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Point de vue
Publié le
Jeudi 12 Juin 2014
Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective, Président du Comité de suivi du CICE a été auditionné le 12 juin 2014 à 11h à l’Assemblée nationale dans le cadre de la mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
CICE : Jean Pisani-Ferry auditionné à l’Assemblée nationale

Question 1 - Pouvez-vous présenter le rôle du Commissariat général à la stratégie et à la prospective dans l’évaluation du CICE ? Quelles ont été les méthodes de travail retenues pour l’élaboration du premier rapport annuel en octobre 2013 ? Quelles sont les méthodes envisagées pour l’avenir ? Quels sont les moyens dont vous disposez ?

Création et composition du comité de suivi

Le comité de suivi est une instance prévue par l’article 66 de la loi de finances rectificative pour 2012. Le législateur a voulu qu’en même temps que le CICE était instauré soit créée une instance d’évaluation paritaire chargée d’informer en temps réel sur les effets de ce dispositif. C’est une démarche encore trop peu fréquente dans notre pays, que je crois très positive.

Le Premier ministre m’a confié la responsabilité d’animer ce comité. Installé le 25 juillet 2013, il est composé à parité de représentants des 8 organisations syndicales et patronales représentatives au niveau interprofessionnel et des représentants de 8 administrations : DSS, DG Trésor, DGCIS, DGFIP, DGT, DARES, DGEFP, INSEE. Compte-tenu de leur rôle dans la genèse et la mise en œuvre du dispositif j’ai proposé qu’y soient également invités l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et le Commissariat général à l’investissement (CGI). Enfin le comité s’est attaché la collaboration de trois experts : Gilbert Cette (Banque de France), Philippe Askenazy (Ecole d’économie de Paris) et Jacques Mairesse (ENSAE). Claire Bernard et Antoine Naboulet, chargés de mission au CGSP, assurent le secrétariat du comité.

Méthodes de travail

Le comité a d’emblée souhaité mettre en place des méthodes de travail qui assureront l’objectivité et la qualité de ses travaux et évaluations, et notamment des rapports qu’il préparera chaque année pour la discussion sur le PLF. En particulier, nous nous attachons à distinguer et à dissocier les deux tâches que la loi nous a confiées, le suivi et l’évaluation.

Le suivi vise à informer en temps réel sur le déploiement du dispositif, les populations d’entreprises concernées, les montants en jeu, ainsi que la prise en compte du CICE dans les procédures de décision, de consultation et de reporting interne aux entreprises. Il s’appuie sur les données produites au fil de l’eau par l’administration centrale (DGFIP, INSEE …) et autres organismes concernés (ACOSS, BPI-France …), ainsi que sur des auditions de praticiens et personnalité qualifiées.

L’évaluation vise à mesurer les effets propres du CICE sur les comportements microéconomiques des entreprises, puis sur la dynamique macroéconomique. En un mot, il s’agit de comparer le comportement des entreprises à la suite de la mise en place du CICE à ce qu’il aurait été en l’absence du CICE.

Au contraire de la précédente, cette démarche repose sur la disponibilité de données individuelles sur les entreprises et sur la possibilité de comparer les comportements d’entreprises bénéficiant du CICE à ceux d’entreprises analogues n’en bénéficiant pas. Des évaluations de ce type vont être engagées et donner lieu à des travaux confiés à des équipes de chercheurs via des appels à projet. Cela sera possible dès que les données correspondantes seront disponibles. Nous avons déjà lancé un appel à idées fin 2013 pour sensibiliser le monde académique à la problématique, nous lancerons un premier appel d’offre au second semestre 2014, pour une première série d’études quantitatives dont les résultats seront disponibles en 2015-2016. En 2016-2017, ces résultats serviront eux-mêmes d’input pour des évaluations macroéconomiques, afin de passer de l’observation du comportement individuel des entreprises à des grandeurs agrégées comme l’emploi, l’investissement ou le commerce extérieur.

