Note d’analyse

Investissements bas carbone : comment les rendre rentables ?

À la suite du rapport de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), cette note d’analyse a pour objectif d’affiner l’estimation des investissements nécessaires à la transition climatique, de quantifier la part rentable pour les ménages, entreprises et collectivités parmi ces investissements ainsi que les montants nécessaires pour rendre rentable ce qui ne l’est pas, et enfin d’évaluer les contraintes financières qui pèsent sur les ménages.

Publié le : 07/10/2024

Temps de lecture

62 minutes

Sur environ 85 milliards d’euros d’investissements bruts nécessaires en moyenne chaque année entre 2024 et 2030 dans les bâtiments et les transports routiers, seul un tiers serait rentable sans intervention publique, si les prix de l’énergie restent à leur niveau de 2024. Leur rentabilité s’améliorerait dans le temps, en particulier dans les transports, notamment grâce aux avancées technologiques dont bénéficient les véhicules électriques. En revanche, dans le bâtiment, les rénovations énergétiques, et en particulier l’isolation thermique, ne seraient généralement pas rentables avec nos hypothèses, sauf intervention significative du secteur public. Seul le changement de système de chauffage du fioul et du gaz vers des pompes à chaleur offrirait une rentabilité notable.

Pour rendre rentables les investissements non rentables, des transferts d’environ 19 milliards d’euros par an seraient nécessaires entre 2024 et 2030 (à comparer avec un volume de subventions estimé à environ 8 milliards d’euros dans le budget de l’État 2024 – sans compter les dispositifs non budgétaires telles que les CEE). Pour limiter l’impact sur les finances publiques, des incitations réglementaires, des malus sur l’achat d’actifs bruns ou l’usage de taxes carbones pourraient être privilégiés. Lorsque des subventions sont nécessaires, elles devraient être adaptées aux revenus des ménages pour restreindre les effets d’aubaine et inciter les ménages les plus modestes à participer à la transition.

Néanmoins, même si la rentabilité est assurée, certains ménages font face à des contraintes financières qui les empêchent de réaliser ces investissements. Beaucoup ne disposent pas de liquidités suffi­santes et pourraient rencontrer des diffi­cultés à accéder au crédit. Par exemple, les remboursements d’un crédit pour l’achat d’une voiture électrique neuve dépasseraient 21 % des revenus pour la moitié des ménages français. Les ménages les moins aisés, en particulier, auront donc besoin d’un soutien supplémentaire pour financer ces investissements.

Transferts nécessaires pour rendre rentables tous les investissements recommandés, en Mds€2023

Note : cas où l’État réussit à distinguer les ménages en quartile. 

Lecture : en 2024, un peu moins de 19 milliards d’euros de transferts (bonus/malus) sont nécessaires pour rendre rentables les investissements qui ne le sont pas déjà. Les montants des transferts vers les ménages sont déterminés par quartile, mais sont identiques  pour toutes les entreprises. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), MaPrimeRénov’ Sérénité, Insee, données du ministère de la  Transition écologique, The Shift Project, données constructeurs automobile, données énergéticiens

Introduction

En septembre 2022, la Première ministre Élisabeth Borne a confié à Jean Pisani-Ferry la mission de produire un rapport sur les impacts macroéconomiques de la transition climatique, en vue de guider les choix de politique publique ces prochaines années. Le rapport final, co-signé par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz et publié par France Stratégie en mai 2023[1], a abordé le sujet sous différents angles[2]. Il a en particulier permis d’estimer le niveau d’investissements privés et publics nécessaire à cette transition.

L’effort d’investissement pour atteindre les objectifs climatiques de 2030 et viser la neutralité carbone en 2050 y est évalué à 66 milliards d’euros par an d’investissements supplémentaires par rapport à un scénario tendanciel entre 2023 et 2030. Certains « investissements verts » généreront des économies d’énergie qui les rendront rentables pour les acteurs privés. Cependant, d’autres nécessiteront une intervention publique pour devenir viables, et même parmi les investissements rentables, certains acteurs pourraient éprouver des difficultés à les réaliser en raison de contraintes financières.

Pisani-Ferry et Mahfouz (2023) recommandaient une intervention de l’État pour encourager les acteurs économiques à investir rapidement, afin d’assurer une transition climatique graduelle et maîtrisée, pour éviter les goulets d’étranglement potentiels qui surviendraient si tous les acteurs reportaient leurs investissements à une période ultérieure. Ils suggéraient que 50 % des investissements totaux d’ici à 2030 soient financés par le secteur public.

Dans un contexte de finances publiques contraint, il est aujourd’hui crucial d’évaluer plus précisément le montant de financements publics qui permettrait de rendre rentables les investissements privés a priori non rentables[3]. Par ailleurs, il est aussi nécessaire de réfléchir aux politiques publiques permettant d’inciter les agents à réaliser les investissements rentables − ou devenus rentables grâce à une intervention publique − en dépit de contraintes financières ou même de barrières psychologiques.

Tout d’abord, nous actualisons l’estimation des besoins d’investissements bas carbone un an après la sortie de ce rapport, en complétant et affinant certaines hypothèses, telles que les trajectoires de prix ou les profils annuels d’investissements. Ensuite, nous mesurons la part des investissements rentables pour les ménages, entreprises et collectivités. Cela nous permet de quantifier les transferts nécessaires pour rendre rentables les investissements non rentables et d’évaluer l’impact possible en termes de finances publiques. Enfin, nous abordons la question de la faisabilité financière pour les ménages de réaliser des investissements bas carbone compte tenu de leurs revenus et de leur épargne mobilisable[4].

Investissement bas carbone : niveaux nécessaires et rentabilité

Afin de déterminer quels investissements verts peuvent être effectués par les agents économiques et ceux qui doivent être encouragés par le secteur public, il est nécessaire d’évaluer leur rentabilité. Pour faire cela, nous reprenons globalement la chronique d’investissements du rapport de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023) supposée permettre d’atteindre les objectifs climatiques de la France, c’est-à-dire de réduire de 50 % nos émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990, et de nous mettre sur une trajectoire de neutralité carbone en 2050.

Secteurs étudiés : focalisation sur le bâtiment et le transport routier 

Pisani-Ferry et Mahfouz (2023) évaluaient les investissements nécessaires à la décarbonation de cinq secteurs principaux : transports, rénovation des bâtiments, industrie, énergie et agriculture. Les investissements recommandés par le rapport s’élevaient à 66 milliards d’euros[5] nets[6] et à 101 milliards d’euros bruts[7] en moyenne par an entre 2023 et 2030.

Notre étude se focalise sur deux secteurs uniquement, le bâtiment et le transport routier, pour quatre raisons principales : 

  • tout d’abord, le bâtiment et les transports concentrent la grande majorité des investissements bruts nécessaires recensés par Pisani-Ferry et Mahfouz (2023) : 32 milliards d’euros dans les transports et 54 milliards d’euros dans le bâtiment, soit 85 % des investissements bruts totaux recommandés par le rapport ;
  • ensuite, ces secteurs sont les plus importants contributeurs aux émissions de CO2 parmi les secteurs considérés. Sur les 138 millions de tonnes en équivalent CO2 d’émissions qui devraient être évitées par les investissements suggérés par Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), la décarbonation des transports et le bâtiment devrait permettre d’en éviter respectivement 52 et 44 millions de tonnes, soit environ 70 % des émissions ;
  • par ailleurs, au sein du secteur des transports, nous nous concentrons sur la mobilité routière et laissons de côté le report modal vers d’autres types de mobilité, pour lequel il est difficile d’évaluer la rentabilité économique pour les agents économiques ;
  • enfin, il est difficile d’évaluer la rentabilité des investissements dans les secteurs de l’industrie, de l’énergie ou de l’agriculture. À titre d’exemple, pour estimer les besoins d’investissement dans le secteur industriel, le rapport se fondait sur les investissements ayant pour but de répondre aux besoins de décarbonation des cinquante plus gros sites industriels français. Il est difficile de proposer un calcul de rentabilité sans entrer dans le détail de chaque projet de décarbonation spécifique. Le même problème se pose pour les secteurs de l’agriculture et de l’énergie.

