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Publié le
Jeudi 20 Octobre 2022
Le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital a été installé à France Stratégie en décembre 2018, c’est-à-dire un an après le lancement de l’instauration d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus de l’épargne, et le remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt recentré sur la fortune immobilière (IFI). En outre, la baisse de l’impôt sur les sociétés (IS), complémentaire de ces transformations, a été programmée, avec un taux normal de 25 % pour toutes les entreprises à partir de 2022. Trois rapports ont été publiés en 2019, 2020 et 2021. La présidence du comité est désormais assurée par Cédric Audenis, commissaire général adjoint de France Stratégie, qui prend la suite de Fabrice Lenglart.
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 Téléchargez le résumé - évaluation des réformes de la fiscalité du capital – Actualisation des données

Consultez le point de vue « Les gros dividendes se sont maintenus en 2020,
les plus-values mobilières sont en repli »

Afin d’apporter des éclairages complémentaires sur les effets des réformes de la fiscalité du capital, le comité a souhaité financer de nouveaux projets de recherche avec l’appel à projets de recherche lancé par France Stratégie au printemps 2022. L’institut des politiques publiques (IPP) a été retenu à l’issue de l’examen des offres, avec un projet qui portera sur les axes suivants :

  • les effets diffus sur l’économie du PFU et/ou de la transformation de l’ISF en IFI ;
  • l’impact spécifique sur la dynamique de créations d’entreprises ainsi que sur le financement des entreprises en croissance du PFU et/ou de la transformation de l’ISF en IFI ;
  • les conséquences sur la trajectoire des entreprises de l’expatriation/impatriation de leurs propriétaires.

Les travaux de l’IPP seront finalisés en septembre 2023, et viendront alimenter le prochain rapport du comité d’évaluation en octobre 2023.

En attendant, le comité a demandé aux administrations d’actualiser les principales données disponibles, qui sont ici synthétisées (voir les documents joints [1] pour une analyse plus détaillée).

1.  Concernant le positionnement de la France en comparaison internationale

Exprimés en pourcentage du PIB, les prélèvements sur le capital en France – soit l’ensemble des prélèvements sur les ménages et les entreprises au titre d’une détention, d’un revenu ou d’une transmission de patrimoine – s’établissent en 2020 au même niveau qu’en 2017, le dynamisme des assiettes taxées compensant les baisses de taux d’imposition engagées depuis 2018. 

Ils demeurent parmi les plus élevés en termes de standards internationaux. Ceci s’inscrit dans un contexte plus général où, pour financer le niveau de nos dépenses publiques et notamment de nos dépenses de protection sociale, le taux de l’ensemble des prélèvements obligatoires en France est plus élevé qu’ailleurs. En 2020, les recettes de taxation sur le capital représentent 23 % des prélèvements obligatoires, contre une moyenne de 20 % dans l’Union européenne.

2.  Concernant l’évolution du contexte macrofinancier en France

L’observation des grandes variables économiques – croissance, investissement, flux de placements financiers des ménages, etc. – avant et après les réformes ne suffit pas pour conclure sur l’effet réel de ces réformes. En particulier, il n’est pas possible d’estimer par ce seul moyen si la suppression de l’ISF a permis une réorientation de l’épargne des contribuables concernés vers le financement des entreprises. Les fluctuations des variables agrégées résultent de l’addition de multiples facteurs, de natures très diverses, en particulier depuis 2020 avec la crise liée à la pandémie de Covid-19. Cela posé, voici ce qu’on observe en 2021 :

  • les flux de placements financiers des ménages restent à un niveau élevé en 2021 à 166 milliards d’euros (contre un flux d’environ 200 milliards en 2020 et 110 milliards en 2018-2019). Au sein de ce total, les placements en actions (détenues directement ou indirectement) et en assurance-vie en unités de compte se montent à 54 milliards en 2021, soit 33 % des placements financiers des ménages, une part supérieure à celle observée habituellement ;
  • pour les sociétés non financières, les flux de financement en actions sont à nouveau en hausse en 2021, les émissions d’actions non cotées étant largement supérieures à leur moyenne passée (98 milliards contre 55 milliards), les émissions d’actions cotées restant proches de leur moyenne passée (18 milliards contre 13 milliards).

3.  Concernant l’évolution de la distribution des revenus de capitaux mobiliers et des patrimoines en France depuis 2018

En 2020, les dividendes éligibles au PFU se sont maintenus à un niveau comparable à celui des deux années précédentes (23,6 milliards d’euros, contre 24,2 milliards en 2019 et 23,2 milliards en 2018), en nette hausse par rapport à 2017 (14,3 milliards d’euros). Les plus-values mobilières, de droit commun ou avec abattement renforcé, se sont élevées à 15 milliards d’euros en 2020, en repli de 2 milliards environ par rapport à 2018 et 2019. Enfin, les intérêts se sont élevés en 2020 à 4,2 milliards d’euros, contre 4,6 milliards en moyenne les deux années précédentes, suivant la baisse tendancielle des taux d’intérêt constatée depuis plusieurs années. L’ensemble de ces revenus du capital est en hausse de 7 milliards d’euros (+21 %) en 2020 par rapport à 2017, et en baisse de 2 milliards d’euros par rapport à 2019 (-6,5 %).