L’évaluation ne sera pas que quantitative. Le CGSP apporte son concours à la DARES pour un appel à projet de recherche sur les comités d’entreprises destiné à recueillir des éléments qualitatifs sur les pratiques d’information/consultation des comités d’entreprise. Ses résultats sont attendus pour la fin 2015.

Le comité est bien entendu conscient que ces délais, qui tiennent en partie à la forme prise par le dispositif, sont importants. C’est pourquoi il a souhaité disposer d’un outil de suivi de l’utilisation du CICE. L’INSEE a bien voulu ajouter des questions sur le CICE à son enquête de conjoncture auprès des entreprises de l’industrie et des services. Ces questions, qui seront posées chaque trimestre, portent sur le montant du CICE et son utilisation. La première vague a eu lieu en Janvier 2014. La deuxième est en cours.

Le tableau ci-dessous résume le planning des opérations de suivi et d’évaluation.

CICE réponses de Jean Pisani-Ferry

 

Pour ses travaux, le comité mobilise les différentes ressources statistiques des administrations membres. Les outils d’information existants ont été modifiés à cette fin. S’agissant des études d’évaluation du CICE, aucun budget spécifique n’a été à ce stade prévu par la Loi. Les premières d’entre elles seront financées sur le budget d’étude du CGSP.

Question 2 – Quel est le niveau de mobilisation des entreprises pour bénéficier du CICE ? Les entreprises ont-elles réagi rapidement après l’adoption du dispositif par le Parlement ?

On ne dispose pas d’information à ce stade sur le taux de recours effectif au dispositif, mais seulement des informations sur les taux de déclarations aux URSAFF qu’il faudra confronter aux taux de recours effectifs lorsqu’ils seront disponibles à partir de sources fiscales, en juillet ou août 2014.

On a constaté au cours de l’année 2013 une montée en charge des déclarations de l’assiette CICE aux URSSAF. Fin 2013, environ 80% des entreprises éligibles au CICE avaient effectué une déclaration. L’ACOSS disposera bientôt de chiffres actualisés.

On dispose par ailleurs des données de Bpifrance sur le recours au préfinancement mais celles-ci ne concernent qu’une fraction des entreprises.

Question 3 – Quel est le profil des entreprises y ayant recours (en termes de taille, de secteur, de localisation, de statut, de position dans la chaîne de valeur et d’exposition à la concurrence internationale) ?  

Il n’est pas possible à ce stade d’observer précisément le profil des entreprises ayant recours au CICE mais le rapport du comité d’octobre 2013 fournissait, à partir d’observations statistiques, un ensemble de données sur les entreprises éligibles par secteur, localisation, statut exportateur et taille d’entreprise. La base de ces estimations est constituée par les données sur les distributions des salaires par établissement datant de 2011.

Globalement, 65,7% de la masse salariale des entreprises (ayant au moins 1 salarié) entre dans l’assiette du CICE ; cette proportion s’élève à 82,5% pour les micro-entreprises et à 56% pour les grandes entreprises.

Des différences sectorielles existent quant au bénéfice tiré du CICE, en fonction des effectifs salariés du secteur et de la distribution des salaires :

  • Les secteurs dont la masse salariale est la plus importante bénéficient plus du CICE en montant. C’est le cas par exemple de l’industrie manufacturière qui bénéficie de 18,3% du montant total du CICE contre 5,4% dans le secteur hébergement restauration.
  • Les secteurs ayant des salaires en moyenne plus faibles, bénéficient d’une part plus importante de CICE en proportion de leur masse salariale. Ainsi 62,8% de la masse salariale dans l’industrie manufacturière est rémunérée en dessous du seuil de 2,5 SMIC contre 90% du secteur hébergement restauration.