Actualisation des montants estimés par Pisani-Ferry et Mahfouz (2023) 

Notre travail actualise et affine − grâce à de nouvelles données disponibles − certains montants d’investissements du rapport de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), en se concentrant sur les investissements verts bruts. Le détail des montants et les changements apportés (expliqués dans l’encadré 1) sont synthétisés dans le tableau 1.

Investissements verts bruts considérés et changements par rapport à Pisani-Ferry et Mahfouz (2023) pour 2024-2030

* La mention « décarbonés » correspond très majoritairement à des mobilités électriques et à une très faible part de véhicules hydrogène. 

Lecture : les investissements bruts en véhicules électriques et hydrogène seraient de 27,5 milliards d’euros en moyenne par an entre 2024 et 2030 dans une trajectoire verte. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), MaPrimeRénov’ Sérénité, Insee, données du ministère de la Transition écologique,  données constructeurs automobiles

Les niveaux d’investissements sont calculés en multipliant des prix unitaires d’actifs (prix d’une voiture électrique, prix au m2 de la rénovation, etc.) avec des chroniques d’investissements annuels. Nous donnons ci-après des chiffres moyens annuels permettant d’obtenir nos volumes d’investissements[8].

Ces chiffres introduisent quelques modifications par rapport à Pisani-Ferry et Mahfouz (2023). Une première différence est que le Tableau 1 détaille les investissements moyens sur la période 2024-2030 et non sur la période 2023-2030. Nous supposons un rattrapage : les investissements qui étaient prévus dans le rapport pour l’année 2023 mais qui n’ont pas encore été réalisés ont été reportés uniformément sur la période 2024-2030 afin que le nombre de véhicules propres en circulation et que le parc de logement soient identiques en 2030[9].

Mobilité[10] 

  • Voitures électriques : 780 000 immatriculations neuves par an en moyenne d’ici 2030, avec un prix moyen légèrement inférieur à 36 000 euros.
  • Poids lourds électriques[11] : 12 000 immatriculations neuves par an en moyenne d’ici 2030, avec un prix moyen de 250 000 euros.
  • Véhicules utilitaires légers électriques : 120 000 immatriculations neuves par an en moyenne d’ici à 2030, avec un prix moyen de 40 000 euros. 

Concernant les transports, les montants ont donc été rehaussés du fait de moindres immatriculations constatées en 2023 que le montant jugé nécessaire dans le rapport de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023). Si les véhicules utilitaires légers sont sur des trajectoires de ventes conformes aux prévisions de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), l’adoption des voitures électriques et des poids lourds électriques n’a pas été aussi dynamique que nécessaire (14 % de moins pour les voitures électriques).

Bâtiment 

  • Fin du fioul : 350 000 pompes à chaleur (PAC) « air-eau » installées par an d’ici à 2030, avec un prix moyen supérieur à 13 500 euros.
  • Réduction du gaz en tant que vecteur de chauffage : plus de 500 000 PAC installées par an d’ici à 2030, avec un prix moyen supérieur à 13 500 euros.
  • Rénovation des passoires thermiques (hors chauffage) : plus de 440 000 passoires à rénover par an d’ici à 2030, avec une surface moyenne de 90 m2 et un prix moyen de la rénovation supérieur à 430 €/m2.
  • Rénovations tertiaires : plus de 85 millions de m2 de parc tertiaire à rénover par an d’ici à 2030, avec un prix moyen de la rénovation de 245 €/m2.

Pour l’isolation des logements privés, nous avons retenu une nouvelle évaluation des coûts de la rénovation obtenue à partir des données individuelles issues du dispositif de subventions MaPrimeRénov’ Sérénité, pour lequel nous disposons d’une estimation des diagnostics de performance énergétique (DPE) avant et après travaux. L’utilisation de ces données pour l’année 2023 nous a permis de calculer un prix de rénovation moyen pour passer d’un DPE F à C à 310 €/m2 et d’un DPE F à B à 510 €/m2.

Par ailleurs, nous avons ajusté ce prix des rénovations, ainsi que celui des modes de chauffage, car nous souhaitons évaluer la rentabilité de ces projets de rénovation avant toute intervention publique en faveur de la décarbonation. Nous avons ainsi fait en sorte que ces prix correspondent à une TVA à 10 %, qui s’applique habituellement sur les rénovations classiques, plutôt qu’au taux réduit de 5,5 % qui concerne les travaux de rénovation des logements privés destinés à améliorer les performances climatiques et la plupart des pompes à chaleur. La suppression de cet avantage fiscal accroît les investissements bruts associés au changement des modes de chauffage d’environ 500 millions d’euros.

Pour les rénovations tertiaires, nous avons changé de méthode de calcul des investissements en comparant les gains énergétiques exigés par le décret tertiaire (-40 %) aux gains énergétiques constatés dans les données issues de MaPrimeRénov’ Sérénité et avons calculé le coût moyen constaté correspondant à ces gains. Par ailleurs, nous avons aussi supposé que les entreprises et collectivités entreprenant ces rénovations se font rembourser la TVA. En conséquence, le coût moyen s’élève à 245 €/m2.

Les niveaux d’investissements bruts nécessaires dans les actifs bas carbone sont détaillés par secteur et par année dans le graphique 1. Les chroniques d’investissements sont fondées sur les hypothèses de travail utilisées par Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), modifiées comme décrit dans l’encadré 1. L’accroissement des investissements entre 2024 et 2030 s’explique principalement par la hausse de la part de marché des véhicules électriques durant cette période, celle-ci devant atteindre 66 % en 2030 dans les ventes de voitures neuves. On suppose en revanche que le niveau moyen d’investissements nécessaire dans le bâtiment est atteint dès 2024 (même si dans les faits cette hypothèse ne s’est pas vérifiée).

Investissements bruts annuels en actifs bas carbone, en Mds€

Lecture : les besoins d’investissements bruts en actifs bas carbone pour 2024  s’élèvent à un peu plus de 60 milliards d’euros. Les investissements recommandés par Pisani-Ferry et Mahfouz (2023) et non pris en compte dans cette  étude représentent environ 20 milliards d’euros en moyenne par an. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023),  MaPrimeRénov’ Sérénité, Insee, données du ministère de la Transition écologique, The Shift Project, données constructeurs automobile, données énergéticiens

Calcul de rentabilité d’un investissement bas carbone 

La rentabilité de tous les actifs est calculée avec la même méthode : un actif vert est considéré comme rentable si les gains (mesurés par leur valeur actualisée nette − VAN) liés à l’investissement dans cet actif plutôt que dans un actif brun sont positifs[12]. En général, les actifs verts coûtent plus cher en dépenses d’investissement en capital (capital expediture ou CAPEX), que constitue par exemple l’achat du véhicule ou le coût d’une rénovation, mais ils permettent de réduire es dépenses d’exploitation (operational expediture ou OPEX) sur la durée de vie de l’actif. Nous prenons donc en compte l’écart entre les prix des actifs verts et bruns (CAPEX) ainsi que les économies d’usage qu’ils génèrent (OPEX).

