Note d’analyse

Quelle évolution de la demande en eau d’ici 2050 ?

Ce travail, commandé à l’automne 2023 par la Première ministre, étudie entre 2020 et 2050 les évolutions théoriques des prélèvements en eau et des consommations associées, c’est-à-dire la part des prélèvements évaporée, selon trois scénarios prospectifs.

Publié le : 20/01/2025

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49 minutes

Le premier, appelé « tendanciel », prolonge les tendances passées. Le deuxième, baptisé « politiques publiques », simule la mise en place de politiques publiques récemment annoncées. Le troisième, dit « de rupture », se caractérise par un usage sobre de l’eau.

Entre 2020 et 2050, dans la configuration climatique la plus défavorable étudiée, la demande annuelle stagne dans le scénario tendanciel (+ 1 %) et diminue dans les scénarios politiques publiques (- 24 %) et de rupture (- 47 %), notamment du fait de la baisse de la demande pour la production énergétique dans la vallée du Rhône. La demande pour l’irrigation augmente fortement et devient majoritaire. À la différence de la production énergétique, l’irrigation consomme la majorité de l’eau prélevée en raison de l’évapotranspiration des plantes. Aussi les consommations augmentent-elles substantiellement dans les scénarios tendanciel (+ 102 %) et politiques publiques (+ 72 %). Dans ce dernier scénario, elles sont multipliées par plus de deux dans près d’un quart des bassins versants. Seul le scénario de rupture permet de contenir l’augmentation des consommations (+ 10 % par rapport à 2020) dans la configuration climatique la plus défavorable étudiée. Avec l’augmentation de la part de l’agriculture dans les prélèvements, la demande en eau sera davantage concentrée au cours des mois les plus chauds de l’année, quand la ressource en eau est au plus bas dans les milieux aquatiques. Une prochaine publication de France Stratégie quantifiera les tensions entre la ressource en eau disponible et cette demande.

Carte prospective territorialisée de la demande en eau

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Carte prospective territorialisée de la demande en eau

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Introduction

L’eau est une ressource limitée dont la disponibilité spatiale et temporelle subit des modifications du fait des aménagements humains et du changement climatique. L’étude Explore2 a montré que dans le futur, en période estivale, l’eau renouvelable[1] pourrait se raréfier notamment dans la moitié sud de la France métropolitaine[2].

La demande en eau pourrait également être amenée à évoluer, non seulement en réponse à la baisse des précipitations en période estivale, notamment pour l’irrigation, mais également en fonction de choix sociétaux. Aussi, afin d’anticiper d’éventuels conflits d’usage, il s’avère aujourd’hui indispensable d’étudier des trajectoires d’évolution de la demande.

Ce travail n’a pas pour objectif de prévoir une demande en eau future (appelée également « prélèvements » dans ce travail), mais bien plutôt d’imaginer quelle pourrait être cette demande, indépendamment des contraintes physiques et réglementaires, en fonction de choix de société structurants. Quelques trajectoires futures contrastées sont dessinées, parmi une infinité d’autres. Elles pourront contribuer à alimenter le débat public.

Après une description des hypothèses retenues pour construire les scénarios prospectifs, les prélèvements et les consommations territorialisés associés à ces scénarios sont présentés et analysés. Dans la continuité de cette étude, un travail de confrontation de la demande à la ressource potentiellement disponible sera publié prochainement.

Trois scénarios d'usage de l'eau pour 2050

Nous avons construit trois scénarios d’usage contrastés en nous appuyant sur différentes prospectives[3] et en émettant des hypothèses en matière d’évolution des comportements et des usages. Pour chacun de ces scénarios, les prélèvements et les consommations, c’est-à-dire la part de l’eau non directement restituée au milieu[4], ont ensuite été évalués pour les sept secteurs suivants : irrigation, élevage, énergie, industrie, tertiaire, résidentiel et canaux de navigation.

Les prélèvements estimés dans ce travail correspondent à une demande théorique qui ne tient compte ni des limites physiques (disponibilité de la ressource en eau), ni de l’évolution des contraintes réglementaires (autorisations de prélèvements et arrêtés sécheresse, notamment).

L’année de référence est 2020. Cela permet un accès à des données complètes pour la majorité des secteurs étudiés[5]. Malgré le fait que l’année 2020 a été marquée par la crise du Covid-19, nous n’observons pas de différences majeures en matière de prélèvements avec les années antérieures et postérieures[6]. Deux horizons temporels ont été étudiés : un futur proche (2030) et un futur lointain (2050). Dans cette note, seuls les résultats obtenus à l’horizon 2050 sont présentés[7].

Scénario « tendanciel » 

Dans ce scénario, les tendances observées entre 2010 et 2020 pour tous les usages étudiés se poursuivent entre 2020 et 2030, puis à un rythme moindre entre 2030 et 2050, les évolutions étant rarement linéaires sur une période longue.

Agriculture 

L’agriculture française conserve d’ici 2050 un solde exportateur positif, ce qui implique des rendements élevés. Afin d’accroître l’autonomie protéique des animaux d’élevage, les surfaces en soja croissent (multiplication par plus de deux entre 2020 et 2050) dans la continuité des tendances observées après le lancement du plan protéines végétales pour la France 2014-2020[8]. Entre 2020 et 2050, les productions de pommes de terre (+ 81 %) et de betteraves à sucre (+ 19 %) continuent d’augmenter dans le nord de la France pour répondre à la demande extérieure. Les surfaces de maïs grain poursuivent leur diminution (- 11 %). Les cheptels de bovins (- 10 %), ovins et caprins (- 15 %) et de porcs (- 4 %) poursuivent leur baisse tandis que celui de volailles augmente légèrement (+ 3 %)[9]. Dans la continuité des évolutions récentes[10], les surfaces en agroécologie stagnent[11]. Hormis les retenues actées ou en cours de construction, aucune retenue de substitution supplémentaire ne voit le jour. Les surfaces équipées en irrigation continuent de croître à un rythme élevé (+ 50 % entre 2020 et 2050), particulièrement dans les bassins versants de l’Escaut (nord de la France) et de la Loire aval.

