Back to
Rapport
Publié le
Lundi 20 Avril 2020
Le projet de loi concernant les pensions de réversion a pour ambitions de définir un corps de règles uniques pour mettre fin à la forte variété des règles actuelles d’une part, d’assurer aux veufs un haut niveau de protection d’autre part. La présente note revient sur le contexte de la réforme et les dispositions mises en place.
HCFEA - Note et avis sur les pensions de réversion

Téléchargez la note du Conseil de l’âge sur les pensions de réversion –
adoptée en avril 2020

Téléchargez l'avis du Conseil de l’âge sur les pensions de réversion –
adopté en avril 2020

I. Le contexte de la réforme

 

A. Observations liminaires

  1. Le veuvage concerne très majoritairement les femmes

Comme 96% des prestations compensatoires et 88% des réversions concernent des femmes, on utilisera les termes « personne divorcée » et « veuve » comme attributaires des droits ; divorcé comme débiteur d’une prestation compensatoire et défunt, personne dont le décès ouvre droit à réversion(s).

  1. Objectifs

Le projet de loi a pour ambitions de définir un corps de règles uniques pour mettre fin à la forte variété des règles actuelles d’une part, d’assurer aux veufs un haut niveau de protection d’autre part.

  1. Le nouveau régime ne s’appliquera qu’à un terme lointain

L’entrée en vigueur est prévue à l’article 62 qui stipule que « Le I de l’article 46 s’applique aux retraites de réversion issues de retraites de conjoints décédés relevant des 1° et 2°l du III du présent article (1° à partir du 1er janvier 2022 pour les assurés nés à compter du 1er janvier 2004 ; 2° à partir du 1er janvier 2025 pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1975).

Par dérogation les conjoints divorcés sont assimilés à des conjoints survivants pour l’application du I de l’article 46 si leur divorce est intervenu avant le 1er janvier 2025.

Selon la note d’impact [1] « le nouveau dispositif s’appliquera donc aux conjoints survivants des assurés qui sont décédés après que leurs droits ont été convertis dans le système universel de retraite. La première génération concernée par le système universel étant celle née en 1975, le nouveau dispositif s’appliquera donc à partir de 2037 aux conjoints de retraités décédés (ou antérieurement pour les assurés qui n’étaient pas encore retraités au moment du décès) ».

  1. Comparaison avec la situation actuelle

Il n’est pas facile de comparer le futur régime universel à la situation actuelle parce que les retraites de droit direct du défunt, de la veuve et de la divorcée connaitront des évolutions complexes au titre du régime universel.

B. Le cadrage socio-économique

Voir l’annexe 1

1) La baisse tendancielle des dépenses de réversion

À réglementation constante, elle sera prononcée (le COR estime que les dépenses de réversion pourraient passer de 1,5 points de PIB actuellement, à 1,3 % en 2030 et à 0,8 ou 0,6 points en 2070 (selon le scenario économique retenu). La baisse des dépenses est liée pour l’essentiel à des évolutions démographiques (espérances de vie, écart d’âge au mariage) et à la baisse du mariage. Dans sa fiche d’impact, le Gouvernement prévoyait que le niveau des dépenses de réversion serait voisin de la projection du COR. Les mesures annoncées depuis la rédaction de cette fiche ne modifieraient qu’à la marge les prévisions de dépenses.

2) Le recul de la nuptialité Au fil des générations, la part de femmes mariées à chaque âge diminue. Si plus de 9 femmes sur 10 étaient mariées à 50 ans dans la génération 1938, elles ne sont plus que 72 % dans la génération 1968. Si un certain nombre d’entre elles se marieront après 50 ans, il est probable qu’on n’atteigne pas la part de femmes mariées des générations précédentes. Toutes choses égales par ailleurs le recul de la nuptialité a pour effet de diminuer la fréquence des situations où interviendront le versement de la prestation compensatoire et, le cas échéant, d’une pension de réversion (intégrale ou partagée).

3) La croissance de la divortialité Les divorces deviennent plus fréquents au fil des générations. Parmi les mariages contractés en 1970, un quart étaient déjà rompus au bout de 25 ans. 20 ans plus tard, parmi la cohorte des mariés de 1990, 36 % avaient déjà divorcé avant d’atteindre les 25 ans de mariage. Toutes choses égales par ailleurs, la croissance de la divortialité a pour effet d’accroître la fréquence des situations où interviendront le versement de la prestation compensatoire et, le cas échéant, d’une pension de réversion (intégrale ou partagée).

4) La croissance du remariage des époux divorcés La part de remariages a augmenté au fil des années. Au début des années 1970, environ 6 % des mariages étaient des remariages. 40 ans plus tard, au début des années 2010, le remariage concerne près d’un mariage sur 5 (18 % pour les femmes et 19 % pour les hommes). Toutes choses égales par ailleurs, la croissance du remariage a pour effet d’accroître la fréquence des situations où 1° la divorcée s’est elle-même remariée. 2° coexistent deux épouses successives (divorcée et veuve).

