Téléchargez la note de synthèse - Observatoire du travail dissimulé, réunion du 18 novembre 2021
Téléchargez l'enquête IPSOS - Le recours et les pratiques de travail non déclaré à domicile
Fort de ce constat, le Cnis avait lancé fin 2015 un groupe de travail sur la mesure du travail dissimulé et ses impacts pour les finances publiques, puis publié un rapport en juin 2017. Conformément aux préconisations de ce rapport, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) assure, depuis 2017, une fonction d’observatoire du travail dissimulé. Le présent document constitue la quatrième publication effectuée dans ce cadre. Il fait état de trois nouveaux travaux.
L’Urssaf Caisse Nationale a présenté pour la première fois des éléments sur les micro-entrepreneurs collaborateurs de plateformes : si elle en souligne le caractère très fragile, ces éléments suggèrent néanmoins une très forte sous-déclaration pour ce mode d’exercice professionnel. Le taux de cotisations éludé serait d’environ 42% en 2020 sur les données disponibles. Dans le secteur des VTC, près de 90% des micro-entrepreneurs auraient déclaré des montants inférieurs à ce que les plateformes ont enregistré comme chiffre d’affaires pour les intéressés, 30% n’auraient rien déclaré ; la part des sous-déclarants s’élèverait à 73% dans le secteur de la livraison, à 51% dans le commerce, à 44% dans les activités spécialisées scientifiques et techniques. Ces résultats, qui demandent à être confirmés sur la base d’analyse plus poussées, illustrent les craintes formulées sur ce sujet par le HCFiPS dans son rapport sur les travailleurs indépendants.
Le HCFIPS a pris par ailleurs connaissance de l’enquête que vient de réaliser IPSOS sur le recours et les pratiques de travail non dissimulé à domicile, enquête effectuée à l’initiative de la FEPEM, de l’ACOSS et du HCFiPS.
Cette enquête est, en France, la première enquête intégralement dédiée à l’étude du recours et des pratiques de travail non déclaré à domicile. Il s’agit de ce fait d’une avancée très significative dans la connaissance tant des phénomènes de fraude, que de leurs motivations et de l’impact des mécanismes d’incitations déclaratives tels que les crédits d’impôts et exonérations de cotisations dans le secteur de l’emploi à domicile. Il ressort du sondage qu’un tiers des particuliers employeurs interrogés ont déjà pratiqué la sous-déclaration et un employeur sur 5 l’aurait fait souvent ou parfois. La garde d’enfants (périscolaire…) et l’aide aux devoirs seraient des zones particulièrement touchées par la fraude, avec des taux de sous-déclaration, par les employeurs interrogés, proches de 60%. La sous-déclaration ou la non-déclaration des employeurs serait avant tout liée au faible nombre d’heures effectuées 47% des particuliers employeurs indiquant que « le nombre d’heures n’est pas suffisant pour nécessiter une déclaration ». Par ailleurs, un employé sur deux à domicile aurait été sous-déclaré ou non déclaré au cours des deux dernières années, la garde d’enfants et l’aide aux devoirs étant également les secteurs où la sous/non déclaration est la plus importante. Parmi les intervenants non-/sous déclarés, les jeunes, les hommes, les moins de 35 ans et les cadres et professions intermédiaires, sont surreprésentés. Cette non/sous déclaration est justifiée par les intéressés par le souhait d’« arrondir [leurs] fins de mois » ou de « rendre service à la famille, aux amis ou aux voisins ». La non déclaration ou la sous-déclaration dans le secteur est donc perçue comme en lien avec un faible nombre d’heures travaillées, une activité à domicile exercée en complément d’une autre activité professionnelle, ou de façon occasionnelle.
Le HCFiPS a enfin entendu la DREES et la CNAF qui ont procédé à des simulations de l’impact du travail dissimulé sur les prestations. Ce travail, qui doit être poursuivi, montre la complexité des mécanismes à l’œuvre, notamment en lien avec le dispositif de la prime d’activité : le fait de déclarer son activité quand celle-ci est totalement dissimulée permettrait de bénéficier de la prime d’activité, alors que le fait de déclarer un complément de rémunération peut conduire à faire diminuer ou à perdre totalement la prime d’activité.
L’Urssaf Caisse Nationale a par ailleurs présenté une réactualisation de l’impact du travail dissimulé sur le secteur privé. En cohérence avec les évaluations effectuées les exercices précédents, elle établit le manque à gagner lié à la dissimulation d’assiette dans une fourchette comprise entre 5,2 et 6,6 Md€ sur le champ du régime général et de l’assurance chômage, soit un taux de dissimulation compris entre 2,2 à 2,7% de l’assiette totale (déclarée et éludée).
Pour le secteur agricole, la MSA a présenté de nouvelles estimations, issues d’une méthodologie plus précise et permettant d’améliorer le ciblage. Le manque à gagner est estimé à 0,17 Md€, sur le champ du contrôle comptable d’assiette, ce qui conforte l’estimation communiquée en 2019.
Les présentations méthodologiques associées à chacun de ces travaux –dont certaines sont très techniques- soulignent, de manière transparente, la complexité de l’exercice d’évaluation sur la question de la fraude. Sur des activités par nature cachées aux services en charge de la lutte contre la fraude, il est évidemment particulièrement difficile d’approcher un chiffre « certain ». Cette « approximation » native ne doit pas cependant interdire de fournir des éléments qui permettent d’approcher le phénomène et de mieux le comprendre, pour, ensuite, mieux orienter l’action.