Énergie 

Dans la présente étude, l’eau nécessaire à la production hydroélectrique n’est pas intégrée[12]. Par rapport à la période 2012-2020, la production nucléaire diminue légèrement en 2030 en raison de l’arrêt de la centrale de Fessenheim mi-2020 et de la moindre disponibilité du parc[13]. Entre 2030 et 2050, les centrales ayant atteint leur limite d’âge, fixée à 70 ans[14], sont arrêtées et aucune nouvelle centrale n’est construite. Aussi, la production nucléaire des centrales situées en bord de rivière diminue de 20 % entre 2020 et 2050. L’énergie nucléaire occupe encore une part importante du mix électrique et des centrales thermiques à flamme[15] continuent de fonctionner. La part des énergies renouvelables dans le mix énergétique croît mais demeure inférieure à 50 %.

Industrie et tertiaire 

La baisse du poids de l’industrie dans l’économie se poursuit, à l’exception notable de l’agroalimentaire du fait du développement du recours aux plats préparés. Entre 2020 et 2050, la valeur ajoutée de l’industrie[16] diminue de 5 %. Par ailleurs, les industriels de l’agroalimentaire, de la chimie et de la métallurgie poursuivent leurs efforts d’amélioration de l’efficacité de l'utilisation de l’eau. Aussi, les prélèvements en eau à production donnée diminuent de 5 % dans la chimie et la métallurgie et de 15 % dans l’agroalimentaire. Les activités tertiaires continuent de se développer.

Résidentiel 

Le volume d’eau utilisé par habitant demeure stable entre 2020 et 2050. Une légère augmentation de la population est observée jusqu’en 2040. La population diminue ensuite, pour se situer en 2050 5 % en dessous de son niveau de 2020[17]. Les collectivités territoriales poursuivent leurs efforts en faveur de la réduction des fuites des réseaux d’adduction d’eau potable. Le nombre de forages domestiques continue de croître.

Canaux de navigation 

Le canal Seine-Nord est opérationnel en 2030.

Scénario « politiques publiques » 

Dans ce scénario, les grandes politiques publiques annoncées récemment sont intégralement mises en œuvre, qu’elles aient un lien direct ou indirect avec la ressource en eau.

Agriculture 

Pour répondre aux objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC)[18], l’alimentation des Français se végétalise. Ainsi, l’ensemble du cheptel diminue. Corollairement, les surfaces destinées à la production de protéines végétales pour l’alimentation humaine croissent : elles sont multipliées par plus de cinq entre 2020 et 2050. De plus, grâce au renforcement du plan protéines végétales[19], l’autonomie protéique des élevages s’accroît. Aussi, les surfaces en soja et en protéagineux sont multipliées par plus de deux entre 2020 et 2050. Les pratiques agroécologiques, contribuant à accroître la rétention d’eau dans les sols, se développent sur 50 % des surfaces agricoles grâce à des soutiens ciblés. Le développement d’outils de pilotage de l’irrigation (sondes tensiométriques, logiciels de suivi, etc.) est soutenu par les pouvoirs publics. Le soutien aux projets de retenues de substitution se traduit par une multiplication par quatorze, entre 2020 et 2050, du volume stocké à l’échelle nationale, portant le volume total de substitution à plus de 220 millions de mètres cubes en 2050. Ces retenues permettent de décaler une partie des prélèvements en hiver pour satisfaire la demande en irrigation de la période printanière et estivale. La réutilisation des eaux usées traitées de stations d’épuration pour l’irrigation se développe dans les bassins versants côtiers du sud de la France. Les surfaces équipées en irrigation continuent de croître à un rythme élevé (+ 50 % entre 2020 et 2050).

Énergie 

Le secteur énergétique est profondément modifié, avec une électrification massive des usages, conformément à la SNBC, pour réduire l’utilisation d’énergies fossiles. Cela se traduit par l’arrêt des centrales thermiques à flamme utilisant des énergies fossiles, la création de quatorze centrales nucléaires nouvelle génération (EPR) — dont quatre en bord de fleuve — ainsi que le développement massif des énergies renouvelables et des capacités de stockage d’électricité. Une paire de réacteurs est implantée dans la vallée du Rhône (site du Bugey) et une autre paire dans la vallée de la Seine (site de Nogent)[20]. La transformation des circuits de refroidissement ouverts en circuits fermés de certains réacteurs permet de réduire fortement les prélèvements mais augmente la consommation[21]. Les centrales du parc nucléaire arrivant en fin de vie sont arrêtées. La production nucléaire des centrales situées en bord de rivière est en 2050 quasiment identique à celle de 2020 (+ 1 %).

Industrie et tertiaire 

La politique publique volontariste de réindustrialisation se traduit par une croissance de l’industrie manufacturière, notamment de l’agroalimentaire, de la fabrication d’équipements électriques, de la pharmacie, de la métallurgie et de la fabrication de matériels de transport. Entre 2020 et 2050, la valeur ajoutée de l’industrie croît de 26 %. Afin d’atteindre les objectifs fixés dans la SNBC, les pouvoirs publics soutiennent les mesures de décarbonation dans l’industrie, tels la production d’hydrogène par électrolyse et les captage et stockage de carbone, qui nécessitent des prélèvements en eau. Grâce à des améliorations techniques[22] et à un cadre réglementaire renouvelé sur la réutilisation des eaux dans l’industrie agroalimentaire[23], les baisses de prélèvements en eau à production donnée atteignent 30 % dans cette industrie. Dans le tertiaire, pour accompagner le développement de l’industrie manufacturière, les activités de services administratifs et de soutien croissent à un rythme soutenu. Les projets de réutilisation des eaux usées traitées de stations d’épuration urbaines pour l’arrosage des espaces verts, des centres sportifs et des golfs croissent dans les bassins versants côtiers du sud de la France.

Résidentiel 

La population augmente de 3 % entre 2020 et 2050[24]. Des actions de réutilisation des eaux au sein des bâtiments ainsi que le développement d’équipements plus économes en eau permettent de réduire la demande en eau des ménages de 10 %. Avec le soutien des agences de l’eau, les collectivités territoriales conduisent une politique volontariste de réduction des fuites des réseaux d’adduction d’eau potable, en particulier dans les territoires où le taux de fuite est élevé. Le nombre de forages domestiques continue de croître.

