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Publié le
Lundi 30 Octobre 2023
A l’initiative du rapporteur du CNP, Alexandre Bourgeois, et de son collègue de la Banque de France, Jérémi Montornes, la note conjointe Insee, CNP se concentre sur les conséquences, économiques comme environnementales, du lieu de production, France ou étranger, des biens consommés en France.

Consulter la note Insee « Produire en France plutôt qu’à l’étranger, quelles conséquences ? »

Si les gains à l’intégration au commerce international sont indéniables, en termes de pouvoir d’achat, d’accès à des produits de meilleure qualité ou plus variés, et de productivité, les appels à produire plus en France se font de plus en plus entendre. Les raisons invoquées sont variées :

  1. réduire le déficit extérieur (commerce de marchandises), qui a atteint en 2022 un niveau record depuis 1949, s’établissant à -7 % du PIB  (soit 163,6 milliards d’euros);
  2. sécuriser l’approvisionnement de certains biens jugés essentiels, qui ont été touchés par des ruptures d’approvisionnement durant la crise du Covid-19 (produits pharmaceutiques ou composants électroniques) ou la guerre en Ukraine (gaz), ou susceptibles de l’être avec la transition écologique (minerais) ;
  3. créer de l’emploi et de l’activité ;
  4. réduire l’empreinte carbone de la France, puisque la production y est moins carbonée que les importations.

L’analyse se concentre sur la situation d’implantation d’un site de production en France pour un investissement correspondant à un surcroit de production nationale d’un milliard d’euros. Si l’implantation d’une usine en France améliore a priori la situation sur ces 4 tableaux, le quantifier sur la base d’une situation contrefactuelle où la production équivalente aurait été importée s’avère plus difficile qu’il n’y paraît. Par exemple l’effet sur le solde extérieur requiert de savoir combien d’intrants cette usine importe pour produire et quelle part de sa production est exportée. Les biens exportés, même s'ils sont produits en France, utilisent souvent au moins en partie des intrants étrangers. De même, les biens importés peuvent incorporer de la production française qui a été intégrée à l’étranger dans des biens ou des services avant d’être importée pour être vendu sur le territoire national. L’effet total sur l’emploi dépend aussi des commandes effectuées par cette usine à d’autres entreprises en France. L’effet sur l’empreinte carbone dépend du différentiel d’intensité carbone de chaque branche productive entre la France et les autres pays du monde.

A l’heure de l’implantation de giga-factories représentant plusieurs milliards d’euros d’investissement, la question de leur localisation peut se traduire par deux phénomènes : 

  1. localiser l’investissement sur le territoire national et stimuler l’activité tout en renforçant les chaines de valeurs locales, ou
  2.  localiser l’investissement à l’étranger et importer les produits (finis ou intrants intermédiaires pour les entreprises Françaises) sur le territoire national. Dans les deux cas, cela se traduit par des effets directs, par exemple l’emploi associé à la nouvelle activité, mais aussi par des effets indirects à travers la réorganisation des chaines de valeurs locales et internationales que cela engendre.

Cette note quantifie les effets d’une implantation d’un site de production (investissement correspondant à un surcroit de production nationale d’un milliard d’euros) avec une modélisation input-output mobilisant la structure de la production mondiale, sous la forme d’un tableau international des entrées-sorties. Dans le cas où l’activité est implantée à l’étranger, nous proposons une méthode de simulation d’une situation contrefactuelle où cet investissement aurait plutôt été localisé en France, et nous évaluons les incidences directes et indirectes (collatéraux sur les pays participants à ces chaines de valeurs) économiques et environnementaux. Cette méthode étant en équilibre partiel, les résultats sont valides pour des investissements ne dépassant pas quelques milliards d’euros car au-delà cela nécessiterait de prendre en compte les impacts macroéconomiques à travers un modèle dynamique bouclé permettant de prendre en compte les élasticités-prix ou encore les effets sur les taux de change.

Les résultats de cet exercice de construction d’un contrefactuel sont les suivants : en premier lieu, l’implantation d’une activité agroalimentaire en France (plutôt qu’à l’étranger) générerait des effets favorables en termes de valeur ajoutée, d’emploi, et d’entrainement d’autres branches de l’économie nationale. Un site supplémentaire de production de produits chimiques cumulerait des effets favorables en termes de valeur ajoutée, d’effet d’entrainement sur les autres branches de l’économie, mais aussi en termes d’émissions mondiales de CO2. Les matériels de transport autres que voitures ont potentiellement un fort effet d’entrainement sur les autres branches de l’économie. De même, la branche textile présente de forts gains potentiels d’émissions mondiales de CO2eq lorsque des sites locaux de production viennent se substituer aux importations. Toutefois cette branche présente moins d’enjeux vis à vis de ses liens avec les autres branches, et en termes de valeur ajoutée et d’emploi.

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