Nous actualisons de façon différenciée les flux de trésorerie (cash flows) des ménages et des entreprises. Les flux des ménages sont actualisés par un taux d’actualisation privé qui reflète non seulement la préférence pour le présent des ménages, mais aussi plus largement des caractéristiques d’incertitudes et d’aversion au risque. Les flux des entreprises sont eux actualisés par un coût moyen pondéré du capital (WACC, weighted average cost of capital) qui reflète leur coût de financement au niveau individuel.

Pour tenir compte de l’hétérogénéité des agents économiques, nous utilisons une distribution pour le taux d’actualisation. Dans notre scénario central, le taux d’actualisation des ménages varie de 3 % à 13 %, avec une médiane à 10 %[13]. Ces valeurs sont conformes à la littérature et aux pratiques de l’administration française. Le WACC utilisé par les entreprises pour actualiser leurs flux de trésorerie varie lui entre 6,5 % et 9,5 %, avec une médiane à 8 %. L’encadré 2 détaille nos hypothèses pour tenir compte de l’hétérogénéité des agents économiques.

Pour calculer la rentabilité d’un investissement vert par rapport à celle d’un investissement brun sur l’ensemble de sa durée de vie, les agents doivent faire des hypothèses sur les prix d’énergie auxquels ils vont faire face durant cette période car ceux-ci déterminent les OPEX de cet actif. En raison de la forte incertitude concernant les prix des différentes énergies (électricité, essence, diesel, fioul, etc.), nous supposons que ces agents sont « myopes », c’est-à-dire qu’ils considèrent que les prix des énergies vont rester constants aux niveaux constatés au moment de réaliser leur investissement sur l’ensemble de la période qui suit.

Dans notre scénario central, nous supposons aussi que les agents feront face dans les années à venir à des prix constants de l’énergie sur l’ensemble de la période, aux niveaux constatés en 2024 (détaillés dans l’annexe). Dans la section suivante, nous proposons des scénarios alternatifs dans lesquels les prix énergétiques varient au cours du temps (tout en maintenant l’hypothèse de myopie des agents eux-mêmes), afin de vérifier la robustesse de nos conclusions.

Finalement, avec ces hypothèses, sur les 605 milliards d’euros d’investissements bas carbone bruts dans le bâtiment et le transport routier qui doivent avoir lieu entre 2024 et 2030 pour tenir nos engagements climatiques, 208 milliards d’euros seraient rentables, soit 34 % (pour le détail des résultats, voir Graphique 2). Cette part s’améliorerait au fil du temps, passant de 13 % en 2024 à 52 % en 2030.

Investissements rentables et non rentables, en Mds€

Lecture : en 2030, 55 milliards d’euros d’investissements sont rentables. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023),  MaPrimeRénov’ Sérénité, Insee, données du ministère de la Transition écologique, The Shift Project, données constructeurs automobile, données énergéticiens

Depuis l’émergence du modèle d’utilité actualisé proposé par Paul Samuelson en 1937[14], de nombreuses études approximent les différents motifs derrière les choix d’investissement à l’aide d’un taux d’actualisation[15]. Ce taux n’étant pas directement observable, il est nécessaire de recourir à des modèles théoriques et empiriques. La littérature académique suggère que la valeur de ce taux d’actualisation est négativement corrélée avec les revenus et la richesse des ménages[16]. Autrement dit, moins les ménages ont de ressources financières disponibles, plus la consommation immédiate sera importante et plus les investissements seront repoussés dans le futur[17].

Pour les ménages, afin d’approximer ce fait stylisé, nous utilisons la distribution des revenus disponibles calculée par l’Insee. Cette distribution nous permet d’inférer une densité des revenus en la dérivant numériquement et en la lissant. Une fois cette densité obtenue, nous faisons l’hypothèse d’une correspondance unique entre la densité des revenus et celle des taux d’actualisation des ménages, de sorte que la densité des revenus devienne celle des taux d’actualisation (Graphique 3). L’agent médian dans cette modélisation a un taux d’actualisation de 10 %.

En revanche, pour les entreprises, nous utilisons les informations observées dans les différents projets d’investissement[18]. Nous faisons l’hypothèse d’une distribution normale des WACC au sein des entreprises considérées.

Revenus des ménages et taux d’actualisation

Lecture : nous supposons que la distribution des taux d’actualisation des ménages dépendent de la distribution de leurs revenus. Ainsi, plus un ménage est aisé,  plus son taux d’actualisation est bas. 

Source : calculs France Stratégie à partir de Insee (2021), Revenus et patrimoines des ménages. Édition 2021, coll. « Insee Références », mai, Figure 3

Seul le remplacement du chauffage au fioul est rentable quel que soit le type d’agent (c’est-à-dire quel que soit son taux d’actualisation) durant l’ensemble de la période. Cela s’explique par les fortes économies permises par le passage d’une chaudière au fioul vers une pompe à chaleur.

En comparaison, le remplacement d’une chaudière à gaz par une pompe à chaleur n’est rentable que dans moins de la moitié des cas (pour les agents économiques avec le taux d’actualisation le plus faible) du fait de gains moindres sur l’énergie consommée.

En revanche, l’isolation des bâtiments, qu’il s’agisse de logements privés ou de bâtiments tertiaires, ne serait jamais rentable avec nos hypothèses. De plus, les économies théoriques d’énergie grâce aux travaux de rénovation des bâtiments ne tiennent pas compte de l’éventuel effet rebond, qui pourrait réduire encore davantage la rentabilité de ces investissements.

L’amélioration de la rentabilité de l’ensemble des investissements verts considérés au cours du temps est principalement liée à la mobilité. En effet, grâce au progrès  technologique, le prix des voitures électriques devrait baisser dans les années à venir. Cela explique la différence entre 2024, où l’achat d’une voiture électrique n’est rentable pour quasiment personne, et 2030, où elles le sont pour tout le monde.

Au global, la rentabilité des investissements dans les transports s’améliorerait pour atteindre 85 % des investissements rentables en 2030 (Graphique 4a), tandis que dans le secteur du bâtiment, elle progresserait peu et seuls 16 % des investissements seraient rentables en 2030 (Graphique 4b).

Investissements bruts rentables et non rentables, en Mds€

Lecture : les investissements bruts rentables pour les agents économiques qui les réalisent sont en couleur pleine et les investissements non rentables sont hachurés. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), MaPrimeRénov’ Sérénité, Insee, données du ministère de la Transition écologique,  The Shift Project, données constructeurs automobile, données énergéticiens

Scénarios alternatifs 

Comment nos résultats seraient-ils affectés si le taux d’actualisation des ménages ou les trajectoires de prix de l’énergie différaient de notre scénario central ? Dans un premier scénario alternatif, dit « Taux d’actualisation plus faible », nous testons une hypothèse de taux d’actualisation fluctuant entre 0 % et 10 % pour les ménages, avec un ménage médian à 7 %. Par ailleurs, nous envisageons deux scénarios sur les prix de l’énergie[19] (Tableau 2).

Rentabilité des investissements bruts dans des scénarios alternatifs

Lecture : dans le scénario avec un taux d’actualisation plus faible, 18 % des investissements bruts sont rentables en 2024, 56 % le sont en 2030 et 43 % le sont  en moyenne sur la période 2024-2030. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), MaPrimeRénov’ Sérénité, Insee, données du ministère de la Transition écologique,  The Shift Project, données constructeurs automobile, données énergéticiens

Un scénario « Prix énergie favorable », où les prix des carburants fossiles augmentent de 30 % entre leur niveau de 2024 et 2030, à un rythme constant. Dans le même temps, le prix de l’électricité diminue de 30 %. Ce scénario est plutôt favorable à la transition énergétique puisqu’il incite à davantage d’électrification.

