (2018), « L’effet d’une politique d’État sur les migrations DOM-Hexagone. Les enseignements des recensements de 1962 à 1999 », Population, vol. 73, n° 2, p. 191-224. 

[13] Dans la suite de la note, les natifs de Guyane ne seront pas étudiés. En effet, les effectifs disponibles sont bien trop faibles, et il existe un problème de comparabilité des données entre territoires : une proportion significative de personnes qui ont grandi en Guyane n’y sont pas nées et ne se retrouvent alors pas dans les résultats.

[14] La colonne « taux brut » est corrigée de l’hétérogénéité liée au genre, à l’âge, ainsi qu’à la date d’année d’enquête de notre échantillon. 

[15] Dherbécourt C. (2015), « Géographie de l’ascension sociale », op. cit. 

[16] Dherbécourt C. et Flamand J. (2023), « Inégalité des chances : ce qui compte le plus », op. cit. 

[17] La catégorisation définie dans le schéma 1 ne sera utilisée que dans le graphique 3 et dans le tableau 3. 

[18] L’origine sociale des individus est ici mesurée à partir de la nomenclature proposée par le Conseil national de l’information statistique (CNIS) en 2020, revisitée par l’Ined (2023) pour faciliter la comparaison entre France métropolitaine et outre-mer (notamment pour tenir compte de la fréquence beaucoup plus élevée des familles monoparentales en outre-mer). Pour simplifier, nous appellerons « origine sociale favorisée » la catégorie dominante cadre, « origine sociale intermédiaire » la catégorie dominante intermédiaire, « origine sociale modeste » la catégorie employée/ouvrier, et enfin « origine sociale très modeste » la catégorie dominante monoactif d’employé et d’ouvrier. Voir Galtier B. et Harfi M. (2023), Les politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, op. cit.

[19] Voir Galtier G. et Harfi M. (2023), Les politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, rapport pour l’Assemblée nationale, op. cit. 

[20] Définie comme la probabilité d’être cadre ou profession intermédiaire pour un enfant d’ouvrier ou d’employé de ces régions. 

[21] Dans les notes « Quelle influence du lieu d’origine sur le niveau de vie ? » et « Inégalité des chances : ce qui compte le plus », op. cit., l’analyse portait sur les écarts de revenus. Avec cet indicateur, les résultats sont un peu différents : les régions les plus « pauvres » de métropole sont le Nord-Pas-de-Calais, le Languedoc-Roussillon et la Corse. Cependant, les données de l’enquête Emploi ne permettent pas de faire des analyses fiables fondées sur les revenus. 

[22] Ces résultats peuvent être consultés dans le tableau de l’annexe 3 du fichier Excel des données de l'étude, disponible sur le site de France Stratégie

[23] Pour une analyse plus détaillée, voir le rapport Galtier et Harfi (2023), op. cit. 

[24] Dans la note d’analyse « La géographie de l’ascension sociale », op. cit., il était stipulé que « l’Île-de-France apparaît comme la région championne de l’ascension sociale des classes populaires : plus de quatre enfants d’employé ou d’ouvrier sur dix y occupent une position de cadre ou de profession intermédiaire ».

[25] Par exemple, les natifs de La Réunion d’origine favorisée ont des taux de diplômés du supérieur 7,6 % plus élevés que les natifs des régions à faibles opportunités d’origine favorisée. Ces résultats peuvent être consultés dans le tableau de l’annexe 4 du fichier Excel des données de l'étude, disponible sur le site de France Stratégie. 

[26] Dherbécourt C. et Kenedi G. (2020), « Quelle influence du lieu d’origine sur le niveau de vie ? », op. cit.

[27] Haddad M. (2023), « Les projets de mobilité des jeunes réunionnais.es : une affaire de famille », Agora, débats/jeunesses, n° 94, p. 139-153. 

[28] Notre échantillon contient 6 008 natifs sédentaires (3 189 des Antilles, 2 819 de La Réunion), 1 006 natifs émigrés (656 des Antilles, 350 de La Réunion), 2 193 natifs de retour (1 238 des Antilles, 955 de La Réunion).

[29] Exception faite des natifs émigrés d’origine modeste de La Réunion. 

[30] Marine Haddad identifie notamment le baccalauréat comme un point clé du parcours des ultramarins exposés à la mobilité : dans la majorité des cas, un individu avec une trajectoire le conduisant vers le baccalauréat l’aura déjà obtenu avant sa venue dans l’Hexagone (l’effet de sélection s’effectue majoritairement ici). Voir Haddad M. (2018), Migration DOM-métropole des années 1960 à nos jours : itinéraires d’une minorité française, thèse de doctorat en sociologie, École doctorale de Sciences Po.

[31] Nous ne disposons malheureusement pas d’effectifs assez suffisants pour étudier également les natifs de Corse selon leur parcours migratoire. 

[32] Dherbécourt C. et Kenedi G. (2020), « Quelle influence du lieu d’origine sur le niveau de vie ? », op. cit. 

[33] Haddad M. (2018), « Des minorités pas comme les autres ? Le vécu des discriminations et du racisme des ultramarins en métropole », Revue française de sociologie, 59 (4), p. 649-676.

[34] Les professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprises complètent le trio de tête des natifs des Antilles (6,7 %), mais aussi de La Réunion (7,1 %).

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Naître en outre-mer : de moindres opportunités que dans les autres régions de France

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Dherbécourt, C. et Peruyero, C. (2024) . Naître en outre-mer : de moindres opportunités que dans les autres régions de France. La note d'analyse de France Stratégie, n° 137(7), 1-12.
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Dherbécourt, Clément. et al. « Naître en outre-mer : de moindres opportunités que dans les autres régions de France ». La note d'analyse de France Stratégie, 2024/7 n° 137, 2024. p.1-12.
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DHERBÉCOURT, Clément., PERUYERO, Clément. Naître en outre-mer : de moindres opportunités que dans les autres régions de France. La note d'analyse de France Stratégie, 2024/7 n° 137, p.1-12.

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