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Communiqués de presse
Publié le
Mardi 15 Décembre 2020
À en croire les comparaisons internationales, la France serait l'un des pays où la polarisation de l'emploi est la plus marquée. Ce phénomène de polarisation du marché du travail fait craindre une atrophie de la classe moyenne, une montée des inégalités et une panne de la mobilité sociale. Mais est-ce réellement le cas ? Y a-t-il de plus en plus de bas salaires et d'emplois peu qualifiés (aides à domicile, serveurs, caissiers) parallèlement à la baisse des emplois moyennement qualifiés (ouvriers qualifiés de l'industrie, employés de bureau...) et l'augmentation des emplois très qualifiés (cadres, professions libérales) ? France Stratégie rappelle les difficultés méthodologiques d'une telle analyse, et conclut que la polarisation ne se traduit pas par l'augmentation de l'emploi peu qualifié.
Polarisation du marché du travail

Qu'est-ce que la polarisation de l'emploi ?

On entend par polarisation de l'emploi le déclin historique de la part des emplois situés au milieu de la distribution des qualifications (employés et ouvriers qualifiés) au profit à la fois des plus qualifiés (cadres et professions intermédiaires) et des moins qualifiés (ouvriers et employés peu qualifiés).

Les auteurs de l'étude se basent sur deux méthodes pour préciser le diagnostic français : d'abord en estimant la polarisation des emplois par la classification sociale des professions, ensuite par la distribution des salaires.

En France, la polarisation du marché du travail ne se traduit pas par une augmentation de la part des emplois peu qualifiés

Que l'on aborde la question par la catégorie socioprofessionnelle, par le salaire individuel ou par le niveau de salaire moyen dans les métiers, on en arrive toujours au même résultat : s'il y a bien une érosion des qualifications médianes au profit des professions de cadres, on ne décèle en France aucune hausse de la part des emplois moins qualifiés. À rebours d'une littérature académique déjà nombreuse, les analyses des instituts statistiques - Insee et Dares - confirment ce constat nuancé pour la France.

Si on se place du côté de la classification sociale des professions, on observe une augmentation massive des emplois liés aux services à la personne pendant les années 1990, notamment les aides à domicile et les assistant(e)s maternelles, avant que la crise ne déprime l'emploi des particuliers employeurs. Mis à part ces deux métiers, on ne constate pas d'augmentation des emplois peu qualifiés en France.  Si on se place du côté des salaires, c'est le même constat : on constate que la part dans l'emploi des plus faibles rémunérations, comme des rémunérations médianes, a diminué́ depuis le milieu des années 1990. Celle des rémunérations élevées ou très élevées a augmenté́, ce qui traduit une montée en qualification.

Pourquoi cette différence de diagnostic sur le marché du travail français par rapport aux études académiques ?

La réponse serait essentiellement d'ordre méthodologique. On constate des divergences de nomenclatures entre les pays. Par exemple, la nomenclature internationale inclut dans la catégorie des peu qualifiés des professions qui sont identifiées comme moyennement qualifiées dans les catégories socioprofessionnelles françaises et qui créent de l'emploi : c'est le cas des vendeurs ou des agents du transport. De plus, les données françaises comportent aussi leurs limites : nombre d'analyses académiques sur la France se fondent sur les données administratives - les DADS, déclarations annuelles de données sociales - pour apparier salaires et professions, qui ne permettent pas d'analyser les évolutions de l'emploi salarié et non salarié sur longue période.  Aussi, les qualifications se recomposent en permanence en fonction des profils recrutés, du progrès technologique, de la localisation des activités, de la fragmentation du travail qui impactent les conditions d'emploi et de travail. Et ces recompositions touchent aujourd'hui toutes les qualifications. Cela invite à un classement plus « complexe » et dynamique des professions, de plus en plus difficilement comparable internationalement.