Canaux de navigation 

Le canal Seine-Nord est opérationnel en 2030. Sur l’ensemble des canaux, un programme de modernisation des infrastructures est mis en place, conduisant à une réduction des prélèvements de 10 % pour alimenter les ouvrages.

Scénario « de rupture » 

Ce scénario se caractérise par une sobriété et une efficacité accrues pour tous les usages. Il s’inspire du scénario « Coopérations territoriales » construit par l’Ademe[25], qui met en avant un modèle de société reposant sur une moindre consommation.

Agriculture 

Les régimes alimentaires sont profondément modifiés avec une réduction de la consommation de viande de 50 % par rapport à la consommation actuelle. Cela se traduit par une diminution substantielle entre 2020 et 2050 de l’ensemble du cheptel ainsi que par une réduction des surfaces dédiées à l’alimentation animale, notamment des prairies (- 11 % pour les prairies temporaires) et des cultures fourragères (- 58 %), et une augmentation des surfaces dédiées aux protéines végétales (multiplication par plus de cinq). La recherche de souveraineté alimentaire conduit au développement des surfaces en légumes frais (multiplication par plus de deux), en arboriculture (doublement) et en protéagineux pour l’alimentation animale (multiplication par plus de trois). Nous faisons l’hypothèse que hormis les retenues actées ou en cours de construction, aucune retenue de substitution supplémentaire ne voit le jour. Les pratiques agroécologiques se développent sur la totalité des surfaces agricoles. De plus, des espèces et des variétés plus robustes à la sécheresse sont sélectionnées. Le développement des surfaces équipées en irrigation est contenu (+ 12 % entre 2020 et 2050).

Énergie 

Grâce à des actions de sobriété, la consommation d’énergie diminue substantiellement. De plus, les usages énergétiques sont massivement électrifiés et le recours aux énergies renouvelables s’accroît. Cela conduit à une diminution de la production d’électricité de moitié par rapport au scénario politiques publiques. La part de la production nucléaire dans le mix électrique diminue et, par rapport aux autres scénarios, la production nucléaire des centrales situées en bord de rivière[26] est fortement réduite (- 80 % entre 2020 et 2050).

Industrie et tertiaire 

La réduction drastique de la consommation de biens matériels s’accompagne d’une diminution de la production industrielle et donc des prélèvements d’eau afférents. Entre 2020 et 2050, la valeur ajoutée de l’industrie décroît de 19 %. Les services publics de transport, d’enseignement et de formation sont renforcés pour accompagner ces modifications profondes.

Résidentiel 

Les prélèvements d’eau diminuent fortement entre 2020 et 2050 grâce aux effets combinés du déploiement de pratiques plus efficaces d’usage de l’eau[27] et de la diminution de la population (- 5 % entre 2020 et 2050). Ainsi, les eaux ménagères sont majoritairement récupérées, principalement à l’échelle du bâtiment, avec des traitements mutualisés en pied d’immeuble et des réutilisations pour d’autres usages. La séparation des urines et des matières fécales à la source se développe. Grâce à une réglementation renforcée, le nombre de forages domestiques se stabilise. Les collectivités territoriales investissent dans la réhabilitation des réseaux d’adduction d’eau potable présentant les moins bons rendements.

Canaux de navigation 

Le canal Seine-Nord est opérationnel en 2030.

Synthèse des scénarios 

Le tableau 1 ci-dessous récapitule les grandes évolutions des différents secteurs.

Synthèse des principales évolutions retenues dans les trois scénarios d’usage

Source : France Stratégie

Prélèvements et consommations en eau selon trois scénarios d'usage

Afin d’estimer les demandes en eau futures en se fondant sur des déterminants[28], puis de les agréger à l’échelle des quarante bassins versants, nous avons eu recours au modèle numérique Strateau[29], développé par le Cerema. Les prélèvements de référence utilisés pour l’année 2020[30] sont principalement extraits de la Banque nationale des prélèvements en eau (BNPE)[31], aux deux exceptions suivantes près : pour l’irrigation, nous avons eu recours à un modèle reposant sur le bilan hydrique[32], et pour l’élevage, nous avons estimé la demande en croisant le nombre d’animaux avec la demande théorique par animal. Les prélèvements en 2050 sont simulés en projetant les évolutions susmentionnées (voir Tableau 1) aux valeurs estimées pour l’année 2020[33]. Ils sont ensuite déterminés mensuellement grâce à l’utilisation d’indicateurs d’activité mensuelle (population, indice de production industrielle, etc.). Les consommations sont obtenues en appliquant un facteur de consommation aux prélèvements[34].

Des prélèvements pour l’énergie qui diminuent quand ceux pour l’agriculture augmentent

Dans ce travail, nous considérons que seule la demande en eau d’irrigation est dépendante des évolutions climatiques (voir Encadré 1). L’ensemble des résultats présentés par la suite, sans spécifications contraires, est obtenu dans le cas le plus défavorable étudié, c’est-à-dire pour un printemps-été sec et avec la projection climatique « violet », caractérisée en fin de siècle par un fort réchauffement futur et de forts contrastes saisonniers en précipitations (voir Encadré 1). Entre 2020 et 2050, les prélèvements totaux stagnent (+ 1 %) dans le scénario tendanciel et diminuent de 24 % et 47 % dans les scénarios politiques publiques et de rupture, respectivement (voir Figure 2). Avec la projection « jaune », caractérisée en fin de siècle par des changements futurs relativement peu marqués, les prélèvements diminuent dans tous les scénarios : - 22 % dans le scénario tendanciel, – 41 % dans le scénario politiques publiques et – 59 % dans le scénario de rupture.

Afin de prendre en compte l’incertitude consubstantielle aux projections climatiques, deux projections réalisées à l’échelle de la France métropolitaine, sous le scénario d’émissions mondiales de gaz à effet de serre RCP 8.5[35], décrites dans l’étude Explore2[36], ont été retenues. Ces projections sont considérées comme équiprobables par les experts. L’une, appelée dans l’étude Explore2 « jaune », est caractérisée en fin de siècle par des changements futurs relativement peu marqués, et l’autre, appelée « violet », est caractérisée par un fort réchauffement futur et de forts contrastes saisonniers en précipitations. La différence entre ces projections porte non seulement sur le volume de précipitations mais également sur leur répartition spatiale et temporelle.