5) La croissance de la remise en couple de personnes divorcées. Nous ne disposons pas de données suffisantes pour les effectifs de personnes divorcées remises en couple. Les évolutions sont en effet très différentes d'une génération à l'autre. Mais nous savons qu'au stade actuel le taux de remariage n'est pas trop élevé (environ 20 %). Quant aux couples non mariés, nos sources sont trop lacunaires pour hasarder des chiffres, mêmes approximatifs.

6) La croissance des retraites des droits propres des femmes. Les pensions des femmes augmentent au fil des générations plus rapidement que celles des hommes, réduisant l’écart de pension entre les sexes. L’écart de droits directs est de 68 % pour la génération 1951 (contre 57 % pour la génération 1938) (source : Drees). En projection, l’écart continuerait à se réduire (sans toutefois se résorber) pour atteindre environ 80 % pour la génération 1970.

C. Chiffres clés

  1. Effectifs

Malgré l’insuffisance des données statistiques, on peut approcher les effectifs concernés par la pension de réversion de deux manières.

a) Données démographiques (statistiques de l’état civil, ensemble de la population)

En 2018, on dénombre 146 000 décès d’hommes mariés (de 50 ans et plus). Parmi eux, on suppose que 16 % sont des remariés.

On compte donc :

- de l’ordre de 123 000 situations d’un mariage unique ;

- de l’ordre de 23 000 situations où le défunt avait divorcé et s’était remarié. Il laisse à son décès une divorcée (ou plus) et une veuve.

Par ailleurs, on compte 28 000 décès d’hommes divorcés (de 50 ans et plus). Ils laissent à leur décès une (ou plus) divorcée (s). Au total, en 2018, on compte pour 174 000 décès d’hommes mariés ou divorcés, 146 000 veuves et plus de 51 000 divorcées, soit 1,13 pensions ouvertes par décès.

b) Bénéficiaires d’un droit dérivé au régime général

Fin 2018, sur l’ensemble des bénéficiaires d’un droit dérivé au régime général, 86 % sont des veuves percevant une pension de réversion entière (tableau 1). Les divorcées représentent 10 % des bénéficiaires.

Sur les flux d’attribution en 2019, cette configuration représente 80 % des bénéficiaires. Les divorcées représentent 13 % des bénéficiaires (tableau 2).

Tableau 1 – Part des personnes divorcées et des veuves parmi les bénéficiaires
de droits dérivés en paiement fin 2018, stock

HCFEA - Pensions de réversion - Tableau 1

HCFEA - Pensions de réversion - Tableau 1, par spaupardin

(a) Hypothèse arbitraire sur la répartition des personnes vivant en couple 2/3 divorcées ; 1/3 veuves.

Tableau 2 - Part des personnes divorcées et des veuves parmi les bénéficiaires
de droits dérivés en paiement – attribution 2019

HCFEA - Pensions de réversion - Tableau 2

HCFEA - Pensions de réversion - Tableau 2, par spaupardin

(a) Hypothèse arbitraire sur la répartition des personnes vivant en couple 2/3 divorcées ; 1/3 veuves.

Malgré les grandes incertitudes de ces chiffrages, on peut retenir que :

- la situation la plus fréquente – de l’ordre de 90 % – est celle d’un assuré qui ne s’est marié qu’une fois et qui meurt marié (la veuve est la seule personne pensionnée) ;

- tous régimes, en extrapolant les données du régime général, le nombre de personnes divorcées dont l’ex-conjoint ne s’est pas remarié pourrait être proche de 300 000 (la personne divorcée est la seule pensionnée) ;

- tous régimes, les situations où coexistent une personne veuve et une (ou plus) personne divorcée pourrait être de l’ordre de 100 000.

c) On compte au total 4,4 M de bénéficiaires de droits dérivés fin 2017

2. Dépenses de réversion

Elles s’élèvent à 35,9 Md€ en 2018 [2] (soit environ 11 % du total des dépenses vieillesse et survie).

La pension moyenne est de 720 €/mois [3] (fin 2016).

La durée de service de la pension (régime général) pour les pensionnés de réversion décédés en 2018 est d’un peu plus de 16 ans [4, 5]. En associant montant et durée on a une estimation approchée de la valeur d’une pension de réversion. Elle serait d’environ 120 000 € [6].


[1] Page 839.
[2] COR, 2019, rapport du COR de novembre.
[3] Les retraites et les retraités, édition 2019. Champ : Retraités de droits dérivés résidant en France.
[4] 16,2 ans pour les pensions servies réversion avec un droit direct et 16,9 ans pour les pensions de réversions servies seules (Source : CNAV).
[5] Cette durée de veuvage baisse au fil des générations.
[6] On considère ici le montant moyen de réversion pour l’ensemble des retraités, résidant en France ou à l’étranger.

Téléchargez la note du Conseil de l’âge sur les pensions de réversion –
adoptée en avril 2020

Téléchargez l'avis du Conseil de l’âge sur les pensions de réversion –
adopté en avril 2020