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Rapport annuel
Publié le
Mardi 11 Mai 2021
Institution autonome placée auprès du Premier ministre, France Stratégie a pour mission d’apporter des éclairages sur les enjeux actuels et futurs, d’élaborer des propositions pertinentes et de produire des évaluations de politiques publiques. En 2020, France Stratégie a proposé des analyses rigoureuses et actualisées sur les grands sujets qui ont marqué l’année et qui façonneront les années à venir. Ses publications s’adressent aux pouvoirs publics, à la société civile et aux citoyens.
Rapport d’activité 2020 de France Stratégie

Consulter le rapport d'activité 2020

« Une année hors norme », entretien avec Gilles de Margerie, commissaire général, et Cédric Audenis, commissaire général adjoint.

 

Comment France Stratégie a-t-elle été impactée par la crise sanitaire ?

Gilles de Margerie : Même si France Stratégie n’a pas été en première ligne sur les questions sanitaires, la période de crise a conduit à de nombreuses interrogations sur l’avenir. Ces interrogations, une institution comme  la nôtre ne pouvait pas les ignorer. Nos missions consistent en effet à éclairer le futur et faire des propositions de politiques publiques. L’année 2020 a été marquée par une forte demande d’analyses et de prospectives ainsi que par une participation accrue à la réflexion collective sur « le monde d’après » de la part de nos concitoyens. Nous nous sommes efforcés d’y répondre.

Comment avez-vous répondu concrètement à cette demande ?

G. de M. : D’abord en réorganisant notre séminaire sur les soutenabilités lancé début 2020, dont le projet était, et reste, d’interroger notre modèle de développement face aux défis à long terme, notamment environnementaux. Nous avons en particulier lancé un appel à contribution autour de la question d’un « après-Covid soutenable ». France Stratégie a ainsi pris le pouls de nombreux acteurs sociaux dont nous avons synthétisé et publié les réflexions collectives. Les six webconférences qui ont suivi ont, chaque fois, réuni des centaines d’internautes.

Ensuite, nous avons produit un certain nombre d’études permettant de porter un regard nouveau sur des sujets directement liés à la crise. Je pense ici à deux cartographies originales : l’une des métiers et l’autre des zones d’emploi les plus vulnérables face à la crise. Nous avons également été parmi les premiers à approfondir la question de la sécurité d’approvisionnement en électricité.

Cédric Audenis : La crise sanitaire a ainsi imposé une adaptation de notre programme de travail. France Stratégie est une maison qui propose des analyses à moyen terme, avec des travaux qui s’échelonnent sur six mois ou un an. Nous avons donc dû trouver un dosage fin entre la poursuite des projets déjà engagés – qui n’ont rien perdu de leur pertinence avec la pandémie – et l’intérêt nouveau pour des enjeux amplifiés par la crise.

Quelle audience les publications ont-elles rencontré dans ce contexte ?

G. de M. : Nous avons constaté un très grand intérêt des publics pour le type de réflexions que nous proposons. La fréquentation de notre site a augmenté de 20 % par rapport à l’année précédente et le téléchargement de nos publications a crû de plus de 30 %. En ce sens, 2020 a été pour France Stratégie une année hors norme. Cela traduit bien sûr le fait que le regard du public s’est tourné, durant cette période particulière, vers le genre de sujets que nous traitons, mais aussi que nous avons su répondre à ses attentes.

Et en interne, quel impact la crise a-t-elle eu sur votre organisation ?

C. A. : Comme pour beaucoup d’organisations, la productivité de France Stratégie a été affectée par la crise, mais à la hausse : le nombre de publications et de séminaires n’a pas baissé, bien au contraire ! Nous avons réussi à mener à bien nos projets tout en adaptant notre manière de travailler. Nous avons, par exemple, (ré)organisé nos séminaires en ligne. Et, paradoxalement, l’usage des visioconférences a été bénéfique, car il nous a permis d’atteindre de nouveaux publics et des niveaux d’audience sans précédent.

Nous avons aussi, au-delà des périodes de confinement strict, favorisé le télétravail majoritaire. Si cette organisation collective a été plutôt bénéfique, nous avons cependant perdu sur un point : la force de France Stratégie repose en effet pour beaucoup sur les échanges entre experts de différents horizons – spécialistes de l’environnement, de l’économie, du travail, des politiques  sociales –, y compris sur les échanges informels, en marge des réunions ou devant la machine à café !

