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Événements
Publié le
Mercredi 14 Septembre 2022
Lundi 10 Octobre 2022
08h45 à 12h00
Alors que la France devient un des pays où la connectivité Très haut débit est une des plus avancée en Europe, elle n'est adoptée que par 1 entreprise sur 3. Comment expliquer ce décalage, et le corriger ?

La connectivité des entreprises françaises progresse. Elles sont de plus en plus nombreuses à disposer d’une connectivité de haute qualité. Pourtant la part de celles disposant d’un abonnement THD n’était que de 32% en 2020 selon l’Arcep*. Les indicateurs européens font également état d’un certain retard dans la transformation numérique du tissu des TPE/PME alors même que la France devient un des pays où la connectivité Très haut débit est une des plus avancée en Europe. Quelles sont les raisons d’un si faible niveau d’adoption ? Quelles sont les stratégies des entreprises en matière de connectivité THD et pourquoi la fibre n’attire-t-elle pas encore une majorité d’entre elles ? Quelles conséquences de l’extinction du réseau cuivre ? Les offres du marché sont-elles adaptées, pour quels besoins, quelles pratiques et quels usages?

*Observatoire des marchés de communication électronique : le marché entreprises, déc. 2021 


Compte rendu du colloque

« À quoi sert le réseau si nous n’en avons pas les usages ? » C’est avec cette question que le débat est introduit par Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, puis de Pierre-Jean Benghozi, président du comité d’évaluation et directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique. Alors que la France compte parmi les pays les mieux connectés à la fibre en Europe, on constate en effet, au niveau industriel, un modeste niveau d’adoption de la fibre qui s’accompagne d’une faible numérisation de ces entreprises. Pour éclairer ce paradoxe, les débats du séminaire ont porté d’une part sur la nature des offres de connectivité et de services des opérateurs et, d’autre part, sur la nature de l’évolution des besoins des entreprises et les perspectives de transformation à l’horizon d’une dizaine d’années.

 

Table ronde n°1 : Quelle connectivité au service des entreprises ?

Ariel Turpin, membre du Comité des parties prenantes et délégué général d’AVICCA, ouvre la première table ronde en cherchant à comprendre pourquoi, selon le baromètre Infranum[1], 20 % des entreprises déclarent ne pas vouloir de la fibre et rester sur le réseau cuivre, alors que celui-ci sera fermé d’ici quelques années. Frédéric Bourassa, statisticien à l’OCDE, confirme que la France se hisse à la deuxième place, derrière la Suisse, en matière d’abonnement au haut débit fixe (supérieur à 30Mbit/s), parmi les pays de l’OCDE, alors qu’elle n’occupe que la septième place pour la part de fibre dans le total des connexions. Il souligne la diversité des situations nationales en relevant, à titre de comparaison, que face à la fragmentation géographique, l’Espagne a choisi de mener une politique de déploiement différenciée en optant pour une régulation asymétrique entre les collectivités locales.

Crédit photos : Thierry Marro
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Quels sont alors les freins au raccordement pour les entreprises en France ? Soline Olszanski, directrice commerciale pour IELO, met en avant le statut de la connectivité, qui est devenue une infrastructure incontournable et dont les entreprises ne peuvent plus se passer. Elle constate que la demande de FttO (Fiber To The Office), fibre dédiée de bout en bout, avec une haute disponibilité et une bande passante garantie, croît plus rapidement que le FttH (Fiber To The Home), qui était jusqu’ici le choix de nombreuses entreprises PME.

Pour Brice Messier, directeur général de COVAGE, la connectivité des entreprises est devenue une variable déterminante du développement économique local et elle contribue à l’attractivité des territoires. Cependant, la question du développement des usages reste entière car à chaque entreprise correspondent des besoins spécifiques. Il n’existe donc pas de solution toute faite. Si l’éventail des offres commerciales de la fibre est équivalent à celui qui existe pour le cuivre, le marché n’est pas encore suffisamment lisible (il comporte trop de jargon technique dans la spécification des offres par exemple). Pour les entreprises qui ne sont pas du secteur ou qui ne disposent pas des compétences techniques internes, il est dès lors difficile de comprendre à quoi correspond une offre au regard de ses besoins. Pour les opérateurs de la fibre, l’enjeu est aujourd’hui « de réveiller un client qui dort ». Le nombre d’entreprises qui ne passent pas à la fibre optique doit diminuer, et ce, en lançant des actions préparatoires plus tôt. C’est aussi le rôle du régulateur de faire en sorte que la fibre profite aux entreprises.

