Rapport Pour une alimentation saine et durable - Rapport pour l’Assemblée nationale France Stratégie publie un rapport sur les politiques de l’alimentation dans leurs composantes économiques, sociales environnementales et de santé publique, réalisé à la demande de Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale. Publié le : 22/09/2021 Temps de lecture 14 minutes Nous avons fait le choix de ne pas nous cantonner à la définition réglementaire de la politique de l’alimentation pour proposer une vision plus large s’étendant à l’ensemble des politiques publiques concourant à l’alimentation, à ses qualités (nutritionnelle, sanitaire, organoleptique) et à sa durabilité : politiques nutritionnelles, sociales, environnementales, agricoles, agro-industrielles, économiques, commerciales, etc. Cette approche élargie de la notion de politique de l’alimentation, centrée sur la promotion de régimes alimentaires sains et durables [1], permet d’aborder de manière systémique les enjeux alimentaires, dans une mise en perspective internationale et nationale. La notion de système alimentaire, qui se définit comme « la manière dont les hommes s’organisent, dans l’espace et dans le temps, pour obtenir et consommer leur nourriture [2] » sera placée au coeur de l’analyse. La France est confrontée à des défis multiples : économique, avec un enjeu d’autonomie alimentaire ; économique et social avec un vieillissement de la population agricole, un manque d’attractivité et la faiblesse des revenus des métiers de l’agriculture ; environnemental, car l’agriculture et l’alimentation constituent une source non négligeable de gaz à effet de serre et de pollutions diffuses ; de santé publique, avec un taux d’obésité à un niveau historiquement élevé même s’il reste plus faible que chez la plupart de nos voisins européens, et avec des modes de production agricole qui ont contribué à l’émergence de nouvelles préoccupations liées aux contaminants chimiques. Un système alimentaire français spécifique, avec des défis à relever Malgré une forme de mondialisation de l’alimentation, la France préserve son régime alimentaire propre avec sa grande diversité, liée aux spécificités régionales et culturelles, et un modèle de « repas à la française » qui perdure. En termes de santé publique, la France est relativement moins confrontée au surpoids et à l’obésité que la plupart de ses voisins européens (avec en 2019 45 % de personnes en surcharge pondérale au lieu de 51% en moyenne dans l’UE 27, au sein de laquelle la France présente le second taux le plus faible). Mais elle n’échappe pas aux grandes tendances mondiales, avec une alimentation de plus en plus grasse, sucrée et salée, et une part croissante des aliments transformés. À ces tendances se conjugue une consommation d’alcool toujours trop élevée. Le système alimentaire français doit donc encore relever de grands défis en matière de santé publique, en lien avec la qualité nutritionnelle mais aussi l’alcool. Les modes de production agricole font encore beaucoup appel aux intrants chimiques (engrais et pesticides), ce qui impacte tout à la fois la santé et l’environnement. On constate également une hausse de la précarité alimentaire, avec un doublement du nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire entre 2009 et 2018, suivi d’une hausse d’environ 10 % entre 2019 et 2020. Les contraintes budgétaires expliquent les consommations différenciées entre les ménages en fonction de leur niveau de vie. Bien que notre industrie agroalimentaire reste importante, notre autonomie alimentaire se dégrade, avec certaines filières déficitaires, comme les fruits et légumes. Hors excédents liés aux vins et céréales, la France connaît désormais un déficit de sa balance commerciale et importe environ 20 % de son alimentation. En amont, le vieillissement de la population agricole, le manque d’attractivité et la faiblesse des revenus des métiers de l’agriculture fragilisent le secteur. Les politiques nationales de nutrition et d’alimentation n’apportent que des réponses partielles à ces grands défis Les principaux instruments permettant d’accompagner les consommateurs vers une alimentation plus saine et plus durable pour tous sont déjà bien identifiés : l’éducation à l’alimentation tout au long de la vie au plus près du terrain, assortie d’outils de partage et d’évaluation des pratiques ; des dispositifs d’information nutritionnelle et environnementale comme le Nutriscore ou l’affichage environnemental ; l’encadrement de la publicité ; des actions auprès de l’industrie pour améliorer la qualité nutritionnelle des aliments ; les dispositifs d’aide alimentaire ; la fiscalité comportementale. Ces instruments sont déjà partiellement mobilisés par les programmes nationaux de l’alimentation (PNA) et nutrition-santé (PNNS), clés de voûte des politiques de l’alimentation dont les synergies sont à renforcer. Parallèlement, il est possible de faire évoluer la production agricole nationale pour contribuer à l’alimentation saine et durable des Français, d’accélérer l’évolution de la politique agricole commune pour qu’elle devienne plus favorable à l’environnement et à l’emploi, de renforcer les mesures de soutien à la transition agroécologique, ainsi que les initiatives des projets alimentaires territoriaux. Il faut continuer à rechercher