Des différences régionales existent également, principalement entre l’Ile de France et les autres régions :

  • En Ile de France 45% de la masse salariale entre dans l’assiette du CICE, alors que toutes les autres régions ont au moins 69% de leur masse salariale concernée (jusqu’à 81% en Limousin)

L’effet sur les entreprises exportatrices doit s’apprécier directement et indirectement. Directement, le ciblage ne leur est pas particulièrement favorable parce qu’elles ont en moyenne des salaires plus élevés. Mais le bénéfice indirect pour les exportatrices via leurs fournisseurs qui bénéficient du CICE doit aussi être pris en compte. Il ne faut pas oublier que les consommations intermédiaires de services entrent pour une part importante dans les produits exportés. Sur la base des mêmes données,

  • 46% de la masse salariale des entreprises exportant pour plus de 35% de leur CA est éligible au CICE, contre 79% pour les entreprises non exportatrices
  • 38% du montant total du CICE devraient bénéficier aux entreprises non exportatrices, 35% à celles dont les exportations représentent moins de 5% du CA, et 27% à celles exportant pour plus de 5% de leur CA.

Question 4 – Y a-t-il des réticences des entreprises à en faire la demande ? Pour quelles raisons ? Certains secteurs ou tailles d’entreprises sont-ils plus particulièrement concernés ?

Au-delà de telle ou telle anecdote, aucune indication précise ne suggère une réticence des entreprises à satisfaire à leurs obligations déclaratives.

Question 5- Que savez-vous de l’affectation des fonds dégagés par le CICE ?

Il sera toujours très difficile de répondre à la question de l’affectation des fonds, car la traçabilité de l’usage du CICE ne peut être comptablement certaine. Il y a deux raisons à cela : premièrement, le fait générateur du CICE est relatif à un exercice mais son bénéfice est décalé dans le temps et s’étend sur plusieurs exercices. Deuxièmement, le CICE n’est pas une subvention de montant donné que l’entreprise pourrait affecter à tel ou tel usage ; au contraire, son montant lui-même dépendra du comportement de l’entreprise.

Prenons le cas de deux entreprises dont dix salariés entrent dans le champ du CICE et dont la masse salariale éligible est de 1000. Ex ante, avant tout changement de comportement, ces entreprises devraient donc bénéficier au titre de 2013 d’un CICE de 40.

  • L’entreprise A utilise son CICE pour accroître son investissement de 40 ;
  • L’entreprise B embauche un salarié supplémentaire, sa masse salariale passe à 1100 et son CICE à 44. Elle produit plus et vend plus, pour cela elle baisse ses prix mais le CICE lui permet de maintenir son épargne inchangée.

Ex post, on observera simplement le comportement de ces entreprises sans pouvoir le comparer à celui qui aurait été le leur en l’absence de CICE. Comptablement, la première entreprise a « affecté » son crédit d’impôt à l’investissement, mais qu’a fait la seconde ? On ne peut réellement parler d’affectation. Et à supposer qu’on parvienne à isoler l’impact du CICE sur les comptes de l’entreprise, sur quelle base pourrait-on dire que le premier comportement est préférable au second, ou vice-versa ?

Il serait donc illusoire de tenter de retracer de manière comptable quel usage a été fait du CICE, que ce soit pour une entreprise particulière ou a fortiori au niveau agrégé.

Ce que le comité de suivi va s’efforcer de faire, c’est de comparer l’évolution des entreprises qui bénéficient du CICE à celle des entreprises analogues qui n’en bénéficient pas. Supposons par exemple que l’on puisse isoler un ensemble d’entreprises à tous égards identiques, à l’exception du fait que les salariés des entreprises de la première catégorie gagnent 2,49 SMIC contre 2,51 SMIC pour la deuxième catégorie. En comparant les embauches, les investissements et les exportations de ces deux catégories d’entreprises, on pourrait déterminer l’impact du CICE. C’est ce type d’évaluation que le comité va s’attacher à réaliser avec le concours d’équipes de recherche universitaire.

A ce stade de toute façon les informations disponibles sont extrêmement limitées. Les entreprises commençant tout juste à bénéficier effectivement du CICE, il n’est pas encore possible de disposer d’évaluations de ce type.