Assurer la complétude du réseau fibre est le premier critère qui va permettre le développement des services pour Olivier Corolleur, directeur général adjoint de l’Arcep. Le réseau de cuivre a fait ses preuves pour beaucoup en augmentant le niveau d’exigence des entreprises. L’arrêter constitue à la fois une opportunité et une menace (coûts du changement pour les entreprises). Si le marché de la fibre est plus lisible, et que toutes les conditions nécessaires sont remplies pour que les entreprises puissent y basculer dans de bonnes conditions, il y a de grandes chances de gagner en compétitivité. Si cette transition n’est pas bien préparée, le risque est de perdre en dynamisme. Cette idée est partagée par Soline Olszanski, qui déclare que la fibre fera alors figure de coût plutôt que d’opportunité pour des clients habitués au cuivre. L’accompagnement dans l’adoption, la proximité dans les services, la confiance dans la qualité des offres et la lisibilité du marché sont dès lors des variables incontournables pour lever les barrières au raccordement à la fibre.

L’impact de la pandémie de Covid-19 a également été abordé dans la discussion. En effet, celle-ci a pu engendrer une baisse de l’activité de déploiement de la fibre pendant cette période. Cependant, elle a aussi été l’occasion de montrer le caractère indispensable du très haut débit, puisqu’elle a permis d’assurer la continuité des services publics, et le maintien d’une activité économique « en distanciel ». B. Messier nous présente cette nécessité de manière claire : avant la crise de la Covid, moins d’un quart des entreprises de moins de 250 collaborateurs disposaient de la fibre, elles étaient 37 % en 2021, pour atteindre 55 % en 2022. O. Corolleur complète ces propos en déclarant que la Covid avait conduit à une réelle prise de conscience de la nécessité de la connectivité.

Les premiers résultats des travaux de recherche soutenus par France Stratégie :

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Chloé Duvivier, chercheuse à l’Inrae, et Clément Malgouyre, économiste à l’École d’économie de Paris, ont présenté leurs principaux résultats de recherche ainsi que leur méthodologie. Leurs constats convergent et se complètent : les retombées du PFTHD (Plan France Très Haut Débit) sont positives sur les RIP. Les déploiements ont permis la stimulation des pratiques numériques des entreprises. Le THD a notamment eu un effet positif sur la valeur ajoutée et les effectifs et a permis davantage de résilience. En outre, on peut noter un effet additionnel de la fibre par rapport aux autres technologies de très haut débit. Cependant, ces résultats sont hétérogènes et varient selon les entreprises (taille, structure), selon le contexte territorial et le degré de ruralité du territoire sur lequel elles sont implantées. Enfin, les recherches menées ne relèvent pas d’effet significatif sur les médias sociaux et le commerce en ligne, ni sur la productivité des entreprises, ou sur l’innovation. C. Duvivier précise cependant que ces résultats mettent du temps à pouvoir être observés (trois ans après l’arrivée de la fibre).

C. Malgouyre a, quant à lui, observé les apports de la fibre à trois niveaux : à la maille communale, où la fibre a eu un effet positif sur la création d’entreprises et sur le taux de chômage ; au niveau infra-communal (parcelles cadastrales), où il a pu détecter des effets de la fibre sur l’âge moyen de la population (plus jeune dans les parcelles traitées) et sur les prix de l’immobilier. Enfin, pendant la de la crise sanitaire, le chercheur constate que la baisse massive des offres d’emploi (-50 %)  au second semestre  2020 par rapport à la même période en 2019 est moins importante les communes couvertes (-40 %). Cet effet est comparable sur les nouvelles embauches.

 

Table Ronde n°2 : Quels usages pour quelles transformations des entreprises ?

