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Note d'analyse
Publié le
Mardi 13 Mars 2018
Plateformes, intérim, services à la personne… la mise en place de tiers dans la relation de travail, si elle comporte un risque de « fragmentation », peut aussi, quand elle est régulée, constituer un levier de sécurisation des parcours professionnels.
Les tiers dans la relation de travail : entre fragmentation et sécurisation de l’emploi

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L’effritement du lien salarial direct entre travailleur et employeur va de pair, depuis les années 1970, avec une intervention croissante de tiers dans les relations de travail. Cette montée de l’intermédiation que Jean-Yves Kerbourc’h et Emmanuelle Prouet qualifient « d’essor des relations de travail triangulaire » recouvre des réalités diverses souvent mal connues. Dans cette note d’analyse, les deux auteurs en proposent une typologie, avec pour objectif d’identifier les moyens d’en faire des « leviers de sécurisation des parcours professionnels ».

Mettre à disposition des salariés

D’abord interdites, les activités d’intermédiaire dans les relations de travail connaissent depuis l’autorisation du travail temporaire (1972) un rythme de création important et « au cas par cas » qui répond à des objectifs hétérogènes. Pour en donner une vue d’ensemble, Jean-Yves Kerbourc’h et Emmanuelle Prouet les ont regroupées dans trois catégories-objectifs.

Première catégorie : « les tiers employeurs pour mettre le salarié à disposition d’un utilisateur ». Tombe dans cette catégorie la forme la plus ancienne de mise à disposition : l’intérim. Avec environ 700 000 salariés en équivalent temps plein en 2017 (soit près de 3 % des salariés), l’intérim, qui répond à un besoin de travail ponctuel, cherche à s’adapter au risque de précarisation, avec, par exemple, la mise en place « d’un contrat à durée indéterminée intérimaire » en 2014.

Autres tiers rangés dans cette catégorie : les structures de services à la personne – 415 000 salariés en 2015 (soit moins de 2 % des salariés) – dont la qualité de tiers employeur est présentée comme devant être « garante d’une professionnalisation de l’emploi » à domicile. Viennent ensuite les groupements d’employeurs. Associations sans but lucratif, ils organisent la co-utilisation de salariés en temps partagé par différents utilisateurs. Très présents dans le secteur agricole, ils réalisent « un travail d’ensemblier » qui, soulignent les auteurs, réduit le risque de sous-emploi : 70 % des salariés embauchés par les groupements sont à temps plein. Enfin, les associations intermédiaires conventionnées par l’État – 16 000 salariés en 2014 – ont un rôle de sécurisation des travailleurs qui tient surtout aux actions de formation et d’accompagnement associées aux contrats aidés.

Donner accès à certains droits du salariat pour les travailleurs autonomes

Jean-Yves Kerbourc’h et Emmanuelle Prouet classent sous cette deuxième catégorie-objectif, « les tiers qui confèrent partiellement la qualité de salarié à un travailleur autonome et ceux qui facilitent le passage du salariat vers un statut d’indépendant ». Parmi les premiers, on trouve notamment les entreprises de portage salarial qui permettent à des travailleurs qualifiés d’exercer dans des conditions proches de celles d’un indépendant tout en bénéficiant d’un contrat de travail, ainsi que les coopératives d’activité et d’emploi qui fournissent un accompagnement et des services mutualisés aux créateurs d’entreprise.

Parmi les tiers qui, eux, ont pour rôle de faciliter le passage vers l’autonomie, on trouve notamment le contrat d’appui au projet d’entreprise (CAPE), qui permet aux créateurs d’entreprise de bénéficier pendant douze mois de l’assurance chômage et de la sécurité sociale. « Alors qu’un droit du travail indépendant aurait pu être imaginé », constatent en effet les auteurs, « c’est le statut du salariat qui reste le modèle de référence retenu par le législateur lorsqu’il souhaite protéger certains travailleurs autonomes ».

Rapprocher l’offre de la demande

Troisième et dernière catégorie de tiers dans la relation de travail : ceux qui facilitent la mise en relation d’un travailleur avec un donneur d’ordres. C’est typiquement « les chasseurs de têtes » et les cabinets d’outplacement pour les salariés, les plateformes pour les indépendants.

Concernant ces dernières, lorsqu’elles servent d’intermédiaire entre le travailleur et un client, la loi du 8 août 2016 leur confère une responsabilité sociale associée à des droits pour les travailleurs. Mais du fait de son champ d’application restreint, beaucoup de plateformes échappent à ces obligations. Or certaines d’entre elles peuvent participer « au développement d’une forme d’externalisation des tâches et de précarisation des conditions de travail ». On pense ici aux plateformes de crowdworking ou microtravail.

En matière de sécurisation des parcours professionnels, on voit donc bien que tous les tiers ne se valent pas. Un constat important si l’on veut prendre en compte de manière éclairée ce « foisonnement des formes juridiques de tiers » dans la réflexion sur les nouvelles frontières du salariat et la protection des actifs.

Céline Mareuge, journaliste web

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Les opinions exprimées dans cette note engagent leurs auteurs
et n'ont pas vocation à refléter la position du gouvernement

Auteurs

Emmanuelle Prouet
Emmanuelle
Prouet
Travail, emploi, compétences
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