Back to
Actualités
Publié le
Mercredi 27 Novembre 2013
Quelle France dans 10 ans ? Contribution de Marc-Olivier Padis, directeur de la rédaction de la revue Esprit : « Retrouver la mobilité sociale »
Quelle France dans dix ans ?
Marc-Olivier Padis

Imaginer la France dans dix ans suppose d’abord de surmonter le déficit de projection dans l’avenir qui caractérise l’actuel pessimisme hexagonal. Indice de cette inquiétude de l’avenir, le manque de confiance — confiance entre citoyens, confiance envers les institutions, confiance dans l’avenir — atteint des sommets. Et l’Etat semble mal équipé pour répondre à une crise de « confiance », une notion difficile à manier en termes de dispositifs publics. Comment en effet « produire » un sentiment collectif qui est justement la pré-condition d’un projet commun ou, au mieux, un résultat indirect d’une action publique bien menée ? Les institutions de la protection sociale garantissent une solidarité concrète, qui est la forme organisée la plus proche de notre idéal de « fraternité ». Mais pourquoi parle-t-on désormais plus volontiers de « confiance » que de « solidarité » ? Avec la crise du travail et de l’Etat-providence, le lien social n’apparaît plus soutenu et renforcé par la solidarité mécanique du monde salarial ou par le traitement homogène et égalitaire des citoyens dans l’esprit du service public. On évoque donc, en amont des effets anti-inégalitaires de la redistribution, un lien pré-politique qui fortifie l’adhésion au principe même de la vie collective.

 

Quelles sont donc les stratégies d’action publique propres à rétablir ce lien minimal entre les individus qu’on dénomme désormais « cohésion sociale » ? Cette interrogation dépasse les confrontations politiques sur la rigueur ou le retour à l’équilibre des comptes sociaux, qui portent pour l’essentiel sur le juste niveau des prestations prélevées et redistribuées. C’est en effet la compréhension même de la dynamique inégalitaire actuelle qui est en jeu. Le malaise de la crise en cours n’est pas seulement dû au ralentissement économique mais surtout à l’illisibilité des nouvelles inégalités qui en découle : tout le monde pense porter l’essentiel de l’effort collectif, ou se sent autorisé à s’en plaindre. Car le système d’assurance et de mutualisation qui fonctionnait pour un monde salarial stable, inspiré par un modèle industriel, découpant la population en catégories homogènes, avec la certitude qu’une croissance indéfinie apaiserait à terme toutes les contradictions ne permet plus aujourd’hui de limiter les effets inégalitaires de l’économie. C’est pourquoi l’approche catégorielle du malaise social est d’avance vouée à l’échec. Les transferts de revenus (maladie, chômage, retraite) ne suffisent plus à construire des sécurités valables pour tous car les inégalités dépendent désormais aussi des opportunités ouvertes aux individus et à leurs capacités à les saisir. Se sentir partie prenante du projet collectif, c’est-à-dire accorder de la confiance aux institutions, c’est pouvoir vérifier qu’on bénéficie d’un accès à des opportunités de formation, de travail, de reconnaissance à peu près égal à la moyenne de ses concitoyens (ou aux représentations qu’on en a, d’où l’importance de rendre le pays moins opaque à lui-même).

[...]

Tous nos travaux sur  :