Un scénario « Prix énergie défavorable », où les prix des carburants fossiles diminuent de 30 % entre leur niveau de 2024 et 2030, à un rythme constant. Dans le même temps, le prix de l’électricité est gelé à son niveau actuel. Ce scénario est plutôt défavorable à la transition énergétique puisqu’il n’incite pas à augmenter l’électrification.

Comme attendu, un prix de l’énergie plus favorable ou une baisse du taux d’actualisation améliorent la rentabilité des investissements verts. La part des investissements rentables augmente, respectivement de 16 et 10 points de pourcentage en moyenne sur la période 2024-2030 par rapport à notre scénario central. À l’inverse, un prix de l’énergie défavorable aurait un impact très négatif sur la rentabilité des actifs verts. Seuls 7 % des actifs verts seraient alors rentables.

Quelles interventions publiques pour rendre rentable l’ensemble des investissements ? 

Étant donné que seulement un tiers des investissements bas carbone nécessaires pour atteindre nos objectifs climatiques seraient rentables dans notre scénario central, comment inciter les ménages et les entreprises à réaliser ces investissements ?

Afin de répondre à cette question, nous avons calculé le transfert monétaire à réaliser vers ces agents économiques lorsqu’ils effectuent l’investissement vert de sorte que celui-ci devienne rentable par rapport à son alternative brune, c’est-à-dire que les gains (CAPEX et OPEX) actualisés deviennent tout juste positifs[20].

Ce transfert peut prendre la forme d’une subvention mais aussi d’un malus, comme il en existe déjà par exemple pour les voitures thermiques. Cela réduirait le coût total pour les finances publiques, car l’introduction d’un malus, tout en ayant le même effet qu’une subvention en termes de rentabilité comparée par rapport à un actif brun, créé des recettes fiscales. En revanche, l’usage des malus est doublement limité. Premièrement, il est plus difficile de mettre en place un système de malus pour encourager certains investissements comme la rénovation des bâtiments[21]. Secondement, les malus, même s’ils rendent les actifs verts plus rentables relativement à leur alternative brune, ne facilitent pas les investissements pour les ménages ou les entreprises les plus contraints financièrement (comme évoqué dans la partie suivante).

Les transferts nécessaires pour rendre chaque investissement rentable diffèrent en raison de l’hétérogénéité entre ménages et entre entreprises. En particulier, les ménages les moins aisés — qui ont un taux d’actualisation plus élevé — nécessiteront des transferts plus importants. Pour déterminer le montant total des transferts nécessaires, nous explorons trois cas de figure ci-après.

Cas où l’État peut parfaitement distinguer les agents économiques

Dans ce premier cas, l’État connaît parfaitement la situation (taux d’actualisation et WACC) des agents. Il peut donc déterminer le transfert exact qu’il doit mettre en place pour rendre rentable l’actif bas carbone pour chaque agent.

Cette hypothèse semble cependant peu réaliste, car il faudrait que l’État puisse faire autant de transferts qu’il existe de types d’agents. De plus, s’il est possible pour l’administration fiscale d’utiliser le revenu des ménages comme mesure de leur capacité à réaliser des investissements, le choix d’une métrique financière semble plus complexe pour les entreprises : faudrait-il utiliser des notions de trésorerie, de chiffre d’affaires ou encore de résultat net ? Ce cas n’est néanmoins pas dénué d’intérêt car il représente un minorant des besoins pour assurer la rentabilité des investissements verts.

Les besoins en transferts seraient de l’ordre de 16 milliards d’euros par an. La grande majorité de ces transferts seraient déployés pour la décarbonation des bâtiments avec environ 14 milliards d’euros, dont un peu plus de 9 milliards vers la rénovation des logements et 5 milliards vers les rénovations tertiaires. Le soutien aux voitures électriques serait d’environ un milliard d’euros en 2024 et diminuerait assez rapidement du fait de l’augmentation de la rentabilité des voitures électriques grâce aux baisses de prix prévues entre 2024 et 2030. En 2024, tous les ménages bénéficieraient de transferts sur l’achat d’un véhicule électrique neuf. À partir de 2027, seuls les ménages les moins aisés bénéficieraient encore de transferts, et en 2030, aucun ménage n’en recevrait. Cette baisse des subventions sur les voitures électriques au fil du temps pourrait permettre d’inciter (au moins d’un point de vue psychologique et parce que cela réduirait l’incertitude) les ménages à accélérer leur achat de véhicules électriques[22]. Enfin, malgré cette baisse des transferts par véhicule, le montant total des transferts dédiés aux mobilités croîtrait d’ici à 2030 en raison de l’augmentation du parc de poids lourds électriques, pour lequel les subventions ne baisseraient pas.

Cas où l’État est incapable de distinguer les agents économiques

Dans ce deuxième cas, opposé, l’État ne peut pas du tout distinguer l’hétérogénéité entre les agents, et verserait donc le transfert maximum à tous (y compris à ceux qui n’en ont pas besoin). Ce cas, dans lequel tous les agents économiques effectuant les investissements reçoivent les subventions maximales sans tenir compte de leur besoin, peut être vu comme un majorant des transferts à effectuer. Cette méthode serait cependant sous-optimale en termes de finances publiques en raison des forts effets d’aubaine que ces subventions engendreraient : des ménages et entreprises bénéficieraient de transferts non nécessaires pour accroître la rentabilité de leurs investissements[23].

Les transferts seraient d’environ 21 milliards d’euros par an. La majorité des transferts seraient toujours destinés aux rénovations, avec environ 18 milliards d’euros par an. Les transferts destinés à la mobilité routière augmenteraient, à environ 3 milliards d’euros par an.

Cas où l’État est capable de distinguer les ménages en fonction de leurs revenus 

Dans ce troisième cas, plus réaliste, l’État est capable de distinguer une partie de l’hétérogénéité, notamment grâce à sa connaissance des revenus des ménages. Pour minimiser le coût pour les finances publiques, tout en évitant de mettre en place un mécanisme de subventions trop complexe, il serait préférable d’utiliser un système où les transferts seraient déterminés, par exemple, par quartiles de revenu disponible, plutôt que d’être différents pour chaque agent économique[24]. Le transfert maximal par quartile pourrait être versé à chaque ménage de ce quartile qui effectuerait les investissements verts. Ainsi, les 25 % de ménages les moins aisés percevraient tous les mêmes transferts que le ménage le moins aisé de ce quartile, c’est-à-dire celui appartenant au premier percentile de revenu disponible.

Il serait en revanche plus complexe de diviser les entreprises en quartile car l’analyse financière d’une entreprise est multifactorielle. Il serait donc probablement nécessaire de verser à chaque entreprise le transfert maximal (comme dans le cas décrit dans la section précédente). Nous présentons malgré tout dans le tableau 3, à titre indicatif, les transferts théoriques qu’il faudrait mettre en place pour les entreprises, si nous les divisions par quartile de WACC.

Récapitulatif des transferts théoriques pour les ménages (par quartile de revenu disponible) et pour les entreprises (par quartile de WACC)

Lecture : en 2025, un ménage du quatrième quartile de revenu disponible recevrait 700 euros pour l’achat d’une voiture électrique. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), MaPrimeRénov’ Sérénité, Insee, données du ministère de la Transition écologique,  The Shift Project, données constructeurs automobile, données énergéticiens 

Le tableau 3 illustre la dégressivité par quartile des transferts que recevraient les ménages pour les aider dans leurs investissements. Les transferts pour les voitures électriques devraient également diminuer avec le temps, en raison des avancées technologiques probables qui rendraient ces véhicules plus abordables. Il faudrait cependant surveiller le rythme d’évolution des prix afin de ne pas surestimer/sous-estimer ces transferts.