L’évaluation a-t-elle continué de monter en charge en 2020 ?

C. A. : On peut dire que l’année 2020 a confirmé encore une fois le rôle majeur de France Stratégie dans le domaine de l’évaluation en France. Un huitième comité d’évaluation nous a été confié en mai, conjointement avec l’IGF. Présidé par Benoît Cœuré, il est chargé du suivi de la mise en œuvre et de l’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19.

Par ailleurs la quasi-totalité des comités pilotés par France Stratégie ont produit un rapport en 2020, avec beaucoup d’échos pour certains, en particulier le deuxième rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, ou encore l’approfondissement des travaux d’évaluation du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

Nous avons également commencé à intégrer les effets de la crise sanitaire et économique dans certains travaux d’évaluation, notamment ceux sur les ordonnances Travail et sur la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le comité d’évaluation, présidé par Louis Schweitzer, a publié une note d’étape sur la situation des plus démunis face à la crise : difficultés en matière de subsistance, de santé ou encore d’accès à l’éducation à distance durant le confinement.

En dehors de l’évaluation, quels ont été les sujets ou propositions phares de l’année écoulée ?

G. de M. : Nos missions d’évaluation et de proposition sont en fait liées : « évaluer » nous aide à mieux contribuer au débat en nous rapprochant de la mise en œuvre des politiques publiques. Le rapport réalisé à la demande de l’Assemblée nationale sur les politiques industrielles en témoigne. Il s’agit d’une vision rétrospective des politiques industrielles en France sur les dernières décennies. Ce rapport est arrivé à point nommé, car il y a eu, avec la crise, un renouveau des questions industrielles : beaucoup d’interrogations, par exemple, sur la souveraineté industrielle et « l’indépendance sanitaire » de notre pays. Cette somme – on parle de 600 pages ! – sur la politique industrielle en France est un très bon outil sur lequel capitaliser pour élaborer des propositions de politiques publiques.

Sur un autre sujet, les inégalités, je souhaiterais mentionner le travail très fouillé qui a été fait sur la ségrégation résidentielle et la mixité sociale au cours des trente dernières années. Nous avons également montré que, si les inégalités en France après redistribution sont plutôt plus faibles qu’ailleurs en Europe, c’est aussi vrai pour les inégalités avant redistribution. Autant d’études qui peuvent alimenter le débat public et rebattre parfois des idées fausses ou convenues.

C. A. : Nous avons aussi fait des propositions pour accélérer la rénovation énergétique des logements et pour favoriser la transition vers l’agroécologie qui auront peut-être le même succès que le « malus au poids » des voitures, une proposition portée par France Stratégie en 2019, adoptée à l’Assemblée nationale en novembre 2020.

Comment travaillez-vous avec le Haut-Commissaire au Plan, François Bayrou ?

G. de M. : Dès sa prise de fonction, François Bayrou est venu rencontrer le comité de direction de France Stratégie puisqu’il est prévu qu’il dispose de notre concours. Il a exprimé la volonté d’aborder un certain nombre de thèmes et, très vite, nous avons proposé de lui fournir des éléments sur une grande partie d’entre eux. Nous apportons des éléments d’analyse, de propositions et de réflexions, mais naturellement la responsabilité éditoriale et politique de ce qui est publié par le haut-commissaire lui incombe.

Et pour 2021, quels sont les projets ?

C. A. : Concernant l’évaluation, la montée en charge va continuer, car nous devrions hériter de l’évaluation du Plan de relance et, en plus des rapports annuels de chaque comité, nous publierons un rapport de la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (Cnepi) sur le crédit d’impôt recherche.

G. de M. : Parmi les grands projets : l’exercice de prospective Les Métiers en 2030 réalisé avec la Dares sera relancé en 2021. Nous continuerons de travailler sur les inégalités, en nous efforçant de proposer des améliorations de notre système social – un sujet particulièrement important en cette période de crise économique et sociale. Et, bien sûr, nous poursuivrons le séminaire sur les soutenabilités, dont l’objectif est de contribuer à améliorer la fabrique de l’action publique qui doit, de plus en plus, tenir compte en même temps des impératifs sociaux et environnementaux, tout en restant viable, et ce, dans un contexte où nos concitoyens expriment de profondes exigences de renouvellement des pratiques démocratiques.

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