De plus, pour chaque projection, afin d’intégrer la variabilité interannuelle, nous avons évalué les prélèvements en eau d’irrigation pour deux conditions météorologiques printanières-estivales possibles. Pour ce faire, sur une période de vingt ans autour de l’horizon temporel étudié (c’est-à-dire 2040 à 2060 pour l’horizon 2050), nous avons sélectionné en période printanière-estivale l’année la plus sèche sur l’ensemble des bassins versants (appelée par la suite printemps-été sec) et une autre humide. Pour la projection « jaune », l’écart de pluviométrie par rapport à la médiane autour de l’horizon considéré est de + 47 % pour le printemps-été humide, et de - 28 % pour le printemps-été sec. Pour la projection « violet », cet écart est de + 46 % pour un printemps-été humide et de - 67 % pour un printemps-été sec. Les caractéristiques des climats sélectionnés sont données dans le Tableau 2.

Les prélèvements de l’année 2020 de référence ont été déterminés avec la météo réelle de 2020. Cette année a été particulièrement sèche en période estivale, avec une pluviométrie déficitaire en juillet. Ainsi, en moyenne sur le pays et sur le mois, les précipitations n’atteignaient que 30 % des valeurs normales[37]. Les précipitations se sont élevées à 322 mm entre mai et septembre, contre 442 mm en 2021 et 277 mm en 2022 qui a été une année très sèche.

Entre 2020 et 2050, dans le cas le plus défavorable, c’est-à-dire avec la projection climatique « violet » et pour un printemps-été sec, l’augmentation de la demande en eau d’irrigation pourrait atteindre 161 % dans le scénario tendanciel, 107 % dans le scénario politiques publiques et 42 % dans le scénario de rupture (voir valeurs maximales obtenues avec la projection « violet » sur la Figure 1).

Caractéristiques des climats sélectionnés

Note : la projection « jaune » correspond à des changements futurs relativement peu marqués et la projection « violet » à un fort réchauffement futur et à de forts contrastes saisonniers en précipitations (voir l'étude Explore2 à horizon 2100). Dans Drias Climat, les moyennes journalières sont calculées sur l’ensemble des points de la grille Safran de France métropolitaine. Nous avons calculé la moyenne journalière à l’échelle de la France métropolitaine. Puis, nous avons extrait sur l’année les valeurs minimales, maximales et médianes.

Source : calculs France Stratégie, d’après les données DRIAS Climat, voir le portail « Drias Les futurs du climat ».

Prélèvements annuels pour l’irrigation des cultures dans les trois scénarios d’usage en fonction de la projection climatique et de la pluviométrie au printemps-été

Note : une fourchette de prélèvements est présentée en fonction de  la pluviométrie printanière-estivale :  la valeur basse correspond à un printemps-été humide et la valeur haute  à un printemps-été sec. Deux projections climatiques ont été testées :  « jaune » et « violet ».  

Lecture : en 2050, pour un printemps-été sec et avec la projection « violet », les prélèvements atteindraient 9 200 millions de mètres cubes dans le scénario tendanciel et 5 000 millions de mètres cubes dans le scénario de rupture. 

Source : France Stratégie

Prélèvements totaux annuels en 2020 et en 2050 dans les trois scénarios d’usage

Note : l’année 2020 est obtenue avec la météo réelle 2020 ; les résultats en 2050 avec la projection climatique « violet ». En pointillé, le volume d’irrigation prélevé  qui aurait été obtenu dans chaque scénario avec la météo de 2020. 

Lecture : en 2050, dans le scénario de rupture les prélèvements totaux s’élèveraient à 16 400 millions de mètres cubes et l’irrigation y contribuerait à hauteur de 31 %  (5 000 millions de mètres cubes). Avec la météo de 2020, on aurait obtenu des prélèvements pour l’irrigation de 2 900 millions de mètres cubes.

Source : France Stratégie

Par rapport à 2020, le poids des différents secteurs dans les prélèvements change. Alors que l’énergie représentait le premier préleveur en 2020, en 2050 − quel que soit le scénario − l’agriculture devient le premier préleveur avec environ un tiers des prélèvements.

Concernant l’énergie, les trois scénarios montrent une diminution importante des prélèvements en 2050. L’arrêt des centrales nucléaires ayant atteint leur limite d’âge[38], hypothèse commune aux trois scénarios, conduit à une diminution de près de 5 600 millions de mètres cubes, soit plus d’un tiers des prélèvements pour l’énergie et environ un sixième des prélèvements tous secteurs confondus. Cela est lié au fait que les quatre réacteurs arrêtés en 2050 (deux au Bugey et deux à Tricastin) sont équipés d’un circuit de refroidissement ouvert qui prélève environ vingt fois plus d’eau qu’un circuit fermé.

En plus de ces arrêts, le scénario politiques publiques prévoit la transformation en circuit fermé de quatre réacteurs en circuit ouvert encore en fonctionnement (deux à Saint-Alban et deux à Tricastin). Cela conduit à une diminution des prélèvements d’environ 5700 millions de mètres cubes dans les bassins versants du Rhône amont et du Rhône aval, soit une diminution de 75 % tous usages confondus par rapport aux prélèvements de 2020 dans ces deux bassins versants.

Concernant l’irrigation, dans tous les scénarios les prélèvements croissent entre 2020 et une année 2050 présentant un printemps-été sec[39]. Cette croissance est en partie liée aux évolutions climatiques. En effet, lorsque l’on simule les trois scénarios d’usage à horizon 2050 avec la météo observée l’année 2020, les prélèvements sont alors inférieurs d’environ 40 %, et dans le scénario de rupture ils sont inférieurs à leur valeur de 2020 (voir Figure 2).

Outre le climat, l’évolution des surfaces des différentes cultures et de leur équipement en irrigation ainsi que le développement des pratiques agroécologiques[40] jouent un rôle crucial dans la demande en eau d’irrigation. Seul le scénario de rupture − qui, à la différence des autres scénarios, prévoit une croissance contenue des surfaces équipées en irrigation (+ 12 % entre 2020 et 2050, contre + 50 % dans les autres scénarios) et un développement de l’agroécologie sur la totalité des surfaces (contre 50 % dans le scénario politiques publiques) − se caractérise par une croissance limitée de la demande en eau d’irrigation (+ 42 % par rapport à 2020).