Les transferts pour les actifs pour lesquels le poids des OPEX est relativement plus important que le poids des CAPEX (ce qui est le cas des véhicules mais pas des rénovations) baissent plus rapidement lorsque le taux d’actualisation ou le WACC augmente. Cela est dû au fait que les actifs ayant relativement plus d’OPEX sont relativement plus impactés par l’actualisation dans le calcul de la VAN.

S’il était appliqué aux ménages, un tel système de conditionnalité au niveau des revenus permettrait de réduire marginalement l’enveloppe des transferts de plus de 21 milliards d’euros à un peu moins de 19 milliards d’euros par an, en réduisant notamment les aides à la rénovation des logements (Graphique 5)[25]. Dans le cas où les entreprises pourraient également être distinguées par quartile, comme les ménages, le montant des transferts diminuerait à 18 milliards d’euros.

Par ailleurs, un autre moyen de faire des économies (même si celles-ci seraient assez marginales) serait de supprimer l’avantage fiscal bénéficiant aux rénovations écologiques qui réduit la TVA de 10 % à 5,5 % depuis 2014[26]. En effet, cet avantage fiscal n’est pas ciblé et bénéficie aussi à des ménages qui effectuent des rénovations qui seraient rentables sans aides et qu’ils seraient capables de financer − comme les changements de chauffage du gaz vers une pompe à chaleur par les ménages les plus aisés. Cette suppression permettrait de dégager une marge d’un milliard d’euros qui pourrait être réinvestie sous la forme de subventions auprès des ménages qui en ont le plus besoin, pour les inciter à effectuer des rénovations thermiques, tout en limitant les effets d’aubaine.

Transferts nécessaires pour rendre rentables tous les investissements recommandés, en Mds€

Note : cas où l’État réussit à distinguer les ménages en quartile.  

Lecture : en 2024, un peu moins de 19 milliards d’euros de transferts (bonus/malus) sont nécessaires pour rendre rentables les investissements qui ne le sont pas déjà. Les montants des transferts vers les ménages sont déterminés par quartile, mais sont identiques  pour toutes les entreprises. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), MaPrimeRénov’ Sérénité, Insee, données du ministère de la  Transition écologique, The Shift Project, données constructeurs automobile, données énergéticiens

Le tableau 4 permet de comparer les montants estimés dans ce dernier cas de figure pour assurer la rentabilité de la transition − et qui ne prennent pas en compte les aides actuelles − et les dispositifs présents dans le projet de loi de finances (PLF) 2024 passer d’environ 8 milliards d’euros à environ 19 milliards d’euros, afin que l’ensemble des investissements soient rentables pour les ménages et les entreprises. Néanmoins, l’incitation à réaliser des investissements non rentables peut prendre d’autres formes que les subventions. Elle pourrait aussi prendre la forme d’une fiscalité écologique additionnelle, ou être d’ordre réglementaire, en particulier pour les entreprises, comme c’est déjà le cas avec le « décret tertiaire » adopté en 2019[29], ce qui reporte le coût des finances publiques vers les entreprises. Cela peut par exemple prendre la forme de certificats d’économie d’énergie (CEE), qui obligent certains acteurs à réaliser des économies d’énergie ou à inciter d’autres acteurs à les réaliser à leur place[30]. Les CEE consacrés à la rénovation des logements des ménages représentent l’équivalent − non budgétaire − de 4,6 milliards d’euros d’aides dans le PLF 2024[31].

Récapitulatif des aides en place dans le PLF 2024 et comparaison aux montants des transferts permettant de rendre rentables les investissements verts

Lecture : 1,3 milliard d’euros de soutien au verdissement de la flotte automobile a été voté dans le PLF 2024, nos calculs mettent en avant un besoin de 1,7 milliard  d’euros en moyenne par an entre 2024 et 2030. 

Sources : PLF 202428, calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), MaPrimeRénov’ Sérénité, Insee, données ministère de la Transition écologique, The Shift Project, données constructeurs automobile, données énergéticiens

Au-delà de la rentabilité, les contraintes financières 

Une fois la rentabilité théoriquement assurée par le système de transferts précédemment exposé, se pose la question de l’adoption effective des investissements verts. En particulier, bien que motivés par la rentabilité d’un investissement bas carbone, les ménages et (dans une moindre mesure) les entreprises peuvent être contraints au moment de réaliser un investissement, car ils ne disposent pas des liquidités ou de l’accès au crédit nécessaires pour effectuer ces dépenses significatives.

Dans cette dernière partie, nous nous concentrons sur les investissements réalisés par les ménages (c’est-à-dire les voitures électriques, la fin du fioul, la réduction du gaz et les sorties de passoires thermiques) et essayons de déterminer les contraintes financières qui pourraient peser sur eux en termes d’épargne mobilisable et de capacité d’endettement, en les comparant à la taille de ces investissements verts (hors dispositifs en place actuellement, mais en incluant les transferts proposés à la fin de la section précédente)[32].

Achat d’une voiture électrique 

L’acquisition d’un véhicule électrique neuf constitue un poste de dépense conséquent pour les ménages. Même si les transferts discutés précédemment étaient effectués − et l’investissement devenu rentable −, un tel achat représente une part significative de l’épargne mobilisable de la plupart des ménages[33]. Le prix d’une voiture électrique neuve utilisé dans notre étude (39 000 €2023 en 2024) est supérieur à l’épargne immédiatement mobilisable jusqu’au neuvième décile inclus et, en dessous du quatrième décile, il représente plus de dix fois l’épargne mobilisable[34].

L’achat d’un véhicule électrique neuf est donc impossible pour pratiquement toute la population française sans un recours à l’endettement[35]. Le graphique 6 détaille le revenu disponible par décile et le montant des mensualités de crédit liées à l’endettement pour effectuer cet achat spécifique. Le crédit a été simulé à un taux de 4 % et sur une durée de sept ans (durée standard pour un achat de véhicule). Pour les ménages les moins favorisés (le premier décile), le seul endettement lié à l’achat du véhicule pousse le taux d’endettement quasiment à 35 %, soit le taux maximal auquel les banques ont l’habitude de prêter[36]. Si l’on considère qu’il est difficile pour un ménage de s’endetter pour acheter un véhicule électrique neuf avec des mensualités au-delà de 15 % de son revenu disponible, seuls les ménages les plus aisés (les déciles 8, 9 et 10) effectueraient ces investissements.

Revenu disponible des ménages et capacité à acquérir un véhicule électrique neuf

Note : revenu disponible moyen des ménages par décile de patrimoine brut et  capacité à acquérir une véhicule électrique neuf par rapport à leurs revenus ou  en ayant recours à l’endettement.  

Lecture : en 2024, le dernier décile de patrimoine brut a un revenu disponible  moyen légèrement supérieur à 80 000 euros et devrait payer 7 % de celui-ci en  mensualités liées à l’achat d’un véhicule électrique neuf. Les montants utilisés  pour le prix d’achat d’un véhicule électrique prennent en compte le transfert  permettant de rendre rentable l’actif. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023),  MaPrimeRénov’ Sérénité, enquête Histoire de vie et patrimoine, Insee, données  du ministère de la Transition écologique, données constructeurs automobiles

Achat d’une pompe à chaleur pour remplacer une chaudière à gaz

 La décarbonation des logements passe par le changement de mode de chauffage, et en particulier par le remplacement des chaudières au fioul et à gaz par des pompes à chaleur. Nous présentons ici l’exemple du remplacement d’une chaudière au gaz par une pompe à chaleur. Avec un prix moyen autour de 13 620 €2023 (en supposant une TVA à 10 %), il s’agit a priori d’un investissement conséquent, mais plus abordable qu’une voiture électrique pour les ménages propriétaires et plutôt rentable lorsqu’il remplace une chaudière à gaz.