S’agissant de l’enquête INSEE, pour la première vague le taux de réponses aux questions sur le CICE a été relativement faible[1], pour trois raisons : la nouveauté des questions, leur complexité et le fait qu’au mois de Janvier les entreprises avaient alors encore peu de visibilité sur le CICE. On ne peut donc pas exclure que les entreprises se soient trompées sur la nature des questions posées et soient amenées à réviser leur réponse.

Néanmoins, les résultats de l’enquête de Janvier 2014 donnent deux types d’informations sur l’utilisation du CICE.

  • Au mois de Janvier 2014, les entreprises étaient plus nombreuses à déclarer que le CICE sera utilisé pour financer des investissements que pour créer ou préserver des emplois, augmenter les salaires ou baisser les prix.
  • Les réponses semblent très liées à la situation conjoncturelle et aux priorités de l’entreprise. Celles qui ont une vision positive de la situation conjoncturelle prévoient un usage du CICE plus fortement orienté vers l’emploi ; celles prévoyant d’investir en 2014 déclarent plus fréquemment qu’il sera mobilisé pour l’investissement, tandis que celles faisant état d’une dégradation sur leur position compétitive dans l’UE privilégient une affectation pour baisser leurs prix. Autrement dit le CICE est perçu comme une ressource flexible, utilisable en fonction des priorités de l’entreprise.

Part des entreprises déclarant que le CICE aura un effet sur l’emploi, l’investissement, les salaires ou les prix. Plusieurs réponses possibles

CICE réponses de Jean Pisani-Ferry

 

Source : enquête de conjoncture INSEE, Janvier 2014

Effet du CICE et opinion des chefs d’entreprise sur l’évolution probable au cours des 3 prochains mois de l’activité du secteur

CICE réponses de Jean Pisani-Ferry

 

Note de lecture : Les entreprises industrielles qui ont répondu en janvier qu’elles pensaient que le volume de la production industrielle allait augmenter au cours des trois prochains mois sont relativement plus nombreuses à utiliser le CICE pour embaucher que celles ayant répondu que ce volume allait baisser.

Ainsi, entre les entreprises industrielles qui ont une opinion sur le secteur en hausse et celles qui ont une opinion en baisse, il y a 15 points de différence sur la part d’entreprises qui répond « oui » à l’effet du CICE sur le niveau d’emploi en 2014.

Source : enquête de conjoncture INSEE, Janvier 2014

Question 6- Est-il possible d’anticiper ou de constater les premiers effets macroéconomiques du CICE ? En particulier, dans quelle mesure pourrait-il permettre une relance des exportations ?

Les économistes disposent deux types d’outils permettant d’estimer les effets d’une mesure telle que le CICE sur des variables comme l’emploi ou la compétitivité : les modélisations ex-ante et les évaluations ex-post. Les premières permettent d’estimer ou d’anticiper les effets à priori, les secondes de constater et mesurer les effets a postériori. La mission du comité de suivi est de produire des mesures a posteriori. A cette date, on ne dispose encore que d’estimations a priori.

En France les trois principaux modèles macroéconomiques sont le modèle e-mod.fr à l’OFCE, le modèle MESANGE de l’INSEE, de la DARES et du Trésor et le modèle NEMESIS de l’équipe ERASME. Ces trois modèles ont été mobilisés pour prévoir les effets du CICE, mais les résultats n’ont pas tous été publiés.

Selon l’évaluation de Mathieu Plane (OFCE) à partir du modèle e-mod.fr, « la mise en place du CICE engendre progressivement des gains de parts de marché qui contribuent positivement à l’activité par le biais de l’amélioration du solde extérieur (0,4 point de PIB 2015 et en 2016) ». Cet effet s’atténue ensuite (0,3 point de PIB en 2017) en raison de l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages qui entraîne une moindre réduction des importations. Les effets sur l’emploi s’élèveraient à 150 000 emplois créés ou sauvegardés à 5 ans.