Des prélèvements qui se concentrent pendant les mois les plus chauds 

La diminution de la part de l’énergie et l’augmentation de la part de l’irrigation dans les prélèvements totaux ont pour corollaire un changement dans la répartition mensuelle de ces prélèvements. En effet, les prélèvements pour l’irrigation se concentrent pendant les mois les plus chauds de l’année (voir Figure 3). Ainsi, à l’horizon 2050, dans tous les scénarios étudiés, environ 55 % des prélèvements totaux annuels pourraient être réalisés entre les mois de mai et de septembre, contre 41 % en 2020.

Les prélèvements cumulés entre les mois de mai et de septembre pourraient fortement augmenter entre 2020 et 2050. Ainsi, le scénario politiques publiques présente en 2050 des prélèvements moindres par rapport à 2020 sur l’ensemble de l’année (- 24 %), mais légèrement supérieurs (+ 2 %) entre les mois de mai et septembre (voir Figure 4).

Le rôle des retenues de substitution pour réduire les prélèvements entre les mois de mai et de septembre apparaît modéré. Dans le scénario politiques publiques, en 2050, à l’échelle de la France métropolitaine, ces retenues permettent de réduire les prélèvements de 2 %. Dans le bassin versant de la Charente, plus de trente retenues sont construites, permettant d’atteindre un volume de stockage total de plus de 10 millions de mètres cubes. On constate alors que la réduction de prélèvements par rapport à un scénario sans retenues, en périodes printanière et estivale n’est que de 6,8 %[41].

Prélèvements mensuels en 2050 pour un printemps-été sec

Note : l’année 2020 est obtenue avec la météo réelle 2020 ;  les résultats en 2050 avec la  projection climatique « violet ».

Lecture : en 2050, dans le scénario politiques publiques, les  prélèvements totaux pourraient  atteindre 3 400 millions de mètres cubes en juillet, l’irrigation y  contribuant pour près de 66 %.  En 2020, les prélèvements totaux  en juillet s’élèvent à 3 200 millions de mètres cubes.

 Source : France Stratégie

Prélèvements cumulés entre les mois de mai et de septembre dans les trois scénarios d’usage

Note : l’année 2020 est obtenue  avec la météo réelle 2020 ; les  résultats en 2050 avec la projection climatique « violet ». 

Lecture : en 2050, dans le scénario de rupture, les prélèvements  entre les mois de mai et de septembre s’élèveraient à 8 700 millions de mètres cubes (16 400 millions de mètres cubes sur l’année), tandis qu’ils atteindraient  17 100 millions de mètres cubes  (31 100 millions de mètres cubes  sur l’année) dans le scénario tendanciel.  

Source : France Stratégie

Des évolutions de prélèvements qui varient selon les territoires 

Dans nos différents scénarios d’usage, les évolutions de prélèvements ne seront pas uniformes sur le territoire : certains bassins versants présenteront des baisses quand d’autres afficheront des hausses (voir Carte 2 page suivante). De façon générale, on observe entre 2020 et 2050 pour un printemps-été sec et avec la projection « violet » :

  • dans les scénarios tendanciel et politiques publiques, une augmentation de plus de 50 % des prélèvements dans de nombreux bassins versants du sud-ouest de la France hexagonale. Ces augmentations sont largement expliquées par celle de la demande en irrigation qui fait plus que doubler ;
  • dans tous les scénarios, à des degrés variables, une diminution des prélèvements dans plusieurs bassins versants de la moitié est de la France hexagonale, notamment dans la vallée du Rhône où les prélèvements sont actuellement très élevés[42]. Ces diminutions sont largement expliquées par une baisse des prélèvements du secteur énergétique avec l’arrêt de centrales nucléaires arrivant en fin de vie et la transformation de circuits de refroidissement ouverts en circuits fermés dans le scénario politiques publiques.

Dans le scénario tendanciel, les prélèvements font plus que doubler dans deux bassins versants : Adour et fleuves côtiers du sud de la Loire. Ces augmentations sont essentiellement expliquées par celle des prélèvements pour l’irrigation, notamment du maïs et du soja. Dans le scénario politiques publiques, les prélèvements sont moindres. Plus particulièrement, dans la vallée du Rhône, malgré la construction de deux EPR, les prélèvements sont divisés par deux en raison de la modernisation des circuits de refroidissement des centrales en fonctionnement et de l’arrêt des centrales de plus de 70 ans. Dans le scénario de rupture, les prélèvements diminuent dans les trois quarts des bassins versants de France métropolitaine.

Seul le scénario de rupture permet de contenir les consommations en eau dans le cas d’un printemps-été sec 

Les consommations représentent les parts des prélèvements qui ne sont pas directement restituées au milieu du fait de l’évaporation, de l’évapotranspiration et de l’incorporation dans les produits industriels.

Pour un printemps-été sec avec la projection climatique « violet », on constate que par rapport à 2020 les consommations totales augmentent dans tous les scénarios : + 102 % dans le scénario tendanciel, + 72 % dans le scénario politiques publiques et + 10 % dans le scénario de rupture (voir Figure 5). Pour un printemps-été sec avec la projection « jaune », les consommations augmentent de 40 % dans le scénario tendanciel et de 24 % dans le scénario politiques publiques, tandis qu’elles diminuent de 22 % dans le scénario de rupture.

Consommations totales annuelles en 2020 et en 2050 pour un printemps-été sec dans les trois scénarios d’usage

Note : l’année 2020 est obtenue avec la météo réelle 2020 ; les résultats en 2050 avec la projection climatique « violet ». En pointillé, le volume d’irrigation prélevé  qui aurait été obtenu dans chaque scénario avec la météo de 2020.  

Lecture : en 2050, dans le scénario de rupture les prélèvements totaux s’élèveraient à 16 400 millions de mètres cubes et l’irrigation y contribuerait à hauteur de 31 %  (5 000 millions de mètres cubes). Avec la météo de 2020, on aurait obtenu des prélèvements pour l’irrigation de 2 900 millions de mètres cubes. 