En effet, à partir du sixième décile, le remplacement de la chaudière à gaz par une pompe à chaleur devrait être rentable pour les ménages, même sans subventions. De plus, il semble qu’à partir du quatrième décile de patrimoine brut, les ménages devraient disposer d’une épargne mobilisable suffisante pour payer cet investissement. En revanche, les ménages les moins favorisés (les trois premiers déciles) devront recourir à l’endettement pour investir (en dépits des transferts reçus pour rendre ces investissements rentables.

Le graphique 7 souligne que les mensualités liées à l’endettement[37] pour l’achat d’une pompe à chaleur représenteraient moins de 6 % du revenu disponible des ménages propriétaires, qui ne seraient donc pas véritablement contraints dans l’adoption d’une pompe à chaleur à la place d’une chaudière au gaz, à condition d’avoir accès au crédit.

Revenu disponible des ménages propriétaires et capacité à acquérir une pompe à chaleur

Notes :  coût d’une rénovation performante (après transfert pour la rendre rentable)  pour les ménages propriétaires, par décile de patrimoine brut, et part de  l’épargne mobilisable que cela représente ; revenu disponible moyen des ménages propriétaires par décile de patrimoine brut et capacité à acquérir une pompe à chaleur par rapport à leurs  revenus ou en ayant recours à l’endettement. 

Lecture : en 2024, le dernier décile de patrimoine brut parmi les propriétaires a  un revenu disponible moyen légèrement supérieur à 95 000 euros et devrait  payer 1,75 % de celui-ci en mensualités liées à l’achat d’une pompe à chaleur  (PAC) neuve. Les montants utilisés pour le prix d’achat d’une PAC prennent en  compte le transfert permettant de rendre rentable l’actif. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023),  MaPrimeRénov’ Sérénité, enquête Histoire de vie et patrimoine, Insee, données du ministère de la Transition écologique, données énergéticiens

Rénovation pour sortir du statut de passoire thermique 

L’isolation des passoires thermiques nécessiterait 17,6 milliards d’euros d’investissement par an en moyenne d’ici 2030. Les rénovations sont particulièrement coûteuses et les ménages peuvent être réticents à les réaliser du fait de doutes sur leur efficacité, leur pénibilité ou leur rentabilité (en raison aussi du risque d’effet rebond, avec une augmentation de la consommation d’énergie par les ménages à l’aide des économies réalisées).

Grâce aux données disponibles, il est possible de calculer le prix des rénovations au sein des déciles de patrimoine brut des patrimoines des ménages qui sont propriétaires. En effet, nous avons calculé la surface moyenne de la résidence principale par décile de patrimoine brut, que nous avons multipliée par le prix au m2 de la rénovation, moins le transfert calculé plus haut (voir Tableau 3 supra).

Grâce aux subventions accordées par m2 et à l’évolution de la taille des logements, le prix des rénovations est progressif au sein des déciles (Graphique 8).

Coût d’une rénovation après transfert pour les ménages propriétaires et capacité à la financer par leur épargne

Note : coût d’une rénovation performante (après transfert pour la rendre rentable) pour les ménages propriétaires, par décile de patrimoine brut, et part de  l’épargne mobilisable que cela représente. 

Lecture : en 2024, le dernier décile de patrimoine brut parmi les ménages propriétaires paierait un prix, post-transfert, de 65 527 euros pour une rénovation permettant de sortir du statut de passoir thermique. Cela représenterait 29 % de l’épargne  immédiatement mobilisable par le ménage. Les montants utilisés pour le prix de la  rénovation prennent en compte le transfert permettant de la rendre rentable. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023),  MaPrimeRénov’ Sérénité, enquête Histoire de vie et patrimoine, Insee, données du ministère de la Transition écologique, données énergéticiens

Seuls les ménages les plus aisés (les deux derniers déciles) pourraient payer une rénovation avec leur épargne mobilisable. Ainsi, la grande majorité des ménages propriétaires seraient forcés d’avoir recours à l’endettement.

En cas de recours à l’endettement, les mensualités[38] représenteraient environ 10 % du revenu disponible des ménages pour la plupart des déciles, sauf le dernier (Graphique 9).

Revenu disponible des ménages propriétaires et capacité à effectuer une rénovation performante de leur logement

Note : revenu disponible moyen des ménages propriétaires par décile de patrimoine brut et capacité à réaliser une rénovation performante de leur logement  par rapport à leurs revenus ou en ayant recours à l’endettement.  

Lecture : en 2024, le dernier décile de patrimoine brut parmi les propriétaires  a un revenu disponible moyen légèrement supérieur à 95 000 euros et devrait  payer 7 % de celui-ci en mensualités liées à la rénovation d’un logement. Les  montants utilisés pour le prix de la rénovation prennent en compte le transfert  permettant de rendre rentable celle-ci. 

Sources : calculs France Stratégie à partir de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023),  MaPrimeRénov’ Sérénité, enquête Histoire de vie et patrimoine, Insee, données du ministère de la Transition écologique, données énergéticien

Conclusion

À la suite de Pisani-Ferry et Mahfouz (2023), nous estimons qu’environ 85 milliards d’euros d’investissements verts bruts seront nécessaires en moyenne chaque année entre 2024 et 2030 dans le secteur du transport routier et du bâtiment. De son côté, I4CE a récemment estimé des besoins d’investissements verts bruts de 206 milliards d’euros en 2030[39]. La Direction générale du Trésor envisage elle un besoin supplémentaire (c’est-à-dire net) de 110 milliards d’euros en 2030 par rapport à 2021[40]. Néanmoins, ces montants ne sont pas directement comparables aux nôtres, notamment parce qu’ils couvrent un périmètre bien plus étendu que celui de cette note[41].

Dans notre scénario central, qui se fonde sur des prix de l’énergie stables et ne prend pas en compte les mesures de soutien existantes,un tiers de ces investissements verts bruts nécessaires seraient rentables. Ces investissements rentables concernent principalement le changement de mode de chauffage et l’adoption de véhicules électriques par les ménages, tandis que la rénovation thermique des bâtiments s’avère bien moins rentable[42].

Environ 19 milliards d’euros par an seraient nécessaires pour rendre rentable l’ensemble des investissements pour les ménages et les entreprises. Ce montant ne compense pas entièrement l’écart entre les investissements totaux et ceux qui sont rentables, car il est calibré pour rendre les investissements verts rentables grâce à des transferts aux ménages et aux entreprises et non pour couvrir l’ensemble de ces investissements[43]. Pour limiter l’impact sur les finances publiques si ces aides prenaient la forme de subventions, nous suggérons de les ajuster en fonction du revenu des ménages (par exemple, avec des montants variables selon les quartiles de revenus), ce qui permettrait de réduire les effets d’aubaine.

Concernant les véhicules électriques, bien que les montants totaux pour favoriser leur adoption devraient être augmentés à 2 milliards d’euros par an, les subventions par véhicule pourraient dans les prochaines années être nettement inférieures aux aides actuelles. Toutefois, notre étude se focalise uniquement sur la rentabilité, sans intégrer d’autres facteurs, à la fois monétaire (absence de trésorerie) et psychologique (incertitude sur les prix futurs, le développement du réseau de charge, etc.), pouvant justifier des subventions plus élevées[44]. Par ailleurs, une annonce explicite indiquant que les subventions diminueront progressivement dans les années à venir pourrait encourager les ménages à accélérer leur transition vers les véhicules électriques.