Les modèles MESANGE et NEMESIS (pour la DGCIS) ont eux aussi été mobilisés pour réaliser des chiffrages, mais leurs estimations des effets sur la compétitivité n’ont pas été rendues publiques.

Ces modèles macro-économiques sont une représentation très simplifiée l’économie française, ils reposent sur des paramètres représentant les réactions des agents –entreprises, ménages- à une mesure. Par exemple, dans le cas du CICE, l’élasticité du travail à son coût et les élasticités-prix des imports et des exports constituent des paramètres clés. Ces paramètres sont estimés ex –ante et reposent donc sur des hypothèses sur les réactions des agents à la mesure évaluée.

C’est pour cette raison que des évaluations ex-post à partir de données individuelles d’entreprises sont nécessaires. Ces évaluations – que le comité de suivi va lancer à la rentrée prochaine- s’appuieront sur les données fiscales et des données d’enquête et chercheront à identifier l’effet de la mesure en l’isolant, autant que faire se peut, de l’effet d’autres mesures ou des effets de conjoncture. Elles nécessitent du temps pour trois raisons :

  • Le temps que les entreprises bénéficient effectivement du CICE et le répercutent sur leurs décisions. Ce n’est encore que partiellement le cas à ce stade ;
  • Le temps que les données soient produites et mises à disposition des équipes de recherche
  • Le temps que les recherches elles-mêmes soient effectuées et rendues publiques.

Il faudra attendre 2015 pour avoir des premiers résultats d’évaluation et 2016 les résultats définitifs sur les effets à court terme du CICE sur la compétitivité des entreprises françaises.

Question 7 : Que savez-vous de l’effet du mode de financement choisi, en particulier sur le pouvoir d’achat des ménages et la consommation ?

A l’origine le CICE était financé pour moitié par des économies en dépenses, résultant de la modernisation de l’action publique, et pour moitié par des recettes nouvelles devant provenir d’une refonte des taux de TVA à partir du 1er janvier 2014 (pour 2/3 des recettes), et de la mise en place d’une nouvelle fiscalité environnementale (pour 1/3).

La réforme de la TVA est effective et devrait apporter 5,6 milliards de recettes. La baisse des dépenses publiques est inclue dans le plan de 50 milliards. La fiscalité environnementale n’est pas encore en place.

Se pose ici encore un problème d’affectation : si la hausse de la TVA peut être affectée au CICE, rien ne permet de dire quelles réductions de dépense y correspondent. Dans la mesure où celles-ci peuvent avoir des impacts différents, les évaluations devront nécessairement recourir à des hypothèses conventionnelles.

Question 8 - Quel bilan pouvez-vous faire du préfinancement, par Bpifrance et par les banques privées ?

Il faut bien distinguer le CICE comme mécanisme global et le préfinancement qui est un dispositif associé et qui n’a pas vocation à être mobilisé par toutes les entreprises. Il permet de bénéficier d’un effet de trésorerie dès l’année de versement des salaires servant au calcul du CICE, au lieu d’attendre l’imputation du CICE sur l’impôt versé à partir de N+1.

Le préfinancement correspond à la vente à un organisme bancaire d’une créance « en germe » qu’à l’entreprise sur le Trésor Public. Bpifrance en est le principal acteur, soit en tant que préfinanceur direct (mobilisation de créance), soit en que gestionnaire du fond de garantie auquel les autres banques peuvent faire appel pour « sécuriser » les préfinancements qu’elles attribuent.

Sur l’année 2013, le volume total du CICE ayant fait l’objet d’un préfinancement pour l’année s’élève à près de 1,5 milliards (sur les 13 milliards du CICE prévu pour 2013).

Sur ce total, Bpifrance a traité 12 000 dossiers de demandes, pour une valeur totale de préfinancement accordés de 800 millions d’euros. La moitié des 12 000 dossiers traités par Bpifrance concerne des montants de CICE inférieurs à 17 000 euros, ce qui reflète le fait qu’elle a fortement été sollicitée par des PME.