Quelles sont les raisons du faible recours à la fibre dans les entreprises françaises ? Éric Brousseau, membre du conseil scientifique, directeur scientifique de la chaire Gouvernance et régulation, a simultanément interrogé le défaut d’adéquation de l’offre à la demande, la diversité des besoins des entreprises et leur aptitude à maîtriser la transformation numérique.

Aubin Bernard (Infranum) insiste, quant à lui, sur la nécessité d’accompagner tous les métiers de la filière fibre pour terminer les déploiements et pour engager les entreprises de tous les secteurs dans leur transformation numérique. Selon les chiffres du Medef, le retard numérique des entreprises françaises coûterait 0,2 point de croissance par an. L’appétence pour la fibre optique vient des usages concrets que les entreprises peuvent en faire dans le cadre de leur production. Il faut donc accroître le nombre d’exemples et rendre plus explicites les avantages de la fibre auprès d’entreprises qui n’ont pas toujours les compétences techniques en interne pour penser et développer des usages innovants. Mais alors, comment faire converger cette adéquation entre l’offre de services, les usages et l’utilisation de la connectivité fournie par le THD et la fibre ?

Dominique Leroy, directeur général des services de Seine-et-Marne numérique, nous explique qu’il faut privilégier une approche par « service » (téléphonie, cloud, etc.) pour comprendre les besoins des entreprises, afin de déboucher in fine sur de l’innovation, du développement commercial et des gains de productivité. En Seine-et-Marne, l’expérience du RIP1G[2] a montré que sur l’offre FttO, les abonnements ont connu jusqu’à 53 % de croissance en continu sur les cinq dernières années, avec une accélération de l’adoption de la fibre par les TPE/PME (les grands comptes ne représentant que 7 %). De plus, en termes de services, sur le RIP1G, on retrouve 136 opérateurs offreurs de services, ce qui constitue une offre extrêmement concurrentielle et permet de répondre à tous les types de besoins.

Pour Olivier Grosjeanne, CTO d’Adista, la fibre est bien un support de la transformation numérique des entreprises car elle permet de transformer profondément la manière de tirer profit des potentialités des technologies numériques utilisées dans les entreprises. À cet égard, trois caractéristiques différencient la fibre des autres technologies de connectivité et constituent les conditions de la transformation des usages : le niveau de débit offert et l’instantanéité des échanges peuvent améliorer considérablement la productivité d’une entreprise en facilitant la coopération au sein de l’entreprise elle-même : là où il fallait plusieurs dizaines de minutes pour échanger des données, il ne faut plus que quelques minutes ou secondes. Elle garantit également un niveau de sécurité des échanges et des transferts, qui s’avère parfois un critère plus important pour l’entreprise que le niveau de débit lui-même. Enfin, la faible latence permet d’envisager des utilisations beaucoup plus pointues (logistique, pilotage de chaîne de production, etc.).

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Marc Charrière, directeur des relations institutionnelles chez Nokia, insiste sur les perspectives d’usages à l’horizon de dix ou quinze ans. Actuellement nous avons tendance à considérer les réseaux de fibre comme des infrastructures passives. Mais avec les couches de services de plus en plus nombreuses qu’ils vont héberger, ces réseaux constituent des infrastructures essentielles, incontournables pour les entreprises comme pour les territoires. Les organisations industrielles et les collectivités qui n’auront pas réfléchi aux innovations rendues possibles par la fibre risquent de passer à côté d’une réelle opportunité et de mutations qui s’effectueront ailleurs. Pour l’avenir, il faut donc penser à la convergence et à la virtualisation des réseaux fixes/mobiles qui seront finement intriqués.

M. Charrière évoque plusieurs exemples qui montrent notamment comment des besoins sont traités par l’articulation et l’intrication des réseaux fibre et des réseaux de proximité 5G : les champs éoliens, les voitures connectées, mais aussi les ports pour pouvoir gérer les flux logistiques.

Le déploiement n’est qu’une première étape et ne doit pas rester le seul objectif. Le bénéfice des déploiements doit aussi se penser en termes de services, de développement des compétences et d’incitations des entreprises à engager leur transformation numérique.


[2] Réseau d’initiative publique de première génération.

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