Son mandat ne fut pas des plus faciles : nommé Commissaire-adjoint au lendemain du premier choc pétrolier, puis Commissaire à la veille du second, à l'heure où la France commençait à peine à prendre conscience qu'elle ne retrouverait pas la croissance des décennies d'après-guerre, il dut adapter les méthodes de la programmation publique à un univers profondément transformé par la volatilité macroéconomique, l'inflation et le chômage. Les gouvernants de l'époque et notamment Raymond Barre, dont il était proche, ont beaucoup bénéficié de son intelligence, de sa lucidité et de sa franchise.
Successivement fonctionnaire français et européen, assureur, banquier central, académicien enfin, Michel Albert a eu plusieurs vies. Mais toutes ont été marquées par ses fulgurances et l'infatigable volonté d'explication d'un homme qui voulait avant tout comprendre les mutations de notre monde et faire comprendre ce qu'elles impliquaient. Les Français se rappellent ses livres, notamment Capitalisme contre capitalisme, et son émission de télévision de 1984, Vive la crise !, en duo avec Yves Montand. Jusqu'au bout il a gardé son esprit pénétrant et sa volonté de rendre le réel intelligible à tous.
Michel Albert a aussi été un remarquable président du CEPII, qu'il avait contribué à créer à la fin des années soixante-dix. J'ai eu le privilège d'exercer les fonctions de directeur du Centre sous son magistère, et garde des échanges avec lui un souvenir très vif.
Ceux d'entre nous qui l'ont connu, comme ceux qui n'ont pas eu cette chance, savent qu'une figure marquante de l'histoire de cette maison vient de nous quitter.
Jean Pisani-Ferry, Commissaire général de France Stratégie
