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Communiqués de presse
Publié le
Vendredi 22 Février 2019
Au cours des dernières années, en France, 5 % des plus de 18 ans auraient travaillé de manière non déclarée, soit environ 2,5 millions de personnes, quels que soient les formes, le nombre d’heures travaillées ou la fréquence. Dissimulation d’activité, d’emploi salarié, fraude au détachement, ou encore faux statuts… les pratiques sont diverses : il faut mieux les connaître, mieux les prévenir, et mieux les contrôler. La mise en place d’instruments différenciés est une nécessité pour lutter efficacement contres toutes ces formes de fraude.
Le travail non déclaré

Le rapport du Conseil de l’orientation pour l’emploi (COE) fait un état des lieux inédit sur le travail non déclaré : ampleur du phénomène, profils des travailleurs et des employeurs, panel des pratiques, et benchmark des politiques publiques françaises et étrangères existantes pour lutter contre ce phénomène. Le rapport propose également des recommandations pour mieux connaître, mieux prévenir et mieux contrôler le travail non déclaré.

Pour ce faire, il s’appuie notamment sur deux matériaux inédits : des entretiens réalisés pour le COE par l’institut Kantar Public auprès d’une vingtaine de personnes pratiquant du travail non déclaré et un questionnaire adressé aux conseillers des ambassades de France à l’étranger pour mieux connaître les politiques mises en œuvre dans les autres pays.

La mesure difficile du travail non déclaré

Par nature, le travail non déclaré est difficile à mesurer et le rapport présente les sources disponibles pour évaluer son ampleur, au niveau national comme international. S’il est difficile à appréhender c’est aussi parce qu’il recouvre une diversité de pratiques : du « petit travail au noir » comme quelques heures de ménage ou quelques heures supplémentaires non déclarées à de véritables stratégies de contournement (montages complexes transnationaux, fraudes aux faux-statuts, etc.).

Les sources mobilisées par le COE (enquêtes qualitatives, bases de données, données issues des contrôles des entreprises, enquêtes quantitatives nationales, etc.) sont complémentaires mais aucune ne permet d’aboutir à une évaluation univoque du phénomène.

Qui est concerné, quelles sont les pratiques et pourquoi a-t-on recours au travail non déclaré ?   

Les jeunes et les personnes âgées, le plus souvent des hommes, qui se sentent en situation de précarité économique, sont proportionnellement plus exposés au travail non déclaré. La non-déclaration est une pratique souvent partagée avec les proches : les personnes qui font du travail non déclaré ont souvent des proches qui fraudent également, et c’est majoritairement par des connaissances, amis ou collègues qu’ils y ont accédé. On observe également que les chômeurs et les travailleurs indépendants sont plus exposés au travail non déclaré que les salariés. Du côté des employeurs, les entreprises de petite taille et celles opérant dans les secteurs du BTP, de l’hôtellerie-restauration, du commerce de détail, du transport, mais aussi de l’agriculture seraient plus concernées. Les services à la personne sont également identifiés comme un secteur à enjeu bien que la rareté des contrôles chez les particuliers empêche une connaissance précise des pratiques.

En matière de pratiques, les plus classiques perdurent, comme le travail non déclaré par dissimulation d’activité ou par dissimulation d’emploi salarié, et aussi la fraude aux faux statuts. Mais certaines pratiques nouvelles émergent notamment autour de l’économie des plateformes, et des fraudes transnationales de plus en plus sophistiquées apparaissent à mesure que la législation innove pour lutter contre le phénomène.

Le recours au travail non déclaré peut être expliqué par des déterminants « externes », tels que le niveau de développement économique du pays, la fiscalité, la nature des contrôles et des sanctions, etc. ; mais aussi par des éléments comme la confiance dans les institutions, le consentement à l’impôt, les normes du groupe social auquel appartiennent les employeurs et les salariés concernés.

 Des recommandations pour mieux connaître, mieux prévenir et mieux contrôler

Le Conseil s’associe largement aux préconisations du groupe de travail du Cnis sur « La mesure du travail dissimulé et ses impacts pour les finances publiques » et recommande de se donner les moyens de disposer d’une vision plus précise des profils et des différentes formes de travail non déclaré (localisation, répartition entre secteurs, types d’entreprise, etc.), ce qui conduit à préconiser de mener une enquête quantitative de grande ampleur pour améliorer la connaissance statistique du phénomène dans toutes ses dimensions. Il propose également de systématiser l’analyse de l’impact éventuel ex ante et ex post sur l’augmentation ou la diminution du recours au travail non déclaré de toute évolution d’une politique publique pouvant avoir un impact en la matière.

La priorité donnée aux contrôles ciblés doit également continuer d’évoluer pour mieux prendre en compte la diversité des publics et des pratiques. Plus largement, les politiques de contrôle doivent elles-mêmes se transformer à la fois pour être effectivement dissuasives (effectivité des sanctions, y compris le « name and shame », recouvrement des redressements notifiés) mais également pour servir la connaissance du phénomène notamment via les campagnes de contrôles aléatoires. Elles doivent aussi être accompagnées de politiques préventives et incitatives pour mieux informer les employeurs comme les travailleurs des risques individuels et collectifs associés au travail non déclaré, et pour que déclarer soit plus simple et plus intéressant économiquement.

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