C’est le cas dans l’Albigeois, où deux projets alimentaires territoriaux distincts ont été initiés : le projet d’autosuffisance alimentaire de la ville d’Albi et le projet de développement d’une agriculture de proximité du Pôle territorial de l’Albigeois et des Bastides (PTAB). Le premier met en avant l’ambition de la ville de subvenir à ses propres besoins alimentaires, le second vise à soutenir l’agriculture locale au sein du PTAB.
Ces initiatives s’expliquent en partie par l’intérêt des élus pour la valorisation des ressources et des produits locaux ainsi que par la place de l’agriculture dans l’économie locale. Elles constituent des projets de développement économique territorial, s’appuyant sur la consolidation de systèmes alimentaires locaux pour renforcer la cohésion territoriale. Elles s’inscrivent dans une démarche conjointe d’amélioration de l’environnement et de préservation de l’emploi et de la qualité de vie. Elles correspondent à des enjeux saillants pour le territoire des collectivités qui les mettent en place.
Ainsi, les filières agricoles et alimentaires sont bien représentées dans l’économie locale : par exemple, la zone d’emploi d’Albi se caractérise par l’importance de l’emploi agricole, celui-ci occupant 6,3 % des actifs, contre 2,5 % en France métropolitaine en 2014 [1]. Elles sont toutefois menacées, notamment par l’artificialisation des terres, la consommation d’espace dans l’agglomération albigeoise augmentant plus rapidement qu’au niveau national [2]. Les défis environnementaux incitent également à repenser les pratiques, l’agriculture représentant une forte part des émissions de gaz à effet de serre du territoire. Par exemple, elle émet 73 % des émissions du PTAB – à mettre en regard d’une part de 17 % au niveau national [3] en 2017.
Ces projets supposent la conduite de diagnostics territoriaux, des démarches de sensibilisation avec un volet éducatif et social, le développement de l’approvisionnement local de la restauration collective ainsi que la maîtrise des évolutions du foncier urbain et périurbain. Ils s’appuient sur une dynamique nationale soutenue par le ministère de l’agriculture, celle du Programme national pour l’alimentation (PNA) avec pour objectif de conduire un Projet alimentaire territorial (PAT).
Les documents d’aménagement du territoire et d’urbanisme comme les Schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les Plans locaux d’urbanisme (PLU) les prennent progressivement en compte, de même que, pour le PTAB, les politiques climat-énergie.
Cependant, l’existence de deux projets différents dans l’Albigeois et l’éclatement des dispositifs de mise en œuvre affaiblissent la cohérence de ces démarches, alors que les ressources des territoires concernés sont complémentaires. Des contradictions subsistent également entre ces ambitions et leur traduction dans les politiques publiques traditionnelles, qui témoignent des difficultés rencontrées pour concilier différentes demandes politiques locales. Ces difficultés ne doivent cependant pas occulter l’importance dans l’Albigeois d’une réelle prise de conscience collective sur le sujet de la transition écologique, qui doit être soutenue et qui peut être source d’inspiration pour d’autres collectivités.
L’élaboration de diagnostics territoriaux partagés et la co-construction des projets de territoire apparaissent particulièrement intéressantes pour favoriser une convergence entre acteurs territoriaux aux visions distinctes de l’agriculture et de l’action publique. Construire des indicateurs permettant de rendre visibles les apports des politiques de transition écologique pourrait aussi y contribuer, en s’accompagnant de coopérations plus fortes entre collectivités, voire de la mutualisation de certaines capacités d’intervention. Des dispositions spécifiques inscrites dans les futurs Contrats de plan État-Région (CPER) pour 2021-2027 pourraient être explorées en ce sens [4].
[1] Préfecture de la région Occitanie (2018), Repères Occitanie.
[2] Cerema (2017), La consommation d’espaces et ses déterminants d’après les fichiers fonciers de la DGFiP, carte p. 37.
[3] Commissariat général au développement durable / I4CE (2017), Chiffres clés du climat. France, Europe et Monde, édition 2018.
[4] Pour la période 2015-2020, ceux-ci représentent près de 30 milliards d’euros contractualisés, dont un peu moins de la moitié apportés par l’État et ses opérateurs.
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