A l’inverse, les banques commerciales n’ont en 2013 que rarement pris part au préfinancement, excepté pour quelques très grandes entreprises bénéficiant de montants élevés de CICE : de ce fait leur préfinancement s’élève à près de 600 millions d’euros.

Perspectives 2014 :

  • Bpifrance connaît depuis le début de l’année une forte croissance des demandes de préfinancement : 4833 dossiers traités pour plus de 570 millions d’euros ;
  • C’est le signe que la connaissance du dispositif se répand et que son accessibilité ne semble pas problématique.

CICE réponses de Jean Pisani-Ferry

 

Question 9 - Les tentatives de  » captation par les donneurs d’ordre  » des bénéfices du CICE, observées en 2013, se poursuivent-elles ? Que savez-vous de leur ampleur ?

Après la mise en place du dispositif, des témoignages de chefs d’entreprise ont dénoncé « la captation par les donneurs d’ordre » des bénéfices du CICE. Certains donneurs d’ordre auraient contraint leurs sous-traitants à répercuter les gains du CICE sur leurs prix avant même qu’ils en aient effectivement bénéficié.

Que le CICE affecte les prix des transactions interentreprises est normal et peut même être souhaitable. Dans les secteurs soumis à une forte concurrence internationale par les prix, par exemple, il est souhaitable que le bénéfice du CICE soit répercuté tout au long de la chaine de valeur. En revanche, il faut distinguer entre les négociations qui se tiennent à l’occasion du renouvellement de contrats et des tentatives d’extorsion du bénéfice du crédit d’impôt au mépris des contrats en vigueur.

Pour faire le point sur l’existence de pratiques de « captation » du CICE par les donneurs d’ordre, le comité de suivi a auditionné Pierre Pelouzet, médiateur des relations inter-entreprises, et Odile Cluzel, chef du bureau commerce et relations commerciales à la DGCCRF[2] en Septembre 2013.

Les services du médiateur avaient reçu une saisine collective de la part de la Fédération du travail temporaire. Elle comprenait des courriers envoyés par des donneurs d’ordre, demandant explicitement à leur fournisseur des remises de prix sur des contrats en cours, au titre du CICE. Les cas soumis au médiateur concernaient des relations entre de grandes entreprises et de petits fournisseurs. Ces courriers semblaient avoir été le fait d’initiatives locales, que les directions générales de ces entreprises se sont engagées à faire cesser.

D’un point de vue juridique, la DGCCRF a en effet jugé que de telles pratiques étaient contraires à l’article L. 442-6 du code de commerce et donc passibles de sanction. En réaction à ces pratiques, la DGCCRF a mis en place un plan de communication avec les ministres concernés afin d’alerter sur ces tentatives de captation et a lancé des enquêtes dont les résultats n’étaient pas encore connus au moment de l’audition.

Depuis Septembre 2013, la DGCCRF n’a pas eu connaissance d’éléments significatifs nouveaux concernant le CICE, si ce n’est quelques signalementspeu nombreux qui n’ont rien donné.

Selon eux, le sujet n’est pas revenu au premier plan depuis l’été dernier. Le faible nombre d’informations sur des pratiques abusives est consécutif à la campagne d’information lancée par le Ministère et le Médiateur interentreprises, mais également au fait que le CICE est intégré dans l’offre de prix et est intégré par ce biais dans la négociation commerciale.

Cette question pourra être documentée dans le cadre des évaluations ex-post du CICE en regardant les effets du CICE sur le comportement des entreprises en fonction de leur position dans la chaîne de valeur.

Question 10 – Où en est l’installation des comités régionaux de suivi ?

Le mandat du comité de suivi que je préside ne couvre pas la mise en place des comités de suivi régionaux. Nous sommes évidemment tout disposés à assurer un rôle d’information et de coordination, et à agréger l’information qu’ils collecteront.

[1] 40% de taux de réponse dans le secteur des services, 50% dans l’industrie

[2] Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Auteurs

Jean Pisani-Ferry
Jean
Pisani-Ferry
Anciens auteurs de France Stratégie