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Note d'analyse
Publié le
Jeudi 29 Novembre 2018
Si les salaires augmentent bien avec l’âge, ce n’est pas dans les mêmes proportions selon qu’on est une femme ou un homme, diplômé ou pas, de la jeune ou de « l’ancienne » génération.
Les salaires augmentent-ils vraiment avec l’âge ?

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Rendement de l’expérience oblige, on tient pour acquis que les salaires augmentent avec l’âge. Une vérité générale qui ne recouvre pas les mêmes réalités selon qu’on est une femme ou un homme, baby-boomer ou génération X, diplômé ou pas. C’est ce que montrent Léa Flamand, Christel Gilles et Alain Trannoy, sur la base d’une vaste étude économétrique mobilisant les données enquêtes Emploi de l’Insee sur près d’un quart de siècle.

Le rendement de l’expérience

Étudier la relation entre âge et salaire au cours du temps nécessite de suivre les carrières salariales des individus sur l’ensemble de leur vie professionnelle et de disposer d’informations utiles les concernant. Les auteurs sont donc partis des données de l’enquête Emploi de l’Insee pour (re)construire huit générations de salariés (à temps complet) nés entre 1935 et 1974, avec leur niveau de salaire net et de diplôme.

Le premier constat des auteurs, sur cette base, est une confirmation : les salaires nets (c’est-à-dire une fois décomptées cotisations sociales, CSG et CRDS) augmentent bien avec l’âge, et au fil des générations. En termes de salaires relatifs en revanche – c'est-à-dire mesurés par rapport au salaire moyen de la génération – le constat qui domine est plutôt celui d’une grande stabilité. « Quelle que soit son année de naissance, un salarié peut en moyenne espérer multiplier son salaire par 1,7 au cours de sa vie professionnelle », estiment les auteurs. Il atteindra le salaire moyen vers 30 ans et le dépassera de 20 % vers 65 ans. Une progression de salaire qui ne concerne évidemment que les seniors encore en emploi, soit la moitié seulement d’entre eux, et surtout les hommes : une femme en fin de carrière gagne en moyenne 110 % du salaire moyen, contre 130 % pour un homme.

Déclassement relatif

À peine un quart des salariés nés entre 1940 et 1944 étaient bacheliers. La moitié des hommes et deux tiers des femmes nées entre 1970 et 1974 le sont. Quels effets cette massification de l’éducation a-t-elle eus sur l’évolution moyenne des salaires ?

Si, toutes générations confondues, les auteurs observent bien un écart de rémunération positif (pour les hommes) au profit des diplômés – d’environ 1 000 euros à 50 ans –, l’analyse en termes relatifs révèle surtout « une baisse du rendement » de ce diplôme au fil des générations, autrement dit une forme de déclassement relatif. La position sur l’échelle des salaires d’une personne ayant au moins le bac s’avère de fait systématiquement moins élevée que celle de la génération précédente, là où la position des peu diplômés sur cette même échelle apparaît stable d’une génération à l’autre. Si l’on tient compte en plus de l’élévation moyenne des salaires au fil de générations, il en ressort que le gain de salaire mesuré entre la génération la plus ancienne et la plus récente est de l’ordre de 20 % pour les non-qualifiés, tandis que les qualifiés affichent en moyenne une petite perte.

Ce déclassement relatif des diplômés est « un phénomène ancien », précisent les auteurs, qui l’associent aux difficultés du système productif à absorber la rapide montée en qualification de la population active. Attention cependant : dans une société où la part des salariés diplômés augmente, le salaire moyen augmente aussi. La baisse du salaire relatif des diplômés est donc en grande partie mécanique. Dans cette perspective, c’est moins le déclassement des diplômés qui semble remarquable que la stabilité des carrières (relatives) des peu diplômés et le resserrement de l’écart de salaire net entre non diplômés et peu diplômés. Une particularité très française, qui pourrait s’expliquer notamment par l’effet protecteur du SMIC. Ce resserrement sur le salaire net ne s’observe d’ailleurs pas sur le coût de travail, compte tenu de la montée en puissance sur les vingt-cinq dernières années des allègements de cotisations sociales sur les bas salaires.

Fin de carrière

Dans le contexte de la réforme des retraites à venir, « la question des salaires perçus par les seniors est aussi complexe que chargée d’enjeux de politiques publiques », soulignent les auteurs. Une considération qui incite à y porter une attention particulière.

Si le taux d’activité des 50-59 ans a considérablement augmenté – de 20 points en 25 ans – sous l’effet des reports successifs de l’âge de la retraite, on continue d’observer une baisse des taux d’emploi aux alentours de 50 ans. Or, cette baisse pourrait refléter « un effet de sélection » dans la mesure où les seniors qui restent en emploi sont ceux qui ont des caractéristiques (niveau de qualification, productivité…) associées à des salaires plus élevés.

Il en résulte que si le marché du travail devait intégrer, sans effort de formation ou de requalification supplémentaire, l’ensemble des seniors actuellement hors de l’emploi, le niveau de salaire moyen des moins diplômés diminuerait très probablement dès leurs 54 ans, là où celui des plus diplômés continuerait d’augmenter jusqu’à leurs 62 ans, estiment les auteurs.

Au final, cette étude présente le mérite d’améliorer la connaissance de la relation entre salaires et âge. Elle confirme aussi l’intérêt d’une stratégie de formation tout au long de la vie, avec un effort accru autour de la cinquantaine.

 

Les opinions exprimées dans cette note engagent leurs auteurs
et n'ont pas vocation à refléter la position du gouvernement

 

Auteurs

Léa Flamand
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