une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les acteurs. Comment accélérer la transition vers un système alimentaire plus durable ? Dans ce rapport, France Stratégie propose un large spectre de recommandations : Proposer un meilleur accompagnement du consommateur est nécessaire. Cela passe d’abord par l’éducation à l’alimentation, tout au long de la vie. Au-delà du choix des aliments, les consommateurs doivent être sensibilisés aux modes de consommation, forts contributeurs aux inégalités de santé, ainsi qu’à l’activité physique, dans le cadre d’une approche unifiée de la nutrition. Améliorer l’information nutritionnelle et environnementale auprès du consommateur, notamment via l’étiquetage. En effet, le consommateur est confronté aux moyens publicitaires et aux stratégies marketing des producteurs et marchands de produits de faible qualité nutritionnelle. La publicité doit ainsi être mieux encadrée. Utiliser les leviers de la fiscalité comportementale ; il faut ainsi notamment évaluer la faisabilité et l’intérêt de la proposition discutée au Parlement européen de moduler la TVA sur les aliments en fonction des bénéfices nutritionnels et de leur empreinte carbone. Améliorer l’accès à une alimentation de qualité qui, souvent, diffère suivant les territoires et les publics ; Renforcer les moyens alloués à l’aide alimentaire et sa qualité. Soutenir les actions locales en renforçant les partages d’expériences entre collectivités locales. Les objectifs de santé et de lutte contre le réchauffement climatique doivent structurer dans la durée les politiques Les actions concourant à la politique de l’alimentation sous l’angle de la nutrition doivent mieux tenir compte des acquis de l’expérience acquise en France et à l’étranger, et être conçues de manière à être évaluables, pour pouvoir en détecter les limites et y remédier. Comme l’a prévu le législateur dans la loi dite « climat et résilience », les différents plans structurant la politique de l’alimentation doivent être coordonnés dans une stratégie de transition alimentaire de long-terme, prenant en compte les éléments de prospective en matière agricole, économique, environnementale, sanitaire, sociale et sociétale et proposant un cap clair de transition de notre système alimentaire vers la durabilité. La convergence des objectifs de santé (prévention de l’obésité et des autres maladies liées au régime alimentaire) et de transition écologique (réduction des émissions de gaz à effet de serre, et des intrants chimiques) contribuera à la transformation du modèle de production agricole et agro-alimentaire. [1] « Les régimes alimentaires sains et durables sont des habitudes alimentaires qui promeuvent toutes les dimensions de la santé et du bien-être des individus. Ils présentent une faible pression et un faible impact environnementaux, sont accessibles, abordables, sûrs et équitables, et sont culturellement acceptables. Les objectifs des régimes alimentaires sains et durables sont d’atteindre la croissance et le développement optimaux de tous les individus et de soutenir le fonctionnement ainsi que le bien-être physique, mental et social à toutes les étapes de la vie, pour les générations actuelles et futures ainsi que de contribuer à la prévention de toutes les formes de malnutrition (c’est-à-dire la sous-nutrition, les carences en micronutriments, le surpoids et l’obésité), de réduire les risques de MNT liées au régime alimentaire et de soutenir la préservation de la biodiversité et de la santé de la planète. Les régimes alimentaires sains et durables doivent associer toutes les dimensions de la durabilité afin d’éviter toute conséquence indésirable » : FAO-OMS (2020), Régimes alimentaires sains et durables. Principes directeurs, Rome, 44 p., ici p. 11.[2] Malassis L. (1994), Nourrir les hommes, Paris, Dominos-Flammarion, 110 p. Transcription Fermer la transcription Datavidéo - Pour une alimentation saine et durable : constat Nous mangeons trop gras, trop salé, trop sucré et notre alimentation a beaucoup d'impact sur l'environnement. De plus, les Français ont recours à l'aide alimentaire. Les agriculteurs vivent difficilement de leur travail. Il faut donc faire évoluer notre système alimentaire. Impact Global de l'Alimentation Notre alimentation doit se comprendre dans sa globalité. Elle a des répercussions sur notre santé et sur l'environnement. Elle est aussi liée au pouvoir d'achat des ménages ou encore aux emplois et revenus des agriculteurs. Santé, environnement, économie sociale : c'est tout ça notre système alimentaire. Le Repas à la Française Le repas à la française est un moment social. Nous mangeons trois repas par jour et nous grignotons peu entre les repas. Cela explique en partie que l'obésité et le surpoids soient moins répandus en France que dans le reste de l'Union européenne. Mais cette différence s'estompe : la France n'échappe pas aux grandes tendances des pays riches. On mange plus gras, plus salé, plus sucré qu'auparavant. On consomme de plus en plus d'aliments ultra-transformés. Consommation d'Alcool Par ailleurs, les Français boivent en moyenne plus d'alcool qu'ailleurs en Europe. Impact Environnemental de l'Alimentation Notre système alimentaire est à l'origine de 19 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Cela vient notamment des émissions contenues dans les fertilisants