La rénovation des bâtiments nécessitera d’être encouragée significativement pour que la France atteigne ses objectifs à l’aide de transferts de l’ordre de 17 milliards d’euros par an. Aujourd’hui, nous ne partons pas de zéro, loin de là : des soutiens très différents et peu coordonnés coexistent (MaPrimeRénov’, TVA à 5,5 %, CEE en particulier), mais leur efficacité est parfois remise en question[45]. Il serait sans doute judicieux de supprimer l’avantage fiscal bénéficiant aux rénovations thermiques qui réduit la TVA de 10 % à 5,5 %, même si l’économie serait relativement faible (car sa suppression nécessiterait en miroir un soutien plus élevé à la rénovation pour la majorité des ménages).

Le renforcement des incitations pourrait également être de nature réglementaire (par exemple, pour les rénovations tertiaires non rentables) ou se traduire par des malus ou une taxe carbone, ce qui transférerait ce coût vers les ménages et les entreprises.

Par ailleurs, s’il est possible de rendre rentables les investissements grâce à des transferts, il existe aussi des freins non monétaires à l’adoption d’actifs bas carbone que les subventions ne résoudront pas. Pour la rénovation des bâtiments, des frictions peuvent exister au niveau des copropriétés[46]. Pour la mobilité, la crainte d’un manque de bornes de recharge est un autre exemple de frein à l’adoption de véhicules électriques. L’incertitude concernant les prix futurs de l’énergie, des actifs ou le niveau des subventions pourrait aussi jouer. Les transferts réellement nécessaires devront probablement être significativement supérieurs à ceux calculés ici pour convaincre les agents économiques de réaliser ces investissements. De plus, dans certains cas, ceux-ci nécessiteront des investissements publics complémentaires non pris en compte dans cette étude (réseaux de bornes de charge pour les véhicules électriques, investissement dans les énergies renouvelables pour s’assurer de prix de l’électricité abordable, etc.).

D’autre part, malgré des transferts qui assureraient la rentabilité des investissements verts, une partie de ces investissements pourrait rester difficile à réaliser pour un grand nombre de ménages. En effet, des investissements tels que l’achat d’une voiture électrique ou la rénovation thermique représentent des montants très conséquents. La plupart des ménages ne disposent pas d’une épargne suffisante pour les financer. Dès lors, le recours à l’emprunt devient nécessaire, mais les mensualités pourraient souvent dépasser 10 % du revenu disponible, rendant ces investissements inaccessibles pour certains, malgré leur rentabilité. Ce constat légitime les dispositifs existants tels que le prêt à taux zéro ou le leasing de voitures électriques.

[1] Pisani-Ferry J. et Mahfouz S. (2023), Les incidences économiques de l’action pour le climat, rapport à la Première ministre, France Stratégie, mai. 

[2] Onze rapports thématiques sont disponibles sur le site de France Stratégie

[3] Cette note se focalise sur les financements publics mais d’autres interventions, qui peuvent être équivalentes en termes de rentabilité, sont possibles : taxe carbone pour augmenter les coûts d’exploitation des actifs bruns, malus sur l’achat d’actifs bruns, ou encore réglementation pour obliger les agents économiques à se détourner des actifs bruns. Néanmoins, ces autres solutions ont le désavantage de ne pas faire baisser le coût nominal des investissements pour ces agents, qui peuvent être contraints financièrement comme discuté dans la dernière partie de cette note. 

[4] Cette note se focalise sur les contraintes financières, mais il existe d’autres contraintes qui peuvent peser sur l’investissement des ménages : par exemple, pour la rénovation, des artisans et des accompagnateurs doivent être disponibles. 

[5] Les euros considérés par le rapport sont des euros de 2023. 

[6] Dans cette note, le terme « net » désigne l’écart entre les dépenses d’investissement total (verts, et bruns dans le transport routier et la rénovation des logements) d’une trajectoire « verte » – qui incorpore davantage d’investissements bas carbone ainsi que des mesures de sobriété – et une trajectoire tendancielle (business as usual). Ainsi, il y a malgré tout des investissements bas carbone dans la trajectoire business as usual mais en moindre quantité (par exemple la part de marché des véhicules électriques est bien plus importante dans la trajectoire verte mais elle croît d’ici à 2030 dans la trajectoire business as usual). 

[7] Dans cette note, le terme « brut » signifie que seuls les investissements verts sont pris en compte dans la trajectoire « verte ».

[8] Le détail des sources et hypothèses utilisées est disponible en annexe sur le site de France Stratégie

[9] S’il n’affecte pas le flux d’émissions en 2030 (sur lequel porte nos engagements), le retard accumulé chaque année implique néanmoins un stock de CO2 dans l’atmosphère en 2030 supérieur et donc une trajectoire de température supérieure à celle impliquée par la chronique d’investissement initiale. 

[10] Les chroniques d’investissements des véhicules sont croissantes d’ici à 2030, le chiffre moyen communiqué est donc supérieur à la valeur d’objectif de 2024 mais inférieur à celle de 2030. 

[11] Les poids lourds et véhicules utilitaires légers hydrogène sont considérés dans l’étude. Cependant, comme ils représentent une très faible part des investissements, ils ne sont pas explicitement mentionnés ici.

[12] En ce qui concerne la rénovation des bâtiments, le contrefactuel de l’achat d’un actif vert est l’absence de rénovation. Par ailleurs, nous supposons que les actifs procurent la même utilité privée, c’est-à-dire que nous ne prenons pas en compte les avantages et/ou inconvénients apportés aux acteurs privés par les actifs verts (par exemple les gains de confort lors d’une rénovation énergétique, ou les difficultés de recharge en longue distance pour les véhicules électriques).

[13] Voir l’encadré 2 ainsi que la discussion sur les scénarios alternatifs.

[14] Samuelson P. A. (1937), « A note on measurement of utility », The Review of Economic Studies, vol. 4(2), février, p. 155-161. 

[15] Les choix d’investissement des agents économiques sont généralement conditionnés par l’incertitude liée à l’avenir mais également par l’arbitrage que les agents font entre la jouissance d’une consommation immédiate et l’opportunité de décaler dans le temps cette consommation contre une gratification future. 

[16] Pour une revue de la littérature, voir en particulier Shane F., Loewenstein G. et O’Donoghue T. (2002), « Time discounting and time preference: A critical review », Journal of Economic Literature, vol. 40(2), juin, p. 351-401. 

[17] Voir en particulier Bozio A., Laroque G. et O’Dea C. (2017), « Discount rate heterogeneity among older households: A puzzle? », Journal of Population Economics, vol. 30, p. 647-680. 

[18] Voir notamment : PwC France (s.d.), « Valuation Corner », page Web consultée le 25 septembre 2024.

[19] Dans ces scénarios, le caractère myope des agents économiques joue désormais puisqu’ils n’anticipent pas ces variations de prix dans le temps lorsqu’ils prennent leurs décisions d’investissement, mais cela modifie tout de même la rentabilité des investissements dans le temps.

[20] Comme évoqué dans l’introduction, cette note se focalise sur les interventions sous forme de transferts publics. D’autres interventions, telles qu’une augmentation de la taxe carbone, qui pourraient être équivalentes en termes de rentabilité, pourraient être envisagées et auront aussi un rôle à jouer. Néanmoins, elles ne permettent pas de desserrer les contraintes financières qui pèsent sur certains agents économiques. 

[21] Une taxe foncière indexée sur l’étiquette énergétique comme suggéré par Hainaut H. et al. (2024) ou une augmentation des droits de mutation à titre onéreux pour les passoires thermiques pourraient néanmoins être envisagées. L’interdiction de louer des passoires thermiques permet de réduire à zéro la rentabilité mais ne fonctionne que pour les propriétaires non occupants. Voir Hainaut H., Ledez M., Douillet M. et Metayer S. (2024), Financement de la transition. Quelles marges de manœuvre autour du besoin de financement public ?, I4CE, juillet.

