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Communiqués de presse
Publié le
Vendredi 12 Juillet 2019
Salaires, emploi, finances publiques, croissance… Quel impact de l’immigration ? À la demande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, France Stratégie propose une revue de littérature inédite sur l’impact de l’immigration sur ces trois volets. De manière globale, en France, l’impact de l’immigration sur le marché du travail, les finances publiques et la croissance n’apparaît pas de grande ampleur. Les comparaisons internationales montrent que les impacts dépendent de la composition des flux d’immigration et des caractéristiques des pays d’accueil, notamment en matière de fonctionnement du marché du travail et d’étendue de l’État providence.
L’impact de l’immigration sur le marché du travail, les finances publiques et la croissance

France Stratégie s’attache à souligner la multiplicité et la complexité des enjeux et limites méthodologiques dans l’évaluation des impacts de l’immigration.

Spécificités françaises

En France en 2018, la population immigrée – personnes nées étrangères à l’étranger – représente 9,7 % de la population. Les flux en provenance de pays non européens se composent encore pour un gros tiers d’immigration familiale ; les parts de l’immigration humanitaire et pour motif économique restent faibles (13 % chacune), bien qu’en hausse. Les arrivées d’étudiants, également en hausse, se rapprochent des entrées pour raisons familiales. La France étant un pays d’immigration ancienne, sa population immigrée est relativement âgée : la part des « 55 ans et plus » est aujourd’hui identique à celle des non-immigrés. Aussi, le niveau d’éducation de la population immigrée est relativement polarisé en France, avec une surreprésentation des non-diplômés (plus de 20 points de plus que les non-immigrés) mais aussi dans une moindre mesure des très diplômés (près de 2 points de plus pour les détenteurs d’un diplôme au moins égal à la licence).

Impact de l’immigration sur le marché du travail

L’écart de taux d’emploi vis-à-vis des non-immigrés est de 18 points pour les 25-54 ans, en raison d’une part d’une plus faible activité des immigrées (avec un différentiel de 20 points vis-à-vis des non-immigrées pour les 25-54 ans), d’autre part d’un plus fort risque de chômage des immigrés (plus de deux fois plus élevé, et même près de trois fois plus élevé pour les immigrés étrangers hors UE). Une part substantielle de ces écarts n’est pas expliquée par les niveaux de diplôme. Fragilité sociale, barrière linguistique, obstacles légaux, discrimination, vulnérabilité… les facteurs de déclassement et les obstacles à l’emploi des personnes immigrées sont nombreux.

D’après les études recensées, l’impact de l’immigration sur le marché du travail serait faible, qu’il s’agisse de l’emploi ou des salaires des non-immigrés. En France, un accroissement de 1 % de la main-d’œuvre dû à l’immigration se traduirait selon les études par une variation de l’emploi des non-immigrés comprise entre -0,3 % et +0,3 %, et une variation des salaires comprise entre -0,8% et +0,5 %. Si l’on suppose que l’impact de l’immigration sur le taux d’emploi (ou de chômage) des non-immigrés s’avère nul ou presque, l’évolution des indicateurs du marché du travail dépend alors exclusivement de l’insertion professionnelle des immigrés eux-mêmes.

 

Impact de l’immigration sur les finances publiques

L’estimation de la contribution aux finances publiques d’une sous-population donnée se heurte à de redoutables obstacles méthodologiques. D’après les principales études recensées, qui divergent dans certaines des hypothèses retenues, la contribution différentielle des immigrés, relativement aux non-immigrés, serait de l’ordre de 0,3 point de PIB de déficit.

En France, l’impact de l’immigration sur les finances publiques serait un peu plus négatif qu’en moyenne dans l’OCDE, et ce pour trois raisons. Premièrement, l’insertion professionnelle des immigrés est relativement plus défavorable en France. Deuxièmement, l’immigration engendre à court terme un dividende démographique car les populations immigrées sont plus souvent en âge de travailler. Mais, les immigrés eux-mêmes vieillissent : la part des plus de 55 ans est aujourd’hui la même que chez les non-immigrés. Le dividende démographique en France est donc faible aujourd’hui. Enfin, le système redistributif est plus étoffé en France que la moyenne OCDE, mutualisant davantage les écarts de niveau de vie, et les rendant donc plus coûteux pour la collectivité et ce, que les ménages modestes soient immigrés ou pas.

Impact sur la croissance

Les études empiriques en matière d’analyse d’impact de l’immigration sur la croissance se heurtent principalement à l’écueil méthodologique dit d’« endogénéité », qui consiste à confondre corrélations et causalités. Ces études, souvent peu spécifiques à la France, concluent pour la plupart à un effet positif de l’immigration sur la croissance par tête, moins net cependant dans les pays les plus développés que dans les pays émergents ou en développement. Elles tendent à mettre en évidence que les effets positifs de l’immigration transitent principalement par la productivité globale des facteurs.

Recommandations

La revue de littérature menée pour rédiger ce rapport a mis en évidence la richesse des données sur l’immigration, et le grand nombre d’études académiques, toutefois rarement spécifiques à la France. Certaines améliorations apparaissent possibles, tant dans la mise à disposition de données que dans les études d’impact : publier à intervalles réguliers un document synthétique détaillant les écarts entre les données de flux publiées par le ministère de l’Intérieur et par l’OCDE ; améliorer le suivi des trajectoires de la population immigrée ; réaliser davantage d’études s’intéressant de manière conjointe aux effets de l’immigration sur l’emploi des immigrés et des non-immigrés, et en particulier sur l’apport de la population immigrée aux métiers en tension. S’agissant de l’impact sur les finances publiques, actualiser l’analyse à intervalles réguliers, notamment en s’appuyant sur la méthodologie des études du CEPII et de l’OCDE, en mettant à profit les dernières enquêtes disponibles.