ou encore du méthane rejeté par les animaux. Notre agriculture utilise beaucoup d'eau mais aussi trop d'engrais et de pesticides chimiques qui perturbent l'environnement. C'est le cas aussi pour environ 20 % de notre alimentation qui provient de l'étranger. Vulnérabilité des Agriculteurs Même s'il y a des différences entre filières, les revenus des agriculteurs sont souvent faibles et très aléatoires. Ils dépendent des conditions climatiques et de l'évolution des prix des matières premières, du rapport de force avec la grande distribution. Cela joue sur l'attractivité d'un secteur déjà très fragilisé. La moitié des agriculteurs ont plus de 50 ans. Le modèle de l'exploitation familiale est en déclin et de fait, il y a de moins en moins d'agriculteurs en France. Précarité Alimentaire D'ailleurs, le nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire a doublé en dix ans et la précarité a des effets sur la qualité de l'alimentation. Du fait de contraintes budgétaires, les plus modestes consommeront par exemple moins de fruits ou de poisson. Tout le monde n'a pas accès à une alimentation variée et équilibrée. Transcription Fermer la transcription Datavidéo - Pour une alimentation saine et durable : solutions Nous mangeons trop gras, trop salé, trop sucré et notre alimentation a beaucoup d'impact sur l'environnement. De plus, les Français ont recours à l'aide alimentaire. Les agriculteurs vivent difficilement de leur travail. Il faut donc faire évoluer notre système alimentaire. Soutenir les Circuits Courts Alimentation Locale : Soutenir les circuits courts, notamment au sein des cantines, en adoptant un régime moins riche en viande. Amélioration de l'Information : Améliorer l'information des consommateurs. Il existe de nombreuses solutions concrètes pour encourager la transition alimentaire. Problèmes Actuels et Besoin de Stratégie Globale Pour l'instant, nous n'avons que des réponses partielles, portées par différentes politiques publiques. Il nous faut une stratégie unique de long terme qui prenne en compte la santé, l'environnement et l'économie. Cette stratégie globale doit orienter les positions françaises, par exemple lors des négociations de la PAC (Politique Agricole Commune) au niveau européen. Une fois cette stratégie interministérielle élaborée, nous devons pouvoir évaluer son efficacité et mesurer concrètement ses résultats, ce que nous ne faisons pas forcément aujourd'hui. Impact du Secteur Agroalimentaire Importance du Secteur : Notre secteur agroalimentaire est important, mais pas dans tous les domaines. Nous sommes très bons dans la production de vin et de céréales, mais nous devons importer de plus en plus de poissons, de fruits et légumes, ce qui contribue à dégrader l'excédent de notre balance commerciale agricole. Souveraineté Alimentaire : Pour reconquérir notre souveraineté alimentaire, nous devons relocaliser les productions sur lesquelles nous sommes déficitaires et qui rentrent dans des régimes sains et durables, afin d'être moins dépendants des importations. Transition vers une Alimentation Durable Consommation Responsable : Demain, nous devrons consommer moins de viande et plus de produits locaux, issus d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Éducation et Information : Pour mieux consommer, il faut savoir reconnaître les aliments bons pour notre santé et ceux qui respectent l'environnement. Il faut donc éduquer à l'alimentation et développer l'information directement sur les produits avec des outils comme l'étiquetage nutritionnel et l'affichage environnemental. Incitations Économiques : On pourrait réfléchir à une modulation de la TVA en fonction de la qualité nutritionnelle et du carbone. Concrètement, les aliments mauvais pour la santé et ceux qui contribuent au réchauffement climatique seraient davantage taxés et donc plus chers, tandis que le prix des fruits et légumes baisserait afin d'inciter les consommateurs à en acheter. Amélioration du Modèle d'Aide Alimentaire Proposition de Produits de Meilleure Qualité : Améliorer notre modèle d'aide alimentaire actuel en proposant des produits de meilleure qualité et plus diversifiés, en identifiant mieux les personnes qui en ont besoin. Dispositifs Alternatifs : S'appuyer sur d'autres dispositifs comme les épiceries solidaires, les chèques alimentaires ou les bénéficiaires de l'aide pour les rendre plus autonomes et moins stigmatisés. Conclusion Pour encourager une transition alimentaire efficace et durable, il est crucial de : Soutenir les circuits courts et promouvoir une alimentation locale et moins dépendante de la viande. Élaborer une stratégie globale qui intègre santé, environnement et économie, et qui guide les négociations internationales. Relocaliser les productions déficitaires pour renforcer la souveraineté alimentaire. Éduquer les consommateurs et utiliser des outils d'information pour favoriser des choix alimentaires responsables. Mettre en place des incitations économiques pour encourager la consommation de produits sains et locaux. Améliorer le modèle d'aide alimentaire pour qu'il soit plus efficace, diversifié et moins stigmatisant. En adoptant ces mesures, nous pouvons créer un système alimentaire plus résilient, respectueux de l'environnement et bénéfique pour la santé publique. 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