[22] Cet effet pourrait néanmoins être en partie contrecarré si les ménages supposent une baisse significative du prix des voitures électriques ou une amélioration des performances en termes d’autonomie, ce qui aura tendance à retarder ces investissements. 

[23] Les freins non monétaires à l’adoption des actifs bas carbone pourraient néanmoins justifier de sur-allouer certains agents via des transferts plus généreux que les montants minimums. 

[24] D’autres conditions d’accès pourraient être ajoutées afin d’éviter que des ménages aisés, possédant un patrimoine élevé mais avec des faibles revenus, soient aidés autant que des ménages moins favorisés. 

[25] Dans le scénario alternatif avec un taux d’actualisation plus faible, ce montant serait réduit à 17 milliards d’euros, tandis qu’il atteindrait 24 milliards d’euros dans le scénario avec des prix de l’énergie défavorables. 

[26] Article 278-0 ter du Code général des impôts.

[27] La rénovation de ce même parc public coûterait en moyenne 7 milliards d’euros par an entre 2024 et 2030. En ce qui concerne les montants actuellement déployés, les 500 millions d’euros d’autorisation d’engagement dans le budget vert 2024 ont été abaissés de 50 millions d’euros environ dans le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation des crédits (programme 348). Par ailleurs, 4 milliards d’euros ont été déployés pour les rénovations publiques dans le cadre de France Relance. Voir Gouvernement (2023), « PLF 2024 – La quatrième édition du budget vert », article du 2 novembre et France Stratégie (2024), Comité d’évaluation du plan France Relance. Rapport final, vol. II, Évaluation des dispositifs, comité présidé par Xavier Jaravel, janvier. 

[28] Voir Gouvernement (2023), « PLF 2024 – La quatrième édition du budget vert », op. cit. et Sénat (2023), Projet de loi de finances pour 2024. Écologie, développement et mobilité durables, rapport, t. III, annexe 11, vol. 1, novembre.

[29] Le décret tertiaire prévoit que le niveau d’énergie finale consommée dans les bâtiments tertiaires (publics et privés) diminue d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010. Si ces obligations ne sont pas respectées, des sanctions financières et réputationnelles sont prévues par le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019. Ces sanctions sont assez faibles aujourd’hui, mais elles pourraient être augmentées pour impacter la rentabilité anticipée par les entreprises. 

[30] Pour une explication plus en détail du dispositif, voir Gouvernement (2018), « Dispositif des certificats d’économies d’énergie », page Web mise à jour le 6 septembre 2024. 

[31] Gouvernement (2023), « Effort financier de l’État en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments. Annexe au PLF 2024 ».

[32] La raison principale est que nous disposons de données nous permettant d’évaluer ces contraintes (à travers l’enquête Histoire de vie et patrimoine de l’Insee de 2020), ce qui n’est pas le cas pour les entreprises. 

[33] Ce chiffre (et l’ensemble de cette section) ne tient pas compte des dispositifs existants (bonus/malus, prime à la conversion, leasing social, etc.). 

[34] Les prix et transferts utilisés dans cette partie sont ceux de l’année 2024, qui sont les plus proches des données de 2020 dont nous disposons pour les revenus et patrimoines. Nous présentons nos résultats par décile de patrimoine brut. L’épargne mobilisable est définie comme étant la somme des comptes courants et des livrets. Le revenu disponible correspond au revenu déclaré, aux produits financiers et aux prestations sociales desquels sont retirés l’impôt sur le revenu, la taxe d’habitation, le prélèvement libératoire sur les valeurs mobilières, la CSG, la CRDS et les revenus du patrimoine. 

[35] Une limite de notre méthode est qu’elle considère le même véhicule pour tous les ménages (même si le taux d’actualisation très différent permet de corriger en partie cette hypothèse). Or, les comportements d’achat sont très hétérogènes entre ménages : les ménages modestes achètent moins de voitures neuves et ne se tournent pas vers les mêmes véhicules.

[36] Cela suppose par ailleurs que le ménage n’a aucun autre prêt en cours et qu’il ne combine pas l’endettement avec la mobilisation de son épargne. 

[37] Simulé sur dix ans, avec un taux à 4 %.

[38] L’endettement est cette fois-ci simulé avec un taux de 4 % mais une maturité de dix ans (endettement auquel ont le plus souvent recours les propriétaires qui effectuent des rénovations).

[39] Hainaut H. et al. (2024), Financement de la transition…, op. cit. 

[40] Gourmand L. (2024), « Quels besoins d’investissements pour les objectifs français de décarbonation en 2030 ? », document de travail, direction générale du Trésor, avril. 

[41] Le périmètre d’I4CE est bien plus large que le nôtre notamment sur la partie énergétique, sur les transports (infrastructures ferroviaires et fluviales) et sur le bâtiment (nous ne considérons pas, par exemple, les constructions neuves). Une autre raison toujours, dans le cas d’I4CE, est que les montants sont exprimés en euros courants de 2030 et supposent une inflation d’environ 18 % d’ici là. Enfin, les chiffres de notre étude sont des chiffres moyens pour la période 2024-2030 et incluent une hausse progressive des investissements bas carbone, tandis que les chiffres du Trésor et d’I4CE sont pour l’année 2030 et sont donc mécaniquement plus élevés. 

[42] Fack et Giraudet (2024) ont eux-aussi étudié la rentabilité des rénovations : leur approche, plus granulaire que la nôtre car elle prend en compte d’autres déterminants qui limitent la rénovation des logements, conclut que seulement 5 % des rénovations privées sont rentables, ce qui corrobore nos résultats. Voir Fack G. et Giraudet L.-G. (2024), « Efficacité énergétique des logements : rénover l’action publique », Les notes du Conseil d’analyse économique, n° 81, juin.

[43] I4CE chiffre un besoin d’investissements publics supplémentaires de 71 milliards d’euros en 2030. Encore une fois, ce montant n’est pas directement comparable car nous calculons des transferts assurant aux investissements verts d’être tout juste rentables, ce qui réduit les montants à financer en comparaison à ce que I4CE présente. Voir Hainaut H. et al. (2024), Financement de la transition…, op. cit. 

[44] Actuellement le bonus peut aller jusqu’à 7 000 euros pour les ménages modestes, auquel peut s’ajouter une prime à la conversion allant jusqu’à 5 000 euros pour les ménages très modestes. Ces aides sont cependant peu utilisées. Pour plus de détails, voir Montout S. et Robinet A. (2024), « Le soutien au développement des véhicules électriques est-il adapté ? », La Note d’analyse, n° 139, France Stratégie, juin. 

[45] Voir par exemple le Cour des comptes (2024), Les certificats d’économies d’énergie. Un dispositif à réformer car complexe et coûteux pour des résultats incertains, rapport, juillet. 

[46] Voir par exemple Fack G. et Giraudet L.-G. (2024), « Efficacité énergétique des logements… », op. cit.

Téléchargement

Citer ou exporter

Citer cette publication

APA
Belle-Larant, F., Claeys, G., & Durré, A. (2024, octobre). Investissements bas carbone : comment les rendre rentables [La Note d’analyse, no. 144] (16 pages). France Stratégie.
MLA
Belle-Larant, F., Claeys, G., and A. Durré. Investissements bas carbone : comment les rendre rentables. France Stratégie, La Note d’analyse, no. 144, octobre 2024, 16 p.
ISO 690
BELLE-LARANT, F.; CLAEYS, G.; DURRÉ, A. Investissements bas carbone : comment les rendre rentables. La Note d’analyse, n° 144. France Stratégie, 2024, octobre, 16 p.

Autres options d'export

Pour aller plus loin

Suivez-nous sur les réseaux sociaux et Abonnez-vous à notre lettre d’information