Source : France Stratégie

Carte des évolutions des prélèvements annuels  entre 2020 et 2050

Note : les carrés sont proportionnels aux prélèvements en 2020. Ces derniers varient de 39 millions de mètres cubes dans le bassin versant des fleuves côtiers Artois à 7 300 millions de mètres cubes dans le bassin versant du Rhône aval. L’année 2020 est obtenue avec la météo réelle 2020 ; les résultats en 2050 avec la projection climatique « violet ». 

Lecture : en 2050, dans le scénario politiques publiques, les prélèvements totaux augmenteraient de plus de 100 % dans le bassin versant de l’Adour (frontières en gras sur la carte), tandis que l’augmentation serait inférieure à 50 % dans le scénario de rupture. 

Source : France Stratégie

Comme les consommations totales sont essentiellement liées aux consommations de l’irrigation, elles se concentrent au printemps et en été. Ainsi, en 2050, selon le scénario, de 84 % à 89 % des consommations ont lieu entre les mois de mai et de septembre, contre 75 % pour l’année 2020 (voir Figure 6).

Consommations mensuelles en 2050 dans le scénario politiques publiques

Note : l’année 2020 est obtenue avec la météo réelle 2020 ; les résultats en 2050 avec la projection climatique « violet ». 

Lecture : en 2050, dans le scénario politiques publiques, les consommations totales pourraient atteindre plus de 2 200 millions de m3  en juillet, l’agriculture y contribuant à 90 %. En 2020, les consommations totales s’élevaient à 1 500 millions de m3  en juillet. 

Source : France Stratégie

Des consommations multipliées par deux dans certains territoires dans le cas d’un printemps-été sec 

L’évolution des consommations varie largement entre les bassins versants et entre les scénarios (voir Carte 3 page suivante).

Entre 2020 et 2050 dans le cas d’un printemps-été sec obtenu avec la projection « violet », dans le scénario tendanciel, du fait notamment de la croissance de la demande pour l'irrigation, les consommations augmentent drastiquement (multiplication supérieure à trois par rapport à 2020) dans les bassins versants de l’Escaut (irrigation de la pomme de terre et des légumes d’industrie) (voir Encadré 2) et de l’Adour (irrigation du maïs et du soja).

Dans le scénario politiques publiques, les augmentations sont inférieures à celles observées dans le scénario tendanciel, excepté dans les bassins versants du Rhône amont, de la Durance et de la Corse. Dans le bassin versant du Rhône amont, cela est lié à la production nucléaire. En effet, d’une part, sur le site de Saint-Alban, les circuits de refroidissement ouverts sont remplacés par des circuits fermés[43], et, d’autre part, sur le site du Bugey, une paire d’EPR en circuit fermé vient se substituer en partie à d’anciens réacteurs en circuit ouvert[44]. Or les circuits de refroidissement fermés consomment plus d’eau que les circuits ouverts. Dans les bassins versants de la Durance et de la Corse, les consommations augmentent du fait du développement des cultures maraîchères et fruitières.

Carte 3 − Évolution des consommations annuelles  entre 2020 et 2050 dans les trois scénarios d’usage pour un printemps-été sec, en pourcentage

Note : les carrés sont proportionnels aux consommations en 2020. Ces dernières varient de 9 millions de mètres cubes dans le bassin versant des fleuves côtiers Artois à 570 millions de mètres cubes dans le bassin versant Rhône aval. L’année 2020 est obtenue avec la météo réelle 2020 ; les résultats en 2050 avec la projection climatique « violet ». 

Lecture : en 2050, dans le scénario tendanciel, les consommations augmenteraient de plus de 200 % dans le bassin versant de l’Adour (frontières en gras sur la carte). 

Source : France Stratégie

Dans le scénario de rupture, en raison d’une demande en irrigation contenue et d’une production nucléaire moindre, les consommations annuelles diminuent dans certains bassins versants, notamment dans la vallée du Rhône. Dans les bassins versants des fleuves côtiers bretons, des fleuves côtiers normands et de la Vilaine, la baisse des consommations annuelles[45] est largement expliquée par la baisse de l’élevage (abreuvement et nettoyage des bâtiments), couplée à une baisse de la demande du secteur résidentiel.

Par comparaison avec la projection climatique « violet », les augmentations de consommations entre 2020 et 2050 sont moindres avec la projection « jaune » dans les trois scénarios d’usage. Ainsi, dans le scénario politiques publiques, elles sont d’environ 80 % au maximum et ce dans deux bassins versants (la Loire aval et les fleuves côtiers du sud de la Loire) et elles sont inférieures à 50 % dans la majorité des bassins versants.

En plus d’affecter les usages en aval, l’augmentation des consommations en période estivale que nous observons en 2050 pourrait durablement perturber le fonctionnement des écosystèmes aquatiques, dont le maintien nécessite un certain débit.

Dans le bassin versant du Rhône aval, entre 2020 et 2050 les prélèvements diminuent dans tous les scénarios, et plus particulièrement dans les scénarios politiques publiques (- 75 %) et de rupture (- 86 %). Cette diminution est essentiellement due à une baisse des prélèvements pour l’énergie. Dans le scénario tendanciel, les prélèvements pour l’énergie diminuent de moitié en raison de l’arrêt de deux réacteurs possédant des circuits de refroidissement ouverts. Dans le scénario politiques publiques, les centrales nucléaires encore en activité en 2050 possèdent toutes des circuits de refroidissement fermés. Dans le scénario de rupture, il n’y a plus de centrale nucléaire en fonctionnement dans ce bassin versant. Le profil des consommations diffère largement de celui des prélèvements. Ainsi, à la différence des prélèvements, les consommations augmentent respectivement de 4 % et 10 % dans les scénarios tendanciel et politiques publiques, en raison notamment d’une consommation accrue de l’irrigation (voir Figure 7).

Dans le bassin versant de l’Escaut, situé dans le nord de la France, entre 2020 et 2050 les prélèvements croissent dans les scénarios tendanciel (+ 57 %) et politiques publiques (+ 16 %), tandis qu’ils diminuent dans le scénario de rupture (- 13 %), notamment du fait de la baisse de la demande du secteur résidentiel (voir Figure 8).

L’augmentation de la demande en irrigation, en particulier de la pomme de terre et des légumes d’industrie, se traduit par des augmentations des consommations. La croissance des consommations totales varie sur ce bassin versant entre 20 % (scénario de rupture) et 270 % (scénario tendanciel).

Évolution des prélèvements et des consommations dans le bassin versant du Rhône aval

Note : l’année 2020 est obtenue avec la météo réelle 2020 ; les résultats en 2050 avec la projection climatique « violet ». 

Lecture : en 2050, dans le bassin versant du Rhône aval, dans le scénario tendanciel les prélèvements s’élèveraient à 4 200 millions de mètres cubes 

et les consommations à 600 millions de mètres cubes. 

Source : France Stratégie

Évolution des prélèvements et des consommations dans le bassin versant de l’Escaut

Note : l’année 2020 est obtenue avec la météo réelle 2020 ; les résultats en 2050 avec la projection climatique « violet ». 

Lecture : en 2050, dans le bassin versant du Rhône aval, dans le scénario tendanciel les prélèvements s’élèveraient à 4 200 millions de mètres cubes et les consommations à 600 millions de mètres cubes. 

Source : France Stratégie

Conclusion

Entre 2020 et 2050, dans le cas le plus défavorable étudié (printemps-été sec et projection climatique « violet »), les prélèvements annuels en eau pourraient se stabiliser (scénario tendanciel) ou diminuer (scénarios politiques publiques ou de rupture), en raison de l’arrêt des centrales nucléaires les plus anciennes et de la modernisation des circuits de refroidissement des centrales encore en activité. Cette diminution des prélèvements sera toutefois très concentrée dans la vallée du Rhône. Dans le reste du territoire, quelle que soit la projection climatique utilisée, dans le cas d’un printemps-été sec, les prélèvements devraient augmenter pour satisfaire la demande en irrigation. Cela conduira à une modification de la répartition des prélèvements sur l’année, avec une concentration de ces derniers en été lorsque la ressource en eau est au plus bas dans les nappes alluviales et les rivières. 

À la différence des prélèvements, dans le cas d’un printemps-été sec et avec la projection climatique « violet », les consommations augmenteraient dans tous les scénarios. Avec la projection climatique « jaune », les consommations augmenteraient également dans les scénarios tendanciel et politiques publiques mais diminueraient dans le scénario de rupture. 

Les augmentations des consommations sont étroitement liées à la hausse des prélèvements pour l’irrigation. En effet, l’eau prélevée pour l’irrigation est majoritairement consommée car elle est évapotranspirée par les plantes. L’amplification des pratiques agroécologiques combinées à une régulation du développement des surfaces irriguées permettrait néanmoins de limiter cette croissance. Localement, la transformation des circuits de refroidissement ouverts en circuits fermés et l’implantation de nouvelles centrales nucléaires en circuit fermé, plus puissantes que les centrales de génération antérieure, s’accompagneront d’une augmentation des consommations due à une évaporation accrue de l’eau utilisée dans les circuits de refroidissement. Ces résultats augurent de potentiels conflits d’usage dans certains bassins versants, notamment en période estivale. Une prochaine publication de France Stratégie aura pour objectif de quantifier ces tensions entre la ressource potentiellement disponible et la demande d’eau.

[1] Celle qui se renouvelle à travers le cycle de l’eau. 

[2] Marson P., Corre L., Soubeyroux J.-M., Sauquet E., Robin Y., Vrac M. et Dubois C. (2024), Explore2 – Rapport de synthèse sur les projections climatiques régionalisées, Météo-France, Inrae, Institut Pierre-Simon-Laplace. 

[3] Belle-Larant F., Bouvart C., Claeys G., Fotso R., Gérardin M. et Zbalah N. (2024), Réindustrialisation de la France à horizon 2035 : besoins, contraintes et effets potentiels, Document de travail, France Stratégie, juillet ; Ademe (2021), Transition(s) 2050. Choisir maintenant. Agir pour le climat, éd. Ademe, 687 pages ; Piren-Seine (2024), « Fiche 1. Deux scénarios alternatifs à l’effondrement » ; France Stratégie et Dares (2022), Les métiers en 2030, Rapport du groupe Prospective des métiers et qualifications, mars. 

[4] Arambourou H., Ferrière S. et Oliu-Barton M. (2024), « Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ? », La Note d’analyse, n° 136, France Stratégie, avril. 

[5] Par exemple, les données du recensement général agricole sont disponibles tous les dix ans. Les dernières années disponibles sont 2010 et 2020. 

[6] À titre d’exemple, d’après la BNPE (Banque nationale des prélèvements en eau), la variation entre les années 2019 et 2020 est de : + 2 % pour la production d’eau potable, - 6 % pour l’industrie et le tertiaire, + 11 % pour l’irrigation (les prélèvements sont étroitement dépendants des conditions météorologiques de l’année considérée), - 8 % pour la production d’énergie (notamment du fait de la fermeture de la centrale de Fessenheim mi-2020) et + 2 % pour l’alimentation des canaux. 

[7] Pour une description des résultats à l’horizon 2030, voir Arambourou H. et Ferrière S. (2025), La demande en eau. Prospective territorialisée à l’horizon 2050, Rapport, France Stratégie, janvier. 

[8] Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt (2014), Le plan protéines végétales pour la France 2014-2020, décembre.

[9] Ces hypothèses s’appuient sur une analyse des tendances passées : Agreste (2023), « Statistique agricole annuelle par région administrative : séries 2010-2022 », SSP, Ministère en charge de l’agriculture. 

[10] Depuis trois ans, la croissance annuelle du bio ralentit. Plus particulièrement, les conversions diminuent (- 1,5 % entre 2021 et 2020, - 24,1 % entre 2022 et 2021 et - 30,0 % entre 2023 et 2022). Voir Agence Bio (2024), « Observatoire de la production bio nationale ». 

[11] L’agroécologie regroupe ici différentes pratiques : l’agriculture biologique, l’agroforesterie et la limitation du travail du sol, par exemple. 

[12] Voir à ce sujet Arambourou H., Ferrière S. et Oliu-Barton M. (2024), « Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ? », op. cit. 