Comme l’ont montré les deux précédents rapports du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital [2], un petit nombre de ménages concentre la plus grande partie des volumes de revenus de capitaux mobiliers. C’est particulièrement vrai pour les plus-values mobilières perçues lors des ventes d’actions, mais c’est également le cas des dividendes éligibles au PFU, et dans une moindre mesure pour les intérêts. Par rapport à 2018 et 2019, le niveau de concentration de ces revenus a relativement peu évolué en 2020.

La concentration des dividendes éligibles au PFU est très stable en 2020, par rapport aux deux années précédentes. 64 % des dividendes sont perçus par des foyers déclarant plus de 100 000 euros de dividendes en 2020, un niveau comparable à celui de 2018-2019 (63 %) et beaucoup plus élevé qu’en 2017 (44 %). Les montants de dividendes supérieurs à 1 million d’euros comptent pour 24 % du total en 2020, contre 26 % en 2018-2019, soit plus de deux fois plus qu’en 2017 (10 %).

La concentration des plus-values mobilières réalisées a elle aussi augmenté depuis la réforme de 2018 : 3 900 foyers (0,01 % des foyers) concentrent 71 % des plus-values de droit commun en 2020, contre 62 % en 2017. Mais elle a légèrement diminué en 2020, la baisse des montants distribués par rapport à 2019 s’expliquant essentiellement par celle des plus-values supérieures à 1 million d’euros.

La littérature suggère que certaines personnes, lorsqu’elles peuvent choisir leur forme de rémunération (indépendants, professions libérales, hauts dirigeants d’entreprise), sont incitées à se rémunérer sous la forme du revenu le moins taxé. Cela laissait craindre que la mise en place du PFU se traduise par une redénomination des revenus d’activité vers les revenus du capital. Pour l’année 2020, comme pour l’année 2019, l’analyse des données fiscales ne montre pas de signe d’une redénomination importante des revenus : les ménages dont les dividendes ont crû très fortement en 2020 par rapport à 2017 n’ont en moyenne pas réduit leurs revenus d’activité (voir graphique 1).

Graphique 1. Évolution des revenus entre 2017 et 2020 des foyers
dont les dividendes éligibles au PFU ont augmenté…

PDV - Gros dividendes et plus-values - Graphique 2
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Champ : foyers fiscaux constitués des mêmes déclarants de 2017 à 2020.

Lecture : parmi les foyers fiscaux dont les dividendes soumis au PFU ont augmenté de plus de 100 000 euros entre 2017 et 2020, les salaires ont baissé de 9 000 euros en 2018 par rapport à 2017 et de 12 000 euros en 2019 et 2020 par rapport à 2017.

Source : calculs France Stratégie, à partir des données POTE 2017, 2018, 2019 et 2020 de la DGFiP

4.  Concernant les départs et retours des contribuables soumis à l’imposition sur le patrimoine

Depuis le passage de l’ISF à l’IFI, on observe une baisse du nombre d’expatriations et une hausse du nombre d’impatriations fiscales de ménages français soumis à l’imposition sur le patrimoine, si bien que depuis 2018, le nombre de retours de foyers taxables à l’IFI dépasse le nombre de départs (380 versus 220 en 2020), alors qu’on constatait l’inverse pour les flux de contribuables à l’ISF (470 versus 1 020 en 2016). Cette évolution porte toutefois sur de petits effectifs, de l’ordre de quelques centaines, à comparer avec les quelques 150 000 contribuables assujettis à l’IFI.

Graphique 2. Évolution des départs et retours des contribuables
assujettis à l’ISF (jusqu’en 2017) puis à l’IFI

Actualité - ISF - Graphique 2
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Lecture : en 2020, 220 contribuables à l’IFI se sont expatriés fiscalement, tandis que 380 contribuables de retour en France sont nouvellement assujettis à l’IFI. Le solde des retours, nets des départs, s’établit ainsi à +160, positif pour la troisième année consécutive.

Source : DGFiP

Les opinions exprimées dans ces documents engagent leurs auteurs
et n'ont pas vocation à refléter la position du gouvernement


[1] Voir Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital (2022), « Actualisation des données disponibles », Complément n° 1, « Les dernières données sur la position de la France en matière de recettes de fiscalité sur le capital » (6 p.), Complément n° 2, « Départs et retours des redevables de l’IFI depuis 2018 » (10 p.) et Complément n° 3, « Contexte macrofinancier » (5 p.), octobre. Voir également Dherbécourt C. (2022), « Les gros dividendes se sont maintenus en 2020, les plus-values immobilières sont en repli », France Stratégie, Point de vue, octobre.