[13] Cette baisse structurelle est liée à une moindre disponibilité du parc du fait d’opérations de maintenance de plus en plus fréquentes liées à son vieillissement. Voir les données de production de RTE. 

[14] Selon l’ASN, les centrales nucléaires françaises pourraient être prolongées au-delà de 60 ans, et jusqu’à 80 ans. Une hypothèse médiane de 70 ans a été retenue après échange avec des experts. 

[15] C’est-à-dire les centrales utilisant du charbon, du gaz, du fioul ou de la biomasse. 

[16] Dans ce périmètre, en plus de l’industrie manufacturière et extractive, nous avons intégré le traitement de l’eau, le traitement des déchets et la construction. 

[17] Ces hypothèses sont reprises du scénario Omphale bas de l’Insee : Insee (2025), « Projections de population », janvier. 

[18] La SNBC est en cours d’instruction. Par conséquent, les hypothèses utilisées dans cette étude pourront être différentes de celles de la version finale de la SNBC 3. 

[19] Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (2020), « Lancement de la stratégie nationale en faveur du développement des protéines végétales », communiqué de presse, décembre.

[20] Il s’agit d’une hypothèse de cette étude, aucune annonce à ce sujet n’a été faite. Seuls les EPR du site du Bugey ont été annoncés. 

[21] Les circuits ouverts prélèvent jusqu’à vingt fois plus d’eau que les circuits fermés, mais ils en restituent la grande majorité aux milieux naturels, ce qui conduit à une moindre consommation. 

[22] Académie des technologies (2023), Apports des technologies en réponse aux besoins en eau douce en France, dans le contexte du changement climatique, rapport de l’Académie, juin. 

[23] Décret n° 2024-33 du 24 janvier 2024 relatif aux eaux réutilisées dans les entreprises du secteur alimentaire et portant diverses dispositions relatives à la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine. 

[24] Ces hypothèses sont reprises du scénario Omphale central de l’Insee : Insee (2025), « Projections de population », op. cit. 

[25] Ademe (2021), Transition(s) 2050. Choisir maintenant. Agir pour le climat, op. cit. 

[26] Nous considérons que seules les centrales situées en bord de rivière prélèvent de l’eau douce. 

[27]. Cela est directement inspiré du scénario des villes en leur bassin : Piren-Seine (2024), « Fiche 1. Deux scénarios alternatifs à l’effondrement », op. cit

[28] Les déterminants sont, par exemple, les surfaces des cultures, le taux d’irrigation de chaque culture, la production nucléaire, l’activité industrielle. 

[29] Maugis P., Valadier F. et Piqueras U. (2015), Strateau, un nouvel outil de prospective sur les tensions sur l’eau. Application à la reconstitution des usages de l’eau en France métropolitaine, congrès SHF « Water tensions in Europe and in the Mediterranean: water crisis by 2050? », Paris-Marne-la-Vallée, 8-9 octobre. 

[30] Arambourou H., Ferrière S. et Oliu-Barton M. (2024), « Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ? », op. cit. 

[31] BNPE (2024), « Données sur les prélèvements en eau », mise à jour en juin. 

[32] Savva A. P. et Frenken K. (2002), Irrigation Manual Module 4. Crop Water Requirements and Irrigation Scheduling, guide de la FAO. 

[33] Pour une description complète de la méthode, voir Arambourou H. et Ferrière S. (2025), La demande en eau. Prospective territorialisée à l’horizon 2050, Rapport, France Stratégie, janvier. 

[34] Arambourou H., Ferrière S. et Oliu-Barton M. (2024), « Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ? », op. cit. 

[35] Les scénarios RCP sont quatre scénarios de forçage radiatif établis par le GIEC dans le cadre de son cinquième rapport d’évaluation. Les scénarios sont nommés d’après le forçage radiatif obtenu en 2100. Ainsi, le scénario RCP 8.5 correspond à un forçage de + 8,5 W/m², le forçage (et donc le réchauffement) le plus élevé des quatre scénarios (trajectoire croissante tendancielle des émissions de gaz à effet de serre).

[36]. Marson P., Corre L., Soubeyroux J.-M., Sauquet E., Robin Y., Vrac M. et Dubois C. (2024), Explore2 – Rapport de synthèse sur les projections climatiques régionalisées, op. cit.

[37] Météo-France (2021), « Bilan climatique de l’année 2020 sur la France métropolitaine. Au 1er rang des années les plus chaudes en France depuis le début du XXe siècle », mars.

[38] Fixé dans ce travail à 70 ans. 

[39] Cette estimation est une valeur maximale, elle ne tient pas compte des plafonds liés aux autorisations de prélèvements ni à une croissance des arrêtés sécheresse. 

[40] Les pratiques agroécologiques permettent notamment de favoriser le stockage d’eau dans les sols et donc de diminuer les apports en eau d’irrigation.

[41] En cas d’hiver sec, les retenues pourraient ne pas être totalement remplies, leur contribution serait alors plus faible.

[42] Alors que la quantité d’eau qui coule dans le Rhône chaque année est d’environ 55 milliards de mètres cubes, les centrales nucléaires y prélèvent environ 11 milliards, soit près d’un cinquième des volumes.

[43] Bien que la transformation des circuits ouverts en circuits fermés diminue fortement les prélèvements, elle conduit à une augmentation des consommations.

[44] Sur ce site en 2020, il y a quatre réacteurs : deux en circuit fermé et deux en circuit ouvert. La nouvelle paire d’EPR, d’une puissance totale de 3 400 mégawatts, permet de remplacer en termes de production d’électricité les deux paires existantes, d’une puissance totale de 3 600 mégawatts.

[45] Il s’agit de consommations annuelles. À certaines périodes de l’année des tensions peuvent apparaître.

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Arambourou, H., & Ferrière, S. (2025). Quelle évolution de la demande en eau d’ici 2050 ? La Note d’analyse, (148), France Stratégie.
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Arambourou, H., et Ferrière, S.. Quelle évolution de la demande en eau d’ici 2050 ? La Note d’analyse, no. 148, France Stratégie, janv. 2025.
ISO 690
ARAMBOUROU, H. et FERRIÈRE, S., 2025. Quelle évolution de la demande en eau d’ici 2050 ? La Note d’analyse. Janvier, n